Le meurtrier d'Aboubakar Cissé guidé par une "envie obsessionnelle de tuer"
information fournie par AFP 02/05/2025 à 21:34

Des portraits d'Aboubakar Cissé, tué à coups de couteau à la mosquée de La Grand-Combe fin avril, lors d'un rassemblement en sa mémoire à Paris, le 1er mai 2025 ( AFP / Ian LANGSDON )

Le meurtrier d'Aboubakar Cissé a agi "dans un contexte isolé", guidé par une "envie obsessionnelle de tuer" qu'il avait largement partagée sur les réseaux sociaux, lâchant, juste avant de s'en prendre à ce jeune Malien de 22 ans, dans sa mosquée, "il est noir, je vais le faire", selon le parquet.

Olivier Hadzovic, un Français de 20 ans, a "agi dans un contexte isolé, sans revendication idéologique ou lien avec une organisation (...). Les ressorts pour agir de l'agresseur sont très vite apparus comme profondément personnels, l'envie de tuer quelqu'un, quelle que soit la cible", sur fond de "fascination morbide", a déclaré la procureure de Nîmes, Cécile Gensac, lors de sa première conférence de presse sur ce dossier sensible vendredi.

Rien ne permet pour l'heure d'expliquer pourquoi "il entre dans cette mosquée" et agresse cette personne précise, a insisté la magistrate, rappelant le témoignage d'une jeune femme qui avait signalé les contenus en ligne du futur meurtrier, où il avait fait part, depuis un an déjà, "d'envies de viol de femmes, de meurtres ou de viols de cadavre".

Puis Mme Gensac de détailler les messages du meurtrier le matin même des faits, vendredi 25 avril, peu après 09h00, sur un groupe de discussion sur la plateforme Discord, groupe fréquenté par cette jeune femme

- "Je vais le faire aujourd'hui, je vais le faire dans la rue".

- "Tu le connais ?", lui répond un interlocuteur.

- "Non", répond-il. "Je vais m'attaquer à la mosquée ? Je n'ai pas trop d'idée".

Puis, une fois sur place, il lâche: "Il est noir (NDLR: évoquant sa future victime), je vais le faire".

Enfin, juste après le meurtre, dans une vidéo diffusée sur Instagram qu'il filme face à sa victime agonisante, à qui il a porté 57 coups de couteau au total, il dit à deux reprises: "Je l'ai fait (...), ton Allah de merde".

Les premières investigations dressent le portrait d'un jeune homme né à Béziers, dans le département voisin de l'Hérault, issu d'une famille chrétienne non pratiquante de 11 enfants, consommateur de vidéos violentes, notamment de personnes se scarifiant en direct, a précisé la magistrate.

Deux jours avant les faits, il avait fait part, sur Discord toujours, de son intention de passer à l'acte, et deux internautes avaient fait un signalement sur la plate-forme Pharos. Selon l'une de ces deux témoins, le meurtrier se serait décrit comme "schizophrène" dans sa vidéo juste après les faits, où il ajoute qu'il faut qu'il commette "deux nouveaux faits pour devenir un tueur en série".

"A ce stade" donc, le parquet national antiterroriste (Pnat) n'a pas retenu la qualification terroriste, a confirmé la procureure de Nîmes. Mais cela ne signifie pas "une relativisation de la gravité des faits", pour lesquels la perpétuité est encourue, a insisté la magistrate, selon qui le Pnat "demeurera en observation" sur ce dossier.

Les avocats de la famille Cissé avaient annoncé plus tôt à plusieurs médias leur intention de déposer une plainte avec constitution de partie civile pour que l'enquête soit justement requalifiée en assassinat terroriste.

- "ça ne choque personne ?" -

Le meurtrier, qui s'est rendu dimanche soir dans un commissariat près de Florence, en Italie, devrait "sous toute réserve" être remis à la France "d'ici la fin de la semaine prochaine", selon Mme Gensac.

Alors que l'enquête confiée à un juge d'instruction pour "meurtre aggravé par préméditation et à raison de la race ou de la religion" se poursuit, le temps des hommages a aussi commencé vendredi.

Devant la mosquée Khadidja de La Grand Combe, quelque 700 personnes, selon une correspondante de l'AFP, se sont ainsi réunies vendredi, dans et devant l'édifice religieux bondé, pour une prière mortuaire.

Avant l'enterrement, prévu au Mali, le cercueil sera accueilli lundi à 11h00 à la Grande Mosquée de Paris. Le même jour, la famille d'Aboubakar Cissé sera reçue par Bruno Retailleau, en même temps que des représentants du Haut conseil des Maliens de France, a confirmé le ministre de l'Intérieur à Metz vendredi.

Ailleurs en France, des mosquées ont également organisé des prières funéraires sans dépouille, des "salat al-ghaib", en marge de leurs traditionnelles prières du vendredi, comme à Tremblay-en-France en Seine-Saint-Denis.

"On vient le tuer à l'intérieur de la mosquée, pendant qu'il est en train de faire la prière, de plusieurs coups de couteaux. On insiste sur le crime, on le filme et on le diffuse sur les réseaux sociaux et ça ne choque personne au niveau de nos responsables politiques", a dénoncé auprès de l'AFP Abdelghani Bentrari, président de la mosquée de Tremblay.

"Mon fils, il est fou. C'est 100% pas normal ce qu'il a fait. Je m'excuse pour la famille ... Je suis désolé", a déclaré de son côté vendredi à BFMTV un homme se présentant comme le père du suspect.

Dans ses premières déclarations aux enquêteurs italiens, le jeune homme a reconnu le meurtre mais nié avoir agi par haine de l'islam, indiquant, selon son avocat, "avoir tué la première personne qu'il a trouvée".