La France ne signera pas l'accord UE-Mercosur à "n'importe quel prix"

information fournie par Reuters 02/07/2019 à 16:39
    * "Il n'y aura pas d'accord à n'importe quel prix"-Guillaume
    * La France pas prête à le ratifier pour l'instant-Ndiaye
    * La FNSEA et les JA demandent à être reçus par Macron

 (Actualisé avec précisions, contexte, autres déclarations)
    PARIS, 2 juillet (Reuters) - Le gouvernement s'est efforcé
mardi de rassurer les opposants au projet d'accord de
libre-échange conclu vendredi entre la Commission européenne et
le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay), en
assurant que la France jugerait "sur pièces" et ne signerait pas
"à n'importe quel prix".
    La conclusion de ce pacte, fruit de près de vingt ans de
négociations, a relancé les critiques et ravivé les inquiétudes
des agriculteurs et des écologistes qui y voient une
"concurrence déloyale" et des risques en matière sanitaire et
environnementale  . 
    "Il n'y aura pas d'accord à n'importe quel prix et
l'histoire n'est pas terminée", a déclaré le ministre de
l'Agriculture Didier Guillaume lors des questions au
gouvernement à l'Assemblée nationale. "Le gouvernement tout
entier et moi-même serons vigilants. Je ne serai pas le ministre
de l'Agriculture qui aura sacrifié l'agriculture française sur
l'autel d'un accord international."
    "Cet accord ne pourra pas être signé si, au niveau du boeuf
(...), on n'a pas de certitudes sur la traçabilité", a-t-il
poursuivi. Et "déstabiliser la filière sucrière aujourd'hui,
tellement elle est en difficulté, ce ne serait pas acceptable".
    Quelques minutes plus tôt, le chef de la diplomatie
française Jean-Yves Le Drian avait estimé que la précipitation
n'était pas "toujours bonne conseillère" et prévenu que la
France jugerait "sur pièces". 
    "Même si les dispositions que l'on croit connaître de cet
accord offrent des opportunités économiques importantes à nos
exportateurs, il ne faut pas le négliger, il n'empêche qu'à cet
instant, la France demande à voir", a-t-il poursuivi, faisant
écho aux propos tenus dans la matinée par la porte-parole du
gouvernement.
    Invitée de BFM TV-RMC, Sibeth Ndiaye avait fait savoir que
la France "pour l'instant n' était  pas prête à ratifier" cet
accord qui, pour entrer en vigueur, doit encore être ratifié par
chaque Etat membre de l'UE et le Parlement européen. 

    LA FNSEA ET LES JA INTERPELLENT MACRON
    Les critiques contre cet accord, conçu pour faciliter les
importations européennes de produits agricoles du Mercosur et
les importations latino-américaines de biens manufacturiers
européens, sont nombreuses. 
    Dans le collimateur des éleveurs, l'arrivée de 99.000 tonnes
de viande bovine par an - imposées au taux préférentiel de 7,5%
- en provenance d'Amérique du Sud, prévue par ce texte qui n'a
pas encore été rendu public. 
    Dans la ligne de mire des écologistes, la conclusion de ce
pacte avec le président brésilien Jair Bolsonaro dont les
engagements en matière de lutte contre la déforestation en
Amazonie soulèvent des doutes. 
    La colère gagne même les rangs de la majorité présidentielle
où le député LaRem et agriculteur Jean-Baptiste Moreau ou encore
la députée Yolaine de Courson n'ont pas caché leurs inquiétudes.
    "Approuver cet accord serait pour la France la négation de
tous les efforts fournis par les agriculteurs français pour
améliorer leurs modes de production, pour produire ce
qu'attendent les consommateurs", ont prévenu pour leur part la
FNSEA, premier syndicat agricole français, et les Jeunes
agriculteurs, dans une lettre à Emmanuel Macron.
    "Notre colère est grande", peut-on lire dans ce courrier
daté de lundi et dans lequel ils demandent à être reçus par le
chef de l'Etat "dans les meilleurs délais" compte tenu "de la
gravité de la situation".    
    Hasard du calendrier, cette grogne survient à quelques jours
seulement du début de l'examen d'un autre traité controversé de
libre-échange - cette fois-ci entre l'Union européenne et le
Canada (CETA)- qui fera l'objet d'un vote le 17 juillet à
l'Assemblée nationale.     
    En vue de cet examen, 72 organisations - défenseurs de
l’environnement, professionnels des filières d’élevage,
associations de consommateurs et syndicats de travailleurs - ont
écrit aux parlementaires pour "leur demander solennellement de
ne pas ratifier" le CETA.   

 (Marine Pennetier, avec Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)