Les paramilitaires bombardent l'aéroport de Port-Soudan, selon l'armée
information fournie par AFP 04/05/2025 à 15:39

De la fumée s'élève de l'aéroport de Port-Soudan après une frappe imputée par l'armée à ses rivaux paramilitaires, le 4 mai 2025 ( AFP / - )

Les paramilitaires soudanais ont frappé dimanche pour la première fois l'aéroport de Port-Soudan, siège provisoire des autorités, a indiqué l'armée, une attaque qui a provoqué la suspension des vols.

Le Soudan est en proie depuis le 15 avril 2023 à une guerre entre l'armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), dirigés par son ancien adjoint, le général Mohamed Hamdane Daglo.

Au début de la guerre, l'armée avait été chassée de Khartoum par les FSR et s'était repliée vers l'est, transférant le siège du gouvernement à Port-Soudan sur la mer Rouge. Mais fin mars, elle a repris Khartoum aux paramilitaires.

"L'ennemi a ciblé ce matin la base aérienne d'Osman Digna avec des drones explosifs, un entrepôt de marchandises et certaines installations civiles dans la ville de Port Soudan", a indiqué le porte-parole de l'armée, le général Nabil Abdullah dans un communiqué.

L'attaque n'a pas fait de victimes, a ajouté la même source ainsi qu'un responsable de l'aéroport, qui a confirmé l'attaque.

Les vols vers et depuis Port-Soudan ont été suspendus, a indiqué un responsable gouvernemental.

Des piétons près d'un arrêt de bus dans le quartier de Kalakla, dans le sud de Khartoum, le 29 avril 2025 au Soudan ( AFP / - )

Tenue par l'armée, la ville de Port-Soudan, jusqu'à présent épargnée par les violences, abrite également des agences de l'ONU et des centaines de milliers de déplacés.

C’est la première fois depuis le début de la guerre qu’une attaque vise cette ville située à plus de 600 kilomètres à l'est de Khartoum.

- Aéroport évacué -

Un correspondant de l'AFP à Port-Soudan a indiqué avoir ressenti une détonation à l'aéroport situé à 20 kilomètres au sud de la ville.

Un marché aux bêtes en feu à El-Facher, après un bombardement des Forces de soutien rapide (FSR), le 1er septembre 2023 au Soudan ( AFP / - )

"Nous étions en route vers l’avion lorsque nous avons été évacués très rapidement", a raconté à l'AFP un témoin présent sur place.

Sur des photos de l'AFP, on peut voir une épaisse colonne de fumée noire s’élevant au dessus de l'aéroport.

Alors que le conflit vient d'entrer dans sa troisième année, le pays est fracturé: l'armée contrôle le centre, l'est et le nord, tandis que les paramilitaires tiennent à l'ouest la quasi-totalité du Darfour et certaines parties du sud.

Port-Soudan se trouve à plus de 600 kilomètres des positions connues les plus proches des FSR, situées dans le sud d'Omdourman, ville jumelle de Khartoum.

Les FSR, privées d’aviation, s’appuient sur des drones, artisanaux ou sophistiqués, pour leurs offensives, des équipements que le gouvernement soudanais accuse les Emirats arabes unis de fournir.

Malgré des rapports d’experts de l’ONU, de responsables américains et d'organisations internationales faisant état d’un soutien émirati aux FSR, Abou Dhabi nie toute implication.

Selon le laboratoire humanitaire de recherche de l'Université Yale (HLR), qui suit l'évolution du conflit grâce à des données de télédétection, six drones ont été identifiés sur des images satellites à l’aéroport de Nyala, contrôlé par les FSR dans la région occidentale du Darfour.

En avril, le laboratoire avait indiqué que ces drones, d’origine chinoise, étaient dotés de "technologies avancées de surveillance électronique et de capacités de guerre", et pouvaient être équipés d'armements air-sol.

- "Aucun endroit n'est sûr" -

Dimanche, l'Arabie saoudite, qui a été l'un des médiateurs dans la guerre au Soudan, a condamné les attaques contre les infrastructures à Port Soudan et à Kassala, les décrivant comme "une menace pour la stabilité et la sécurité" régionale.

Ces dernières semaines, les FSR ont multiplié leurs attaques de drones contre des sites civils et militaires stratégiques.

En avril, une frappe contre des infrastructures électriques dans la ville d’Atbara (nord) avait plongé le pays dans le noir.

Port-Soudan est toujours privé d'électricité depuis une dizaine de jours.

Selon un ex-général soudanais s’exprimant sous couvert d’anonymat, ces attaques visent à démontrer "qu'aucun endroit n'est sûr" et que les paramilitaires sont en mesure de frapper "n’importe quelle région du Soudan ".

Les FSR chercheraient également "à perturber le trafic aérien et à dissuader les compagnies internationales, comme EgyptAir ou Ethiopian Airlines, que le ciel du Soudan n'est pas sans danger", explique-t-il.

Une frappe attribuée aussi aux paramilitaires a touché samedi la ville de Kassala, à la frontière avec l’Erythrée, dans l’est du pays, selon une source gouvernementale.

Des témoins ont déclaré à l'AFP que l'armée avait déployé ses défenses aériennes après de nouvelles attaques dimanche sur cet aéroport.

La guerre au Soudan a tué des dizaines de milliers de personnes, déraciné 13 millions et plongé certaines régions dans la famine, provoquant "la pire catastrophe humanitaire" au monde, selon l'ONU.