Les négociations sur le nucléaire iranien reprennent dans la méfiance information fournie par Reuters 29/11/2021 à 10:48
par Francois Murphy et Parisa Hafezi
VIENNE, 29 novembre (Reuters) - L'Iran et les puissances signataires de l'accord sur son programme nucléaire se retrouvent ce lundi à Vienne pour tenter de sauver ce pacte conclu en 2015 mais les chances de progrès semblent ténues alors que Téhéran maintient une ligne de fermeté et que la frustration grandit côté occidental.
Les diplomates soulignent que le temps presse pour ressusciter le Plan d'action global commun (PAGC, ou JCPoA en anglais), négocié de haute lutte par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, l'Union européenne et l'Allemagne, puis torpillé en 2018 par le retrait des Etats-Unis.
Ce retrait décidé par Donald Trump, assorti d'un rétablissement de sanctions américaines, a incité l'Iran à s'affranchir également de cet accord censé encadrer ses activités nucléaires.
Après l'arrivée à la Maison blanche de Joe Biden en début d'année, six séances de négociations indirectes entre Américains et Iraniens ont eu lieu d'avril à juin dans la capitale autrichienne, où siège l'Agence internationale de l'agence atomique (AIEA), mais ce processus a été gelé avec l'élection de l'ultraconservateur Ebrahim Raïssi à la présidence de l'Iran.
La nouvelle équipe de négociateurs iraniens a formulé des demandes jugées irréalistes par les Européens et les Américains, affirment des diplomates occidentaux.
"Nos demandes sont claires. C'est aux autres parties et en particulier aux Américains de décider s'ils veulent que cet accord soit ou non ressuscité. Ils ont abandonné le pacte, donc ils doivent y revenir et lever toutes les sanctions", a dit à Reuters un responsable iranien proche des pourparlers.
La République islamique exige la levée de toutes les sanctions américaines et européennes prises depuis 2017, y compris celles n'ayant aucun rapport avec son programme nucléaire.
Le ministère iranien des Affaires étrangères a exclu toute rencontre directe entre responsables iraniens et américains à l'occasion de ces pourparlers censés reprendre à 13h00 GMT.
LES USA PRÊTS À ACCROÎTRE LA PRESSION
En parallèle, le conflit entre la République islamique et l'AIEA, censée surveiller les activités nucléaires de Téhéran, s'est envenimé. L'Iran poursuit l'enrichissement de l'uranium à des seuils interdits par le PAGC et l'AIEA reproche à l'Iran le traitement réservé à ses inspecteurs ou la nécessité de rebrancher les caméras de surveillance qu'elle juge indispensables à la réactivation du pacte.
"Si l'Iran pense qu'il peut profiter de ce délai pour se doter de plus de moyens pour négocier avant de revenir et de dire qu'il veut quelque chose de mieux, cela ne marchera pas. Nous et nos partenaires ne marcherons pas", a déclaré dimanche l'émissaire américain Robert Malley à la BBC.
Les Etats-Unis seront prêts à accroître leur pression sur l'Iran si les pourparlers échouent, a-t-il averti.
Les responsables iraniens soulignent de leur côté que leur objectif est d'obtenir une levée des sanctions plutôt que d'aborder les questions nucléaires. La composition de leur délégation de 40 membres illustre cette volonté puisqu'elle comprend de nombreuses personnalités traitant des affaires économiques.
"Pour garantir que tout accord futur soit solide, l'Occident doit payer le prix de son incapacité à respecter sa part d'engagements. Comme dans tout secteur, un accord est un accord et le rompre a des conséquences", a écrit le principal négociateur iranien, Ali Bagheri Kani, dans une tribune offensive publiée dimanche dans le Financial Times.
"Le principe de 'mise en conformité mutuelle' ne peut pas former une base convenable de négociations puisque c'est le gouvernement américain qui a unilatéralement quitté l'accord."
L'un des scénarios envisagé par Washington serait, selon des diplomates, de négocier avec Téhéran un accord intérimaire sans date butoir qui serait valide jusqu'à conclusion d'un accord permanent.
L'absence d'accord pourrait aussi provoquer une réaction d'Israël, qui n'exclut pas une intervention militaire contre le programme nucléaire iranien.
"Les négociations ne peuvent pas durer éternellement. Il y a une nécessité évidente d'accélérer le processus", a dit l'émissaire russe, Mikhaïl Oulianov, sur Twitter.
(Rédigé par John Irish et Parisa Hafezi, version française Jean-Stéphane Brosse et Bertrand Boucey, édité par Matthieu Protard)