Transition écologique : les chaudières au cœur d'une bataille qui a fait tanguer la coalition au pouvoir en Alllemagne information fournie par Boursorama avec Media Services 16/06/2023 à 11:55
Pour maintenir la coalition avec les écologistes et les libéraux, le chancelier Olaf Scholz a dû reculer sur le renouvellement du parc de chaudières. Les nouvelles contraintes pour les particuliers sont repoussées de plusieurs années.
La transition écologique et la réduction des émissions de Co2 n'est pas sans difficultés outre-Rhin, alors que la bataille législative pour réduire l'usage des chaudières à gaz dans le pays aurait bien pu faire exploser la coalition au pouvoir en Allemagne.
La révolution du chauffage écologique promise par les Verts allemands, partenaires de coalition d'Olaf Scholz, électrise l'opinion publique et la classe politique depuis le début de l'année. Un projet de loi pour réduire progressivement l'usage des chaudières au gaz a finalement été présenté au parlement jeudi, après avoir sérieusement fait tanguer le sort de la coalition gouvernementale dirigée par le social-démocrate Olaf Scholz avec les écologistes et les libéraux du FDP.
Pour accoucher d'un compromis entre les trois partis, le gouvernement a dû, après des semaines de négociations tendues, revoir sa copie et il n'est plus question d'imposer dès janvier prochain que toute nouvelle chaudière fonctionne avec au moins 65% d'énergie renouvelable. Pour les particuliers, les règles les plus contraignantes ne devraient finalement pas entrer en vigueur avant 2028.
Mais la saga laissera des traces sur une coalition déjà au plus bas dans les sondages et l'opinion publique reste inquiète.
"On ne doit pas faire peser une telle charge sur les gens"
Lorsque Maike Biert a choisi un nouveau système de chauffage pour sa maison en Allemagne, elle a reculé devant le coût élevé de l'installation d'une pompe à chaleur et opté pour une chaudière à gaz, plus polluante mais moins chère. "Sur le principe, je suis favorable aux économies d'énergie", explique cette femme de 46 ans, résidant à Königswinter, non loin de Bonn dans l'ouest de l'Allemagne. "Le problème, c'est qu' on ne peut pas et qu'on ne doit pas faire peser une telle charge sur les gens".
Maike Biert, mariée et mère de deux enfants, avait envisagé l'installation d'une pompe à chaleur - une technologie plus respectueuse du climat - qui aurait impliqué des travaux importants dans sa maison. Elle a également réfléchi à des "solutions hybrides", associant par exemple une pompe à chaleur et du gaz. Mais elle estime qu'une telle option aurait coûté entre 40.000 et 100.000 euros. "Nous aurions dû contracter un prêt, ce que nous ne voulions pas", explique-t-elle.
Les débats autour du renouvellement du parc de chaudières mettent en lumière les difficultés de la transition énergétique menée par la première économie européenne. Les critiques pointent le coût élevé de l'installation de nouveaux systèmes de chauffage pour les ménages. Le tabloïd Bild est parti en campagne contre le "coup de massue du chauffage" , multipliant les Unes alarmistes.
Les défenseurs de la mesure font valoir les nombreuses aides financières prévues par le gouvernement et soulignent la nécessité d'agir rapidement pour permettre à l'Allemagne d'atteindre ses objectifs climatiques : le secteur du bâtiment est responsable d'environ 15% des émissions de CO2 du pays.
Une loi "vidée de sa substance"
Pour Verena Örenbas, de la Fédération allemande des propriétaires VWE, le compromis trouvé va dans le bon sens mais les dispositifs d'aides publiques restent à clarifier. "Il n'y a pas encore de propositions concrètes, nous ne savons donc pas comment se présentera ce financement", explique-t-elle.
La controverse est loin d'être éteinte, les débats au parlement s'annonçant houleux. Le gouvernement souhaite l'adoption de la loi avant la pause estivale. S'emparant du combat contre des mesures de protection du climat jugées autoritaires, le parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD), a vu sa popularité grimper en flèche ces derniers mois, atteignant des niveaux d'intention de vote records.
Le compromis laisse un goût amer à de nombreux défenseurs de l'environnement. Cheffe de file du mouvement Fridays for Future, Luisa Neubauer, l'a qualifié de "mauvaise blague" revenant à "vider la loi de sa substance".
Après avoir grimpé en flèche ces dernières années, la demande de pompes à chaleur, technologie qui extrait de l'énergie à l'extérieur de l'habitation pour l'injecter à l'intérieur, a chuté ces derniers mois, les clients attendant de connaître les détails de la loi.
"Le débat public de ces dernières semaines a provoqué une grande incertitude chez les consommateurs", explique à l' AFP Björn Schreinermacher, de l'association allemande des pompes à chaleur. À l'inverse, il y a eu une "très, très forte demande pour le chauffage au fioul et au gaz" , car les gens se sont empressés d'installer de nouveaux systèmes avant l'interdiction attendue, a-t-il ajouté.