Jusqu’où le dollar peut-il baisser ? information fournie par Le Cercle des économistes 05/05/2025 à 08:19
La guerre commerciale initiée par Donald Trump s'accompagne de tensions monétaires, notamment entre le dollar et l'euro. Jean-Paul Betbeze analyse la stratégie menée par le président américain, et ses limites
Jusqu'où le dollar peut-il baisser ? Jusqu'à ce que Trump dise que c'est la meilleure monnaie du monde
Et qu'investir en dollar est sans danger ! Actuellement, on en est loin. Avec le revirement de Trump sur Jerome Powell ce patron de la Banque fédérale américaine qu'il voulait virer, puisqu'il vient d'assurer qu'il allait le garder : est-ce assez pour restaurer la confiance ? Non : il n'y a pas de pouvoir, surtout monétaire, a fortiori quand il s'agit du dollar, sans responsabilité. Les marchés financiers sont là pour tracer des lignes, plus ou moins courbes, en fonction des pistes que leur tracent les autorités : FMI, Banques centrales, Budgets nationaux, organisations patronales, avant d'en venir à leurs propres plans d'affaires. Chaque fois, du temps s'écoule pour que « percolent » les décisions et que l'avenir de chacun se construise. Les marchés connaissent des hauts, puis des descentes : ils y sont habitués, mais pas aux zigzags trumpiens.
Trump vient de se rendre compte que les bourses américaines, après leur chute, se reprennent et attendent, comme les taux longs, après leur hausse, et le dollar, après sa baisse
Quand la bourse américaine baisse, cela veut dire que les opérateurs préfèrent se mettre à l'abri en achetant des bons du trésor dont le rendement baisse. Ceci est à taux de change constant. Mais si le dollar baisse, de décembre à maintenant ? Ceci signifie que les investisseurs quittent la bourse et les bons du Trésor, donc le dollar, forcé de baisser. Mais il ne peut le faire seul, il faut qu'une autre monnaie monte, pas n'importe laquelle : l'euro ou le franc suisse. Mais le franc suisse est limité par la taille de son économie, qui en serait asphyxiée. Les autorités helvétiques feront leur possible en limitant la hausse de leur devise, en baissant les taux et surtout en augmentant leurs réserves en dollars. Reste la zone euro, plus ample mais en croissance faible. Elle ne pourra que baisser ses taux, vers 2% ou moins. Quand le dollar baisse, les taux à court terme des grandes devises ‘'acceptables'' baissent. Toutes se défilent devant la hausse, personne ne pense au yen surendetté, et l'or manque. Faire monter le yuan ?
Nouveauté : Trump veut que le dollar baisse
Jamais un président américain n'a osé le dire de manière aussi directe, surtout quand on veut être MAGA. Ceux qui le conseillent lui ont peut-être indiqué que vouloir faire baisser le dollar ne pouvait résoudre le problème de la balance commerciale américaine : elle paye des années de dépenses budgétaires non sanctionnées, parce que le dollar était accepté partout. C'est « le privilège exorbitant du dollar » pour citer Valéry Giscard d'Estaing, « exorbitant » parce qu'il est sans limites… jusqu'à présent, où l'on voit Trump se battre (avec Musk) pour réduire les dépenses, espérant diminuer le déficit et transférer les gains à obtenir en augmentant les tarifs douaniers en baisse des impôts, pour attirer les investisseurs.
Qui dira à Trump qu'il se trompe ?
Peu à peu, Trump semble se rendre compte qu'il fait fausse route. Personne ne comprend ses droits de douane ou ses critiques contre Powell. Tout le monde voit qu'il se heurte à plus d'oppositions politiques et financières, et surtout à la réalité économique. Trump ne peut demander d'investir aux Etats-Unis pour construire une usine de puces électroniques : ce ne sont pas les milliards qui manquent, mais les ingénieurs. S'il veut plus de croissance, il lui faut aussi de la main-d'œuvre dans les usines, les champs les restaurants, en reconnaissant que tous ne sont pas en règle. Peu à peu, il va devoir revenir sur ses « idées force » en découvrant que le dollar monnaie du monde lui donne des pouvoirs, mais aussi des obligations. Dans un deal, l'un est forcé de vendre et l'autre est forcé d'acheter : tout échange est, à la fois, dissymétrique et symétrique. Plus l'économie progresse, plus elle crée de liens. Bientôt, Trump devra reconnaître que l'OMC a ses avantages et que le monde est multilatéral. Attendons encore.