Le locataire prioritaire pour acheter le local commercial qu'il loue? Attention aux exceptions à la règle
information fournie par Boursorama avec Media Services 27/06/2025 à 11:58

La Cour de cassation a rappelé dans deux décisions la portée des dispositions concernant le droit de préemption des locataires, et ses nombreuses limites.

( AFP / THOMAS COEX )

En affaire commerciale, passer de locataire à propriétaire n'est pas si simple. Dans deux arrêts rendus le 19 juin 2025, la Cour de cassation a rappelé les exceptions au principe de priorité