Les raisons de la résilience des actions

information fournie par Le Cercle des analystes indépendants 07/04/2022 à 08:57

(Crédits photo : Adobe Stock - LUMINA IMAGES )

CAC 40, Rebond du cours des actions, confrontation entre la stagflation et hyperliquidité, création monétaire des banques centrales, inflation, taux d'intérêt négatifs.

La résilience du cours des actions est stupéfiante. Le CAC 40 est revenu à une encablure du niveau d'avant le déclenchement de la crise ukrainienne. A 6 650 points, il a frôlé le niveau de sa moyenne mobile un an, avant de refluer légèrement. Deux résistances majeures se situent un peu au-dessus du cours de clôture d'hier soir : la ligne de cou de la figure tète épaule déployée de novembre 2021 à mars 2022, et la ligne de tendance baissière qui relie le plus haut historique de clôture (7.374 points le 5 janvier), à 7.131 points (clôture du 9 février, voir graphique).

Cette droite de tendance est très pentue et perd 200 points par mois, 1.200 points par an, ce qui constitue d'une certaine façon l'objectif des forces stagflationistes. Les arguments fondamentaux qui sous-tendent cette ligne baissière sont bien connus ; ils ont été amplifiés par la crise ukrainienne : un choc pétrolier associé à la normalisation des politiques monétaires des banques centrales, peut être le pire cocktail pour les actions. Pourtant, les forces haussières sont elles aussi particulièrement puissantes, puisqu'elles viennent de faire progresser les actions de plus de 10% par rapport au point bas du 8 mars (5 963 points, clôture). Comment peut on expliquer une telle hausse ?

Le CAC 40 depuis un an.

Source : Factset et Valquant Expertyse

Le premier argument est que Wall Street elle-même progresse fortement. En dépit de la hausse des taux de marché, qui ont touché 2,4% sur les obligations à 10 ans du trésor américain cette semaine, le cours des actions Outre Atlantique est lui aussi sur des points majeurs. Le S&P 500, par exemple, a refranchi à la hausse sa moyenne mobile un an, ce qui est un signal d'achat.

Là-bas comme ici, les arguments fondamentaux ne sont pas au rendez-vous. Le dollar s'apprécie fortement, et la Fed a clairement confirmé que l'année 2022 était bien l'année de la hausse des taux, mais rien n'y fait. Les cours ont monté notamment parce que les USA sont éloignés du théâtre des opérations militaires, et parce que, contrairement à l'Europe, ils produisent eux-mêmes leur pétrole et disposent de degrés de libertés que l'Europe n'a pas. Comme d'habitude, quand Wall Street va bien, quelle qu'en soit la raison, les bourses européennes ne peuvent que se porter correctement ….

Evolution comparée des indices. (Source : Factset et Valquant Expertyse)

Le deuxième argument est le maintien du Quantitative Easing de la BCE et de la Banque du Japon, qui nourrissent jusqu'au bout les positions spéculatives des acteurs du marché. La BCE a ainsi racheté au cours de la dernière semaine connue, plus de 20 Mds€ d'obligations. Rappelons qu'en deux ans, la BCE a réé sans contrepartie 4 000Mds€, et la Fed 4 000Mds$, alors que les PIB sont quasiment inchangés sur cette période …Ces chiffres considérables ont permis de freiner la hausse des taux d'intérêt, et de financer directement ou indirectement les positions spéculatives refinancées au jour le jour.

Bilans comparés de la Fed, de la BCE et de la Boj.

Enfin, le troisième argument est le plus important. Il est repris par les tenants les plus convaincus d'une poursuite de la hausse du marché des actions : les taux d'intérêt réels négatifs. En effet, il n'a échappé à personne que l'inflation de plus de 5% est largement supérieure aux taux d'intérêt. Même s'ils ont remonté jusque toucher 1% cette semaine pour l'OAT France, leur niveau demeure extraordinairement bas ; ils sont mêmes négatifs lorsqu'on déduit l'inflation. Le calcul est ainsi évident : les taux d'actualisation de flux futurs sont très bas, ce qui justifie des cours encore plus élevés.

En théorie, l'inflation est la solution, car elle favorise la progression des ventes des entreprises et réduit la charge de la dette et le poids des déficits publics (en% PIB). Pourtant :
1.    L'inflation réduit instantanément le pouvoir d'achat des ménages (les volumes d'achat baissent pour un budget donné), et donc la demande en volume qui d'adresse aux entreprises
2.    Elle renchérit les couts des entreprises
3.    Elle augmente fortement l'incertitude et la prime de risque.

Le taux d'intérêt réel négatif est un concept séduisant mais trompeur. Son avantage est d'éviter une crise systémique d'endettement, grâce au remboursement moins douloureux de la dette accumulée, mais au prix de la spoliation de l'épargnant (et du retraité). Enfin, le seul taux d'intérêt réellement payé est bien le taux nominal, et sa hausse, même inférieure à l'inflation, peut susciter une crise financière majeure. Les positions spéculatives sont refinancées au jour le jour au taux nominal, pas au taux réel.

La confrontation entre les tenants de la stagflation et de l'hyperliquidité est proche. Nous pensons que les forces baissières devraient l'emporter et nous recommandons donc la plus grande prudence après la hausse de 10% depuis les points bas du 7 mars.