* L'huile d'olive a vu son prix augmenter de 20% l'an
dernier
* L'Espagne dominante sur le marché
* La France, "pôle nord" de l'huile d'olive, petit
producteur
par Jean-François Rosnoblet
MARSEILLE, 22 avril (Reuters) - Les aléas climatiques et la
présence en Italie d'une bactérie tueuse d'oliviers ont provoqué
en 2015 une hausse de près de 20% du prix de l'huile d'olive en
Europe, un phénomène appelé à durer grâce aux nouveaux marchés
comme la Chine.
Cette hausse suscite l'intérêt d'investisseurs parfois
éloignés de la filière, notamment en France.
Ancien patron de Virgin et vice-président du Medef, Geoffroy
Roux de Bézieux s'est offert la PME Oliviers & Co, entreprise
basée à Mane (Alpes-de-Haute-Provence) qui est spécialisée dans
la sélection et la vente d'huiles d'olive haut de gamme.
"Oliviers & Co a tous les atouts pour devenir la référence
mondiale, aussi bien en Asie qu'aux USA, en matière d'huile
d'olive", a-t-il dit fin février, au moment de son acquisition.
La marque, qui est présente dans 17 pays, doit permettre à
l'industriel de renforcer sa présence à l'international.
D'après une étude réalisée dans sept pays européens par le
cabinet britannique Iri, l'augmentation du prix de l'huile
d'olive a coûté 231 millions d'euros aux consommateurs l'an
dernier. Les hausses ont été les plus fortes dans les pays où
l'huile d'olive est un élément de cuisine essentiel, notamment
en Espagne (+27,2%), en Italie (+21%) et en Grèce (+17,2%).
L'étude, publiée en février, estime que cette hausse est
imputable à une maladie bactérienne en Italie conjuguée à une
mauvaise récolte en Espagne, pays qui fournit 45% de la
production mondiale d'huile d'olive.
"L'huile d'olive a toujours été très dépendante des
conditions météorologiques, mais les bactéries qui touchent
l'Italie pourraient changer la donne pendant un certain temps,
en particulier dans les pays où les olives sont un produit de
base", dit la directrice marketing Europe d'Iri, Anne Lefranc.
EFFET SPÉCULATIF
Les professionnels de la filière ont un avis plus mesuré.
"La faible récolte de 2014 a créé des tensions sur le marché
de l'huile d'olive mais l'année précédente, on a enregistré la
plus grosse production mondiale d'huile d'olive de tous les
temps, soit 3,4 millions de tonnes", explique le président de
l'Association française interprofessionnelle de l'olive
(Afidol), Olivier Nasles.
Le phénomène climatique a naturellement entraîné une hausse
des prix sur un marché où la demande mondiale est en constante
augmentation, de l'ordre de 2 à 5% chaque année.
Mais les experts s'interrogent sur la tentation espagnole de
réduire l'offre en stockant davantage afin de provoquer un effet
spéculatif sur les prix mais cela ne pourrait expliquer
l'ampleur des tensions constatées, souligne Olivier Nasles.
Les professionnels se montrent aussi sceptiques sur le rôle
de la bactérie xylella dans la flambée actuelle des prix.
"On estime globalement à un million le nombre d'oliviers qui
sont morts sur près de 110 millions d'arbres italiens. C'est
grave pour l'exploitant qui est touché, mais cela n'a pas
d'impact sur la filière de production", estime Olivier Nasles.
Le développement possible de la "bactérie tueuse d'oliviers"
reste toutefois un défi majeur pour la filière oléicole
européenne, une menace qui nécessite une mise en quarantaine des
zones infectées pour éviter la propagation de la maladie.
LA FRANCE, "PÔLE NORD DE L'OLIVE"
Le marché de l'huile d'olive reste un marché très spécifique
parce ce que destiné essentiellement à la consommation. La
production française, 5.000 tonnes par an, ne pèse que 0,14%
d'une production mondiale, estimée autour des 3 millions de
tonnes et dominée par l'Espagne, l'Italie et la Grèce.
La France consomme en revanche beaucoup plus qu'elle ne
produit, près de 110.000 tonnes chaque année, ce qui la situe au
5e rang mondial. Elle importe 95% de l'huile consommée,
principalement de l'espagnole complétée par de la tunisienne.
Selon le Conseil oléicole international (COI), le coût moyen
de production d'un litre d'huile d'olive est de 2,78 euros.
"En France, on se situe entre 10 et 13 euros", regrette
Olivier Nasles. "On est le pôle nord de l'huile d'olive, le même
arbre planté en France et transplanté en Andalousie (Espagne)
fera quatre fois plus d'olives."
Pas de quoi décourager les investisseurs, d'autant que le
COI table sur une progression de 5% du marché mondial en 2016.
Les oliviers couvrent plus de 11 millions d'hectares dans 47
pays des cinq continents, pour une production d'huile qui reste
à 98 % concentrée autour du bassin méditerranéen.
Ces chiffres dénotent l'attrait stratégique de ce marché,
dont la consommation mondiale est en expansion malgré la crise
économique qui pénalise un produit qui reste cher.
"L'Asie est l'un des objectifs de développement de l'huile
d'olive dans le monde, en Chine notamment, où les exportations
ont progressé l'an dernier de 38%", indique Olivier Nasles.
"L'intérêt est grand aussi pour le marché américain qui
continue à progresser et devient mature", conclut le président
de l'Afidol, rappelant non sans malice qu'Al Capone fut, en son
temps, un des principaux importateurs aux Etats-Unis.
(Edité par Yves Clarisse)