Turquie: le PKK annonce sa dissolution et la fin de la lutte armée
information fournie par AFP 12/05/2025 à 16:39

Des Kurdes syriens brandissent des drapeaux avec le portrait du fondateur du PKK, Abdullah Ocalan, le 27 février 2025, à Qamishli, en Syrie ( AFP / Delil SOULEIMAN )

Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a annoncé lundi sa dissolution et la fin de plus de quatre décennies d'une lutte armée contre l'Etat turc qui a fait plus de 40.000 morts.

Dans un communiqué cité par l'agence prokurde ANF, le PKK considère qu'il a accompli sa "mission historique" et que grâce aux armes la question kurde est parvenue "à un point où elle peut désormais être résolue par une politique démocratique".

Il confirme que le 12e Congrès du parti, tenu la semaine passée dans les montagnes du nord de l'Irak, "a décidé de dissoudre la structure organisationnelle du PKK et de mettre fin à la voie de la lutte armée", répondant ainsi à l'appel de son chef historique et fondateur, Abdullah Öcalan , lancé le 27 février.

A Diyarbakir, la grande ville à majorité kurde du sud-est, la nouvelle a été accueillie avec une satisfaction sans joie excessive, par une population lasse de la violence et des faux espoirs.

Abdulhakim Doganer, commerçant de 49 ans dans le centre-ville, dit avoir "vu le bonheur sur les visages": "Avec la permission de Dieu, ça continuera. Nous, le peuple kurde, n'avons jamais vraiment été partisans de la guerre" assure-t-il.

"Nous voulons que ce processus continue.il ne doit pas rester inachevé. Ils ne doivent pas tromper les gens comme les fois précédentes" reprend, méfiant, Fahri Savas, ouvrier de 60 ans. "Ils ne doivent pas tromper les Kurdes" ajoute-t-il à propos du gouvernement.

Le président Recep Tayyip Erdogan n'avait pas commenté l'annonce du PKK en fin d'après-midi, mais son ministre des Affaires étrangères, Hakan Fidan, a salué "une étape historique et encourageante" pour "la paix et la stabilité", .

Le parti au pouvoir, l'AKP, a salué "une étape importante vers l'objectif d'une Turquie débarrassée du terrorisme", qui doit "être mise en pratique et réalisée dans toutes ses dimensions", a insisté Ömer Çelik, le porte-parole du parti, sans en préciser les modalités.

- "Responsabilité face à l'Histoire" -

Dans son communiqué, le PKK souligne que sa dissolution "fournit une base solide pour une paix durable et une solution démocratique" et en appelle au Parlement turc.

"À ce stade, il est important que la Grande Assemblée (...) joue son rôle avec responsabilité face à l'Histoire", indique-t-il.

"Ce n'est pas la fin, c'est un nouveau départ", a jugé Duran Kalkan, membre du comité exécutif du PKK, pendant le congrès extraordinaire du parti armé, selon l'agence prokurde Mezopotamya.

Selahattin Demirtas, leader politique kurde emprisonné depuis 2016, a salué lundi une "étape historique" qui pourrait selon des observateurs conduire à sa libération et celles d'autres prisonniers kurdes.

L'autodissolution du PKK est l'aboutissement d'un processus initié à l'automne par le principal allié du président Recep Tayyip Erdogan, le nationaliste Devlet Bahçeli qui a tendu la main à M. Öcalan et lancé une médiation via le parti prokurde DEM.

Pour le DEM, "la porte vers une solution politique au problème kurde est désormais grande ouverte".

M. Bahçeli a lui dit espérer que "la page sanglante écrite (par le PKK) depuis 47 ans soit refermée pour ne plus jamais être rouverte".

Des hommes regardent l'annonce de la dissolution du PKK sur un écran de TV à Diyarbakir, en Turquie, le 12 mai 2025 ( AFP / Ilyas AKENGIN )

Le PKK avait répondu favorablement le 1er mars à l'appel de son chef historique, annonçant un cessez-le-feu immédiat avec les forces turques. Mais il avait ensuite fait valoir les difficultés de réunir son congrès alors que l'aviation turque continuait de bombarder ses positions.

"Apo" (oncle, en kurde), comme l'appellent ses partisans, est détenu à l'isolement depuis 26 ans. Il s'est adressé au congrès de son parti par liaison satellite, ont rapporté les médias kurdes.

A 76 ans il est peu probable qu'il quitte l'île-prison d'Imrali, au large d'Istanbul, mais il devrait a minima voir son régime carcéral assoupli, selon la plupart des observateurs.

- "Opportunité historique" -

Après avoir salué fin février une "opportunité historique" de paix à la suite de l'appel de M. Öcalan, le président Erdogan avait juré de poursuivre les opérations contre le PKK "si (ses) promesses n'étaient pas tenues".

Resté en retrait pendant toute la durée du processus, le chef de l'Etat a laissé son allié Devlet Bahçeli en première ligne.

Mais pour Gönül Tol, directrice du programme Turquie au Middle East Institute, jointe par l'AFP, "le principal moteur (de ce processus) a toujours été la consolidation du pouvoir d'Erdogan".

Selon elle, le chef de l'Etat pourra ainsi se présentera aux élections de 2028 renforcé face à une opposition divisée.

Des hommes regardent l'annonce de la dissolution du PKK sur un écran de TV à Diyarbakir, en Turquie, le 12 mai 2025 ( AFP / Ilyas AKENGIN )

La chercheuse rappelle que la population kurde ne s'est pas jointe aux manifestations de l'opposition en mars pour dénoncer l'arrestation du maire d'Istanbul Ekrem Imamoglu, pas plus qu'au rassemblement de son parti, le CHP, samedi à Van (est), ville à forte population kurde.

Pour elle, "le manque de participation kurde à ce rassemblement montre que la stratégie d'Erdogan, qui consiste à diviser pour mieux régner, fonctionne".

Le ministre des Affaires étrangères syrien, Assaad al-Chaibani, a félicité la Turquie pour ce "moment charnière" pour sa sécurité et celle de la région, à l'unisson du président de la région autonome du Kurdistan irakien, Nechirvan Barzani, qui a lui aussi estimé que la dissolution du PKK renforcera la stabilité régionale.

Les populations kurdes sont présentes dans ces deux pays, ainsi qu'en Iran.

Selon certaines estimations, la population kurde représente 20% des 85 millions d'habitants de la Turquie.