Les députés planchent sur le projet du gouvernement pour "refonder" Mayotte information fournie par AFP 23/06/2025 à 17:34
"Une ambition sans précédent" ou un "énième plan" pour le département le plus pauvre de France ? Les députés planchent, à partir de lundi, sur le projet de loi visant à "refonder" Mayotte, avec pour objectif de réduire ses profondes inégalités avec le reste du territoire.
Six mois après le passage dévastateur du cyclone Chido et une loi de reconstruction adoptée par le Parlement en février, l'Assemblée nationale s'empare de nouveau d'un texte gouvernemental pour Mayotte.
"Sans une action plus fondamentale de refondation, nous reviendrons, au mieux, à la situation très insatisfaisante" d'avant le cyclone, a souligné lundi le ministre des Outre-mer Manuel Valls, défendant un texte "d'une ambition politique sans précédent", lors d'un point presse organisé dans la matinée.
"Depuis des années, pour ne pas dire des décennies, les Mahorais attendent ce texte qui doit répondre à leurs aspirations à l'égalité réelle et au parachèvement de la départementalisation. Nous y sommes !", s'est exclamé le ministre.
Lors de la proclamation de l'indépendance des Comores dans les années 1970, Mayotte a choisi de rester en France. Après un référendum en 2009, elle devient le 101e département français.
Mais des années plus tard, les inégalités avec l'Hexagone restent abyssales: 77% de la population vit sous le seuil de pauvreté national et environ un tiers de l'habitat est "informel", souvent des bidonvilles insalubres (chiffres de l'Insee).
Le texte prévoit notamment de débloquer "près de quatre milliards d'euros" sur six ans pour relever l'archipel.
Le département fait également face à une immigration massive venue des Comores et de l'Afrique continentale, environ la moitié de la population du département est étrangère.
Le texte liste ainsi deux priorités: la lutte contre l'immigration clandestine et l'habitat illégal, "sans quoi, nous risquons de reconstuire Mayotte sur du sable", selon M. Valls.
Il prévoit des mesures pour faciliter la destruction des bidonvilles, ou durcir les conditions d'accès au séjour.
Plusieurs mesures particulièrement irritantes pour la gauche, comme la possibilité de déroger à l'interdiction de placement en rétention d'un mineur, ont été supprimées en commission.
Le gouvernement a prévenu qu'il soutiendrait leur réintroduction en séance.
- "Mayotte étouffe" -
Le texte contient aussi un volet économique et social, avec une mesure particulièrement attendue: la convergence sociale d'ici 2031 - c'est-à-dire une harmonisation du niveau de prestations sociales entre Mayotte et la métropole.
En commission, les députés ont inscrit dans la loi un premier objectif d'atteindre "87,5%" du Smic dès le 1er janvier 2026.
Mais sur place, des élus locaux rappellent que ces promesses de convergence ne sont pas nouvelles, sans avoir été tenues par le passé.
"On ne peut pas comprendre qu'à chaque nouveau texte, on repousse l'échéance", s'indigne un conseiller départemental, Soula Saïd Souffou, pour qui le projet de loi n'est "qu'une énième loi" Mayotte.
Des critiques balayées par Manuel Valls qui souligne que, depuis la départementalisation, "c'est la première fois qu'un gouvernement inscrit dans la loi la convergence sociale, c'est un effort inédit et massif".
Autre disposition réclamée sur l'archipel, la fin du visa territorialisé, qui empêche les détenteurs d'un titre de séjour mahorais de venir dans l'Hexagone.
La suppression de ce titre de séjour spécifique, perçu comme une injustice et un manque de solidarité de la France métropolitaine face au problème migratoire, a été approuvée en commission.
Mais seulement à compter de 2030, le temps que les dispositifs de lutte contre l'immigration illégale fassent effet, et éviter ainsi un appel d'air, selon les défenseurs de ce calendrier.
"Mayotte étouffe", s'indigne une autre conseillère départementale d’opposition Hélène Pollozec, déplorant que la fin de cette mesure dérogatoire ne soit pas immédiate.
Plusieurs ONGs ont dénoncé ces derniers jours un projet de loi passant à côté des grands défis, comme l'accès à l'eau ou à l'éducation.
Approuvé par le Sénat fin mai, le texte remanié par les députés devrait être adopté sans grande difficulté, "tant les parlementaires, de toutes sensibilités politiques (...) se retrouvent" sur la nécessité d'une loi, pense son rapporteur général Philippe Vigier (MoDem, ancien ministre des Outre-mer).
"J'estime que Mayotte mérite autre chose, on continue de traiter le département différemment du reste de la France", déplore cependant auprès de l'AFP le député insoumis Aurélien Taché. Son groupe n'a pas encore décidé s'il votera contre ou s'abstiendra.