Le lobby agricole brésilien veut démanteler l'agence indienne

information fournie par Reuters 17/05/2017 à 02:32
    BRASILIA, 17 mai (Reuters) - Une commission du Congrès 
brésilien appuyée par le puissant lobby agricole a recommandé 
mardi le démantèlement de l'agence des affaires indiennes, qui 
défend les droits des tribus face aux exploitants, notamment en 
Amazonie.  
    La Fondation nationale de l'Indien (Funai) cherche à 
protéger les groupes indigènes en préservant leurs terres, ce 
qui la place en conflit direct avec les agriculteurs ou les 
mineurs.  
    Dans un rapport, une commission de la Chambre des députés 
propose de remplacer la Funai par un bureau national indigène 
placé sous la tutelle du ministère de la Justice. La défense des 
droits indigènes, actuellement assurée par des anthropologues, 
serait ainsi confiée à des politiques.  
    "Il y a des Indiens qui veulent devenir mineurs ou 
producteurs et ils devraient avoir la liberté de décider 
eux-mêmes. La Funai les surprotège et se montre paternaliste", a 
déclaré l'auteur du rapport, Nilson Leitao, qui dirige le vaste 
groupe d'élus représentant les circonscriptions rurales au sein 
de la chambre basse du Congrès.  
    La commission parlementaire préconise également d'engager 
des poursuites contre les responsables de la Funai qui 
soutiennent des revendications sur des terres présentées comme 
ancestrales par les tribus. 
    "La mort de la Funai serait une sorte de génocide car elle 
nous a conseillés sur la manière de survivre. Ces élus 
représentent les intérêts de l'agribusiness, pas notre intérêt", 
a déclaré Francisco, 42 ans, chef du peuple Kaingang dans le sud 
du Brésil, venu manifester mardi devant le Congrès.  
    "Si ce rapport est adopté, il n'y aura plus de place pour 
les indigènes dans l'avenir du Brésil. L'avenir sera pour le 
soja, le maïs et le sucre de canne", a déploré Nilto Tatto, un 
élu du Parti des travailleurs (opposition de gauche). "C'est 
cette même vision qui vise à détruire les forêts du Brésil." 
    Les ONG qui luttent pour les droits indigènes et la défense 
de l'environnement au Brésil voient dans ce rapport 
l'illustration de la volonté du lobby agricole de criminaliser 
les mouvements sociaux.  
    "Cela s'inscrit dans une stratégie plus large visant à lever 
les 'obstacles' qui limitent l'accès des spéculateurs fonciers, 
des propriétaires terriens, des bûcherons clandestins et des 
compagnies minières aux territoires et aux ressources 
naturelles, en particulier en Amazonie", a estimé Brent 
Millikan, de l'ONG International Rivers.   
    La population indigène brésilienne, forte de 900.000 
personnes, soit moins de 1% de la population totale du pays, est 
constituée d'environ 300 nations. Elle est particulièrement 
exposée aux problèmes de malnutrition, de mortalité infantile et 
de chômage.  
    Le président de la Funai, Antonio Fernandes Toninho Costa, a 
été limogé le 5 mai dernier par le gouvernement pour avoir 
critiqué la baisse de 40% du budget de son agence.  
    L'an dernier, 61 militants pour la défense des terres 
indiennes ont été tués au Brésil, soit l'année la plus violente 
depuis 2003, selon l'Eglise catholique.  
 
 (Anthony Boadle; Jean-Stéphane Brosse pour le service français)