Rétrospective à Albi de l'oeuvre intégrale du Toulouse-Lautrec affichiste information fournie par AFP 05/05/2025 à 08:47
Elles sont toutes là sur les murs du musée Toulouse-Lautrec à Albi, des célèbres Goulue et Aristide Bruant aux plus méconnues: pour la première fois réunies, les 31 affiches de Lautrec sortent en pleine lumière après quatre ans de restauration, pour une rétrospective des oeuvres qui ont fait sa renommée.
"C'est une grande occasion de célébrer toutes les affiches qu'on ne peut pas montrer en permanence" pour des raisons de conservation, explique à l'AFP Fanny Girard, la commissaire de l'exposition "Toulouse-Lautrec et l'art de l'affiche", visible jusqu'au 31 août à Albi, la ville natale du peintre.
"Les oeuvres sur papier, ce sont des oeuvres qui sont très peu montrées, généralement la règle dans les musées c'est qu'on les présente sur un temps limité, trois-quatre mois maximum, et puis après elles retournent plusieurs années au noir dans les réserves du musée", précise la directrice du musée qui renferme la totalité des affiches créées par Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901).
Les 31 affiches furent données par la famille en 1922 au maire d'Albi alors que le musée du Luxembourg les avait refusées, raconte Mme Girard, en raison de la "réputation sulfureuse" de l'artiste, familier des maisons closes et connu pour ses portraits de la bohème montmartroise.
Certaines n'ont jamais été placardées dans les rues de Paris, comme cette version inédite verticale de l'imposant profil du chansonnier Aristide Bruant qui, sur 2,85 mètres de haut, debout sur scène, domine son auditoire, avec la présence incongrue de la danseuse du Moulin Rouge Jane Avril.
Ou encore le projet avorté pour la chanteuse Yvette Guilbert, qui ne se trouva pas à son avantage et refusa le dessin: "pour l'amour du ciel, ne me faites pas si atrocement laide!", écrivit-elle à l'affichiste déçu qui espérait pourtant "le plus beau succès" avec cette commande.
Malgré quelques refus et concours ratés, Toulouse-Lautrec représente le précurseur de l'affiche du XXe siècle, s'accordent les experts. "J'ai attaché-là le bout d'une filière qui peut me mener assez loin je l'espère", écrivait-il d'ailleurs à sa mère en 1892.
- "Parti pris" -
Pendant la dernière décennie du XIXe siècle, qui marque l'essor de l'affiche illustrée et de la publicité moderne, Toulouse-Lautrec s'impose comme un incontesté affichiste novateur et moderne.
"Il a adopté un parti pris différent", explique Fanny Girard. Dans ses affiches, il se positionne à l'intérieur du cadre, mélange les plans et les perspectives "par une construction de l'espace impossible" inspirée des estampes japonaises, "dont le but est l'efficacité visuelle", souligne la conservatrice.
Comme dans l'affiche de la Goulue au Moulin rouge, qui ouvre l'exposition, où le cabaret du boulevard de Clichy n'est plus représenté par ses ailes écarlates mais par ses globes lumineux reconnaissables de ceux qui le fréquentent alors. Ou comme l'intrigante perspective d'un manche de contrebasse de l'affiche Jane Avril, dans un parallèle édifiant avec une oeuvre du peintre japonais Hiroshige Utagawa.
"Il va jouer sur différentes techniques", poursuit la commissaire. Il utilise à grande échelle "le crachis", projection de gouttelettes de peinture à la brosse à dents. Il innove dans le choix des couleurs comme ce vert olive, appelé aujourd'hui "vert Lautrec", ou ces aplats de noir qui font surgir des gants, un chapeau ou un mollet.
Pour l'occasion, le musée d'Albi propose des manipulations dans un atelier de lithographe pour créer sa propre affiche à la manière de Toulouse-Lautrec.
Enrichis par une sélection d'oeuvres empruntées à des musées parisiens, les dessins de Lautrec sont accompagnés d'anecdotes et d'écrits de l'artiste, tantôt avec leurs études préparatoires, tantôt avec des réalisations d'autres affichistes de l'époque.
On découvre d'autres facettes du Lautrec affichiste, comme ses lithographies créées pour lancer des revues littéraires et des romans feuilletons de la Dépêche du Midi, ou encore ses affiches publicitaires vantant la légèreté des confettis inventés pour remplacer, pendant le carnaval, les minuscules plâtres colorés interdits en 1892 car jugés trop dangereux.