La résistance mondiale s'organise contre un "Far West" dans les océans
information fournie par AFP 09/06/2025 à 15:17

Le président français Emmanuel Macron lors de la présentation du Pacte européen pour les océans à la Conférence des Nations unies sur les océans (Unoc3), le 9 juin 2025 à Nice ( POOL / Laurent Cipriani )

Personne n'a prononcé le nom de Donald Trump mais c'est bien son intention d'exploiter unilatéralement les fonds marins qui a suscité, lundi au premier jour de la conférence mondiale sur les océans à Nice, les appels appuyés à défendre le multilatéralisme pour protéger nos mers.

Premier à prendre la parole à la conférence de l'ONU coorganisée par la France, Emmanuel Macron a appelé à la "mobilisation" pour des "océans" en "ébullition".

Plus de 60 dirigeants mondiaux sont venus sur la Côte d'Azur, dont beaucoup du Pacifique et d'Amérique latine.

"La première réponse, c'est le multilatéralisme", a estimé le président français. "Les abysses ne sont pas à vendre, pas plus que le Groenland n'est à vendre, pas plus que l'Antarctique ou la haute mer ne sont à vendre", a-t-il enchaîné en visant implicitement les déclarations expansionnistes du président américain sur le territoire autonome du Danemark. Le Français s'y rendra dimanche.

M. Macron a renouvelé son appel à un moratoire sur l'exploitation minière des fonds marins, pour l'instant soutenu par 33 pays.

"Les grands fonds ne peuvent pas devenir un Far West", a lancé dans la foulée le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, alors que Donald Trump prévoit de lancer unilatéralement l'exploitation des galets de nickel et autres métaux critiques dans les eaux internationales du Pacifique, dans des zones gérées par une autorité onusienne à laquelle les Etats-Unis n'appartiennent pas.

Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva lors de la Conférence des Nations unies sur les océans (Unoc3), le 9 juin 2025 à Nice ( AFP / Ludovic MARIN )

"Nous voyons maintenant planer sur l'océan la menace de l'unilatéralisme. Nous ne pouvons pas permettre qu'il arrive à la mer ce qui est arrivé au commerce international", a abondé le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva.

Il a appelé à des "actes clairs" de l'Autorité internationale des fonds marins pour mettre fin à cette "course prédatrice" aux métaux critiques.

Mais les petits pays du Sud, comme aux négociations climatiques, veulent maintenir la pression financière sur tous les pays riches, y compris les Européens.

Conférence des Nations unies sur les océans (Unoc3), le 9 juin 2025 à Nice ( AFP / Ludovic MARIN )

"Si vous voulez vraiment protéger les océans, prouvez-le", a lancé Surangel Whipps Jr, président du petit atoll des Palaos dans le Pacifique, en appelant les Etats développés à "alléger la dette" pour que les petites nations insulaires comme la sienne puissent "investir dans l'adaptation" au changement climatique.

"Pour nous, l'océan n'est pas seulement une ressource, c'est notre ligne de vie. C'est notre culture, notre économie et notre survie", a-t-il dit.

- "C'est gagné" pour la haute mer -

Sur le traité sur la haute mer, autre sujet brûlant du sommet, M. Macron a affirmé qu'il "serait bien mis en oeuvre". "C'est donc gagné!".

Graphique montrant les trois différents types de zones de fonds marins explorées en vue d'une exploitation minière potentielle ( AFP / Jonathan WALTER )

Selon lui, une cinquantaine de pays ont déposé leur ratification à ce jour et "quinze pays se sont formellement engagés à les rejoindre". L'Elysée, sans donner de listes de pays, a précisé que ce serait le cas d'ici à la fin de l'année.

"Si cela est vrai –et nous ne le croirons qu'une fois les 60 ratifications déposées– c'est le moment que nous attendions, un moment important pour la protection des océans", a réagi l'ONG Greenpeace.

Le traité vise à protéger la vie marine dans les eaux internationales (au-delà de 200 milles marins - 370 km - des côtes). Signé en 2023, il pourra entrer en vigueur 120 jours après la 60e ratification. La France espérait franchir ces 60 ratifications à Nice mais a dû renoncer à ce calendrier symbolique.

Infographie avec une carte du monde montrant les aires marines protégées par niveau de protection, selon les données de Marine Protection Atlas ( AFP / Ioana PLESEA )

Plusieurs pays entendent annoncer la création de nouvelles aires marines protégées ou des interdictions de certaines pratiques de pêche, comme le chalut de fond.

La France l'a fait samedi dans certaines de ses aires marines protégées, sans toutefois convaincre les ONG, qui soulignent que cela ne concerne que 4% des eaux métropolitaines, soit 15.000 km2.

Lundi, Londres prévoit d'annoncer son intention d'interdire le chalutage dans la moitié des aires marines protégées anglaises, soit 30.000 km2.

Des chalutiers au port de Nea Michaniona, dans le nord de la Grèce, le 24 mai 2025 ( AFP / Sakis Mitrolidis )

Mis en lumière dans le film "Ocean" du Britannique David Attenborough, le chalutage de fond est critiqué pour les dommages qu'il engendre sur les habitats marins sensibles (herbiers, coraux, etc.) en raclant le plancher marin.

La communauté internationale s'est fixé un objectif de 30% de protection en 2030, contre seulement 8,36% aujourd'hui. La France espère atteindre 10% grâce à des annonces à Nice. Mais "protection" signifie rarement interdiction de la pêche ou d'autres activités, chaque pays décidant du niveau de protection.