Syrie-Les rebelles affirment avoir renversé Assad information fournie par Reuters 08/12/2024 à 10:43
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L'armée syrienne annonce la fin du régime d'Assad
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Assad monte à bord d'un avion et quitte Damas - armée
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La destination d'Assad est inconnue - armée
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Les rebelles sont entrés dans Damas
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Des milliers de personnes célèbrent la "liberté" à Damas
(Actualisé avec déclarations supplémentaires des Etats-Unis aux paragraphes 16-17)
par Suleiman Al-Khalidi, Timour Azhari et Jaida Taha
Les rebelles syriens ont annoncé dimanche à la télévision d'Etat avoir mis fin au régime de Bachar al Assad, au pouvoir depuis 24 ans, à la suite d'une offensive éclair qui fait craindre une nouvelle vague d'instabilité dans un Moyen-Orient en proie à la guerre.
Le commandement de l'armée syrienne a informé dimanche ses officiers de la fin du régime de Bachar al Assad, a déclaré à Reuters un officier syrien qui avait été informé de cette décision.
Mais l'armée syrienne a ensuite déclaré qu'elle poursuivait ses opérations contre les "groupes terroristes" dans les villes stratégiques de Hama et de Homs et dans la province de Deraa.
Bachar al Assad, qui avait écrasé toute forme de dissidence dans son pays, a quitté Damas par avion pour une destination inconnue dans la journée de dimanche, ont déclaré à Reuters deux officiers supérieurs de l'armée, alors que les rebelles de leur côté affirmaient être entrés dans la capitale sans aucun signe de déploiement de l'armée.
"Nous célébrons avec le peuple syrien la nouvelle de la libération de nos prisonniers et de leurs chaînes et l'annonce de la fin de l'ère de l'injustice dans la prison de Sednaya", ont dit les rebelles, faisant référence à une grande prison militaire dans la banlieue de Damas où le gouvernement syrien a détenu des milliers de personnes.
Selon des témoins, des milliers de personnes en voiture et à pied se sont rassemblées sur une place principale de Damas, brandissant des pancartes et scandant "Liberté" après un demi-siècle de règne de la famille Assad.
Cet effondrement spectaculaire marque un tournant pour le Moyen-Orient: il met fin au règne sans partage de la famille Assad sur la Syrie et constitue un coup dur pour la Russie et l'Iran, deux pays qui ont soutenu le régime de Bachar al Assad.
INSTABILITÉ RÉGIONALE?
L'évolution des événements en Syrie a provoqué la stupéfaction dans les capitales arabes et fait craindre une nouvelle vague d'instabilité régionale.
Elle marque un tournant pour la Syrie, ravagée par plus de 13 ans de guerre qui ont réduit les villes en ruines, provoqué la mort de centaines de milliers de personnes et contraint des millions d'autres à se réfugier à l'étranger.
La stabilisation des zones occidentales de la Syrie conquises par les rebelles sera essentielle. Les gouvernements occidentaux, qui se sont tenus à l'écart du régime de Bachar al Assad, doivent désormais décider de la manière de traiter avec une nouvelle administration dans laquelle le groupe Hayat Tahrir al Cham (HTC), ex-branche syrienne d'Al Qaïda, semble avoir de l'influence.
Alors que les Syriens exprimaient leur joie, le Premier ministre Mohammad Ghazi al Jalali a déclaré que le pays devrait organiser des élections libres afin que les Syriens puissent choisir qui ils veulent.
Mais cela nécessiterait une transition en douceur dans un pays où les intérêts sont complexes et divergents, allant des islamistes aux groupes liés aux Etats-Unis, à la Russie et à la Turquie.
Mohammad Ghazi al Jalali a également dit avoir été en contact avec le commandant rebelle Abou Mohammed al Golani pour discuter de la manière de gérer la période de transition actuelle, marquant une évolution notable dans les initiatives visant à façonner l'avenir politique de la Syrie.
La Jordanie a affirmé dimanche l'importance de préserver la stabilité et la sécurité de la Syrie, a rapporté l'agence de presse officielle.
"EMPÊCHER UNE RÉSURGENCE DE L'ETAT ISLAMIQUE"
Le président américain Joe Biden et son équipe suivent les "événements extraordinaires en Syrie" et sont en contact avec les partenaires régionaux, a déclaré la Maison Blanche.
Les Etats-Unis continueront de maintenir leur présence dans l'est de la Syrie et prendront les mesures nécessaires pour empêcher une résurgence de l'Etat islamique, a déclaré dimanche le secrétaire adjoint à la Défense pour le Moyen-Orient, Daniel Shapiro, lors de la conférence du Dialogue de Manama, qui s'est tenue dans la capitale de Bahreïn.
Daniel Shapiro a appelé toutes les parties concernées à protéger les civils, en particulier les minorités, et à respecter les normes internationales.
Des pays comme les Emirats arabes unis et l'Égypte, tous deux proches alliés des États-Unis, considèrent les groupes militants islamistes comme une menace existentielle. HTC pourrait donc être confronté à la résistance des puissances régionales.
Lors de la conférence à Manama, Anwar Gargash, conseiller diplomatique de Mohammed ben Zayed Al Nahyane, président des Emirats arabes unis, a déclaré que la principale préoccupation de ce pays était "l'extrémisme et le terrorisme".
