Violences contre Michel Zecler: un procès ordonné pour quatre policiers, le caractère raciste écarté information fournie par AFP 27/06/2025 à 21:50
Près de cinq ans après des violences qui avaient choqué jusqu'à l'Élysée, des juges d'instruction ont ordonné vendredi le procès de quatre policiers pour l'agression à Paris du producteur de musique noir Michel Zecler, mais écarté, faute de preuves, l'éventuel caractère raciste.
"Michel Zecler ne souhaite rien de moins que la tenue de ce procès, pour enfin mettre cette longue épreuve derrière lui", a déclaré son avocate, Me Caroline Toby.
"Nous regrettons que la circonstance aggravante (de racisme) n'ait pas été retenue", a ajouté Me Toby, "et ce malgré les éléments réunis ainsi que les témoignages qui les ont confirmé."
"Néanmoins la justice a décidé que les mis en examen devaient répondre de leurs actes devant une cour criminelle, et a pris la mesure de la gravité de ceux-ci", a-t-elle ajouté.
Trois des quatre policiers, Aurélien L., 28 ans, Philippe T., 48 ans, et Pierre P., 36 ans, seront en effet jugés devant la cour criminelle départementale de Paris pour faux en écriture publique par personne dépositaire de l'autorité publique (PDAP), a appris l'AFP de sources proches du dossier vendredi.
Dans leur ordonnance dont l'AFP a eu connaissance, les magistrats instructeurs notent que les policiers ont "dans une très large mesure passés sous silence" leur agression dans leur procès-verbal d'interpellation pour "travestir la réalité".
Les policiers seront jugés pour ces violences volontaires sur M. Zecler avec incapacité totale de travail supérieure de 45 jours, par personne dépositaire de l'autorité publique, en réunion et avec arme. Le tendon du biceps gauche du producteur a été rompu.
Cette "avalanche de coups" qui a duré quatre minutes "n'était pas nécessaire et s'inscrivait dans le cadre d'une action illégitime", d'après les juges, notant la simple "résistance passive" de Michel Zecler.
- "Standards" -
Un quatrième fonctionnaire, Hugues R., 40 ans, sera jugé en correctionnelle pour des violences avec arme, une grenade lacrymogène lancée contre Michel Zecler et plusieurs jeunes hommes.
Les juges d'instruction ont écarté la dimension raciste des faits, alors que M. Zecler soutenait depuis le début de l'affaire qu'Aurélien L. lui avait lancé "sale nègre" et que Philippe T. avait tenu des propos racistes à son encontre.
"Cette décision ne postule ni n'affirme que les déclarations de M. Zecler sur ce point seraient insincères. Elle se borne à constater que les éléments de preuve en ce sens ne sont pas à la hauteur des standards applicables à la matière pénale", soutiennent les juges.
Le ministère public avait, lui, demandé que cette circonstance soit retenue.
L'enquête avait révélé l'existence de messages antérieurs au drame sur le téléphone d'Aurélien L., par exemple : "Les bâtards qui foutent la merde, ce sont tous les mêmes (...), je suis dégoûté qu'(ils) soient acceptés en France".
Pour les juges, cela témoigne "de biais fondés sur l'origine ethnique" mais ne suffit pas à qualifier de racistes les violences elles-mêmes.
- "Inacceptable" -
Le 21 novembre 2020, en début de soirée, Michel Zecler est passé à tabac dans son studio de musique parisien après un contrôle déclenché notamment à cause d'une supposée "forte odeur de cannabis" mais aussi d'une "absence du port du masque", au moment d'un regain d'épidémie de Covid.
L'enquête pour les "violences" et la "rébellion" dont les policiers l'accusent initialement est rapidement classée et le journaliste David Perrotin révèle cinq jours plus tard les images de vidéosurveillance contredisant la version policière initiale.
C'est une "agression inacceptable" et des "images qui nous font honte", commente alors Emmanuel Macron.
Placés en garde à vue, les policiers reconnaissent des coups injustifiés, et deux d'entre eux sont incarcérés pour un mois après leur mise en examen, une décision rarissime.
Dix jours après l'agression, le chef de l'État avait reconnu l'existence de contrôles au faciès et de violences de la part de policiers, provoquant leur ire.
Cette ordonnance "est conforme à la réalité de ce dossier, à savoir qu'à aucun moment, il n'a été établi que des propos racistes ont pu être tenus par les policiers", a salué auprès de l'AFP Me Jean-Christophe Ramadier, avocat d'Aurélien L.
Contactée, Me Anne-Laure Compoint, avocate de deux autres policiers, n'a pas souhaité commenter à ce stade.
Me Seydi Ba, avocat d'un jeune homme blessé dans le studio, s'est étonné de son côté "tant de la décision de disjoindre les procédures que de l'absence de certaines circonstances aggravantes: la réunion pour mon client, le racisme pour d'autres".