Solder le Covid, gérer la reprise : les compagnies aériennes en conclave
information fournie par Boursorama avec Media Services 17/06/2022 à 14:25

Près de 300 compagnies représentant 83% du trafic mondial vont se réunir à Doha afin de revenir sur la crise de l'aviation pendant le Covid-19 et discuter des objectifs climatiques du secteur, particulièrement polluant.

L'aéroport Roissy-Charles de Gaulle à Paris, le juin 2022. . ( AFP / JOEL SAGET )

À nouveau rentables après "deux très longues années arides" de Covid-19, les compagnies aériennes, qui se retrouvent à partir de dimanche 19 juin en assemblée générale, négocient désormais de complexes hausses de capacités en pleines crises géopolitique et climatique. Durant trois jours, les délégués de l'Association du transport aérien international (Iata), près de 300 compagnies représentant 83% du trafic mondial, vont participer à leur conclave annuel à Doha au Qatar, cette solution de repli ayant été privilégiée car la situation sanitaire reste trop fragile à Shanghaï, qui devait accueillir la réunion.

La crise, la plus grave de l'histoire de l'aviation commerciale, lui a fait perdre 60% de ses clients en 2020. En 2021, la fréquentation n'est remontée qu'à 50%. Les compagnies ont subi des pertes cumulées de près de 200 milliards de dollars en deux ans . Malgré la persistance de la pandémie et de certaines restrictions de déplacement, en particulier en Asie, le secteur remonte la pente. En passagers-kilomètres payants (RPK), unité de référence de la profession, l'activité d'avril a atteint 62,8% du même mois de 2019, soit le meilleur chiffre depuis mars 2020. Les marchés intérieurs (74,2% d'avril 2019) se portent mieux que les liaisons internationales (56,6%).

Une hausse des réservations

Et à l'instar d'Air France-KLM, les compagnies européennes voient se profiler un "bel été", avec des réservations parfois supérieures à celles de 2019 sur certains faisceaux, tandis qu'aux États-Unis, l'énorme marché intérieur est quasiment rétabli. "Les compagnies génèrent à nouveau de l'argent et c'est très positif" , a expliqué le directeur général de l'Iata, Willie Walsh, lors d'une récente visite à Paris. Pour lui, le moral de la profession est bon, après "deux très longues années arides". Si des entreprises du secteur ont fait faillite, d'autres, souvent soutenues par les États, sont sorties théoriquement plus rentables de la tourmente... mais avec une main-d'œuvre plus clairsemée.

Evolution des émissions de gaz à effet de serre en France ( AFP / )

Certains voyageurs en ont fait l'expérience, subissant des annulations de vol faute de pilotes ou de personnel de cabine, et des attentes de plusieurs heures dans certains aéroports européens où manquent des manutentionnaires ou agents d'inspection. Si "le système n'est pas encore à son rythme de croisière" , ces difficultés "seront traitées" à terme, espère Willie Walsh, également optimiste sur la poursuite de la reprise malgré la guerre en Ukraine et ses corollaires, une forte inflation et un kérosène à des prix record.

Le carburant représente entre 25% et 30% des coûts des compagnies, et étant donné leurs trésoreries encore fragiles, celles-ci ont augmenté le prix des billets pour préserver leur rentabilité . Combinées à l'érosion prévisible du pouvoir d'achat des voyageurs, ces hausses pourraient affaiblir la demande, et ce alors que les compagnies doivent investir massivement pour répondre à un défi existentiel: tailler dans leurs émissions de CO2.

Des compagnies refusent de revoir leur croissance pour le climat

Les membres de l'Iata se sont engagés à "zéro émission nette" en 2050, un objectif qui sera soumis cet automne à l'assemblée générale de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), une agence de l'ONU, où un accord entre pays est loin d'être assuré. L'Iata, qui s'attend à 10 milliards de passagers aériens annuels au milieu du siècle contre 4,5 milliards en 2019, refuse d'envisager des restrictions à sa croissance, nécessaires selon certaines ONG pour respecter à coup sûr l'Accord de Paris sur le climat.

L' aviation commerciale est actuellement responsable d'entre 2,5% et 3% des émissions mondiales de CO2 . Les compagnies mettent en garde contre le risque de voir le transport aérien cesser de se démocratiser, les clients devant in fine absorber une grosse partie de la facture de la décarbonation. Entre avions plus "propres" et carburants durables, il faudra investir 1.550 milliards de dollars en 30 ans.

Dans l'immédiat, la guerre en Ukraine a fait subir un nouveau choc à l'aérien. Les avions européens vers l'Asie sont contraints à de longs détours pour éviter l'espace russe , et Moscou est accusé d'avoir volé 220 Boeing et Airbus à des loueurs, un préjudice de plusieurs milliards de dollars. Également de quoi pimenter la rencontre de Doha : la compagnie de son pays hôte, Qatar Airways, est engagée dans un acrimonieux bras de fer judiciaire avec Airbus, auquel elle reproche des défauts sur le long-courrier A350.