HTC, qui a été le fer de lance de l'avancée des rebelles dans l'ouest de la Syrie, était auparavant connu sous le nom de Front Nousra jusqu'à ce que son chef, Abou Mohammed al Golani, rompe ses liens avec le mouvement djihadiste en 2016.
"La vraie question est de savoir dans quelle mesure cette transition sera ordonnée, et il semble assez clair que Golani souhaite vivement qu'elle le soit", a déclaré Joshua Landis, spécialiste de la Syrie et directeur du Centre d'études sur le Moyen-Orient à l'université d'Oklahoma.
Abou Mohammed al Golani ne souhaite pas que se répète le chaos qui a balayé l'Irak après que les forces dirigées par les Etats-Unis ont renversé Saddam Hussein en 2003. "Ils vont devoir reconstruire (...) ils auront besoin que l'Europe et les États-Unis lèvent les sanctions", a expliqué Joshua Landis.
HTC est le groupe rebelle le plus puissant de Syrie et certains Syriens craignent qu'il n'impose un régime islamiste draconien.
FORTE PROBABILITÉ QUE BACHAR AL ASSAD AIT ÉTÉ TUÉ
Un avion de Syrian Air a décollé de l'aéroport de Damas à peu près au moment où la capitale aurait été prise par les rebelles, selon les données du site web Flightradar.
L'avion s'est d'abord dirigé vers la région côtière de la Syrie, fief de la minorité alaouite du clan Assad, puis a fait brusquement demi-tour et a volé dans la direction opposée pendant quelques minutes avant de disparaître de la carte.
Reuters n'a pas été en mesure de déterminer dans l'immédiat qui se trouvait à bord de l'avion.
Deux sources syriennes ont déclaré qu'il y avait une très forte probabilité que Bachar al Assad ait été tué dans un accident d'avion, car la raison pour laquelle l'avion a fait brusquement demi-tour et a disparu de la carte, selon les données du site Flightradar, reste un mystère.
"Il a disparu du radar, le transpondeur a peut-être été désactivé, mais je pense que la plus grande probabilité est que l'avion ait été abattu (...)", a déclaré une source syrienne sans plus de précisions.
La guerre civile en Syrie, qui a éclaté en 2011 sous la forme d'un soulèvement contre le régime de Bachar al Assad, a entraîné l'intervention de grandes puissances extérieures, créé un espace permettant aux militants djihadistes de préparer des attaques dans le monde entier et provoqué un afflux de millions de réfugiés dans les Etats voisins.
Les lignes de front de la guerre civile en Syrie sont restées inactives pendant des années. Puis des islamistes autrefois affiliés à Al Qaïda sont soudainement entrés en action, posant un défi majeur à Bachar al Assad, qui avait survécu à des années de guerre et d'isolement international avec l'aide de la Russie, de l'Iran et du Hezbollah libanais.
Les alliés de Bachar al Assad étant concentrés sur d'autres conflits et affaiblis par différentes crises, ont laissé le dirigeant syrien à la merci de ses adversaires avec une armée mal préparée à une offensive rebelle.
Israël, qui a considérablement affaibli les groupes soutenus par l'Iran, le Hezbollah au Liban et le Hamas à Gaza, devrait se réjouir de la chute de Bachar al Assad. Mais la perspective d'un groupe islamiste au pouvoir en Syrie suscitera probablement des inquiétudes.
CÉLÉBRATIONS DANS LES RUES
Des milliers d'habitants de Homs sont sortis dans les rues après le retrait de l'armée de cette ville du centre du pays, dansant et chantant "Assad est parti, Homs est libre" et "Vive la Syrie et à bas Bachar al Assad".
Les rebelles ont tiré des coups de feu en l'air en signe de célébration et des jeunes ont arraché les affiches du président syrien.
La chute de Homs a permis aux insurgés de contrôler le cœur stratégique de la Syrie et un carrefour routier clé, coupant Damas de sa région côtière où la Russie dispose d'une base navale (Tartous) et d'une base aérienne (Hmeimim près de Lattaquié).
La prise de Homs est également un symbole fort du retour spectaculaire du mouvement rebelle. Des pans entiers de Homs ont été détruits par une guerre de siège épuisante entre les rebelles et l'armée il y a plusieurs années. Les combats ont fait reculer les insurgés, qui ont été chassés.
Les rebelles ont libéré des milliers de détenus de la prison de la ville. Les forces de sécurité ont quitté précipitamment les lieux après avoir brûlé leurs documents.
"Nous assistons à des moments historiques en Syrie avec la chute du régime autoritaire de Damas", a déclaré dimanche le chef des Forces démocratiques syriennes dirigées par les Kurdes, Mazloum Abdi, a le réseau X.
"Ce changement offre l'opportunité de construire une nouvelle Syrie fondée sur la démocratie et la justice, garantissant les droits de tous les Syriens", a-t-il poursuivi.
(Reportage Suleiman al-Khalidi à Damas, Timour Azhari à Beyrouth, Jaidaa Taha et Adam Makary au Caire, Clauda Tanios et Nadine Awadallah à Dubaï; Phil Stewart, Idrees Ali, Trevor Hunnicutt à Washington; Alexander Cornwell à Manama, rédigé par Angus McDowall, Matt Spetalnick, Michael Perry et Michael Georgy; version française Claude Chendjou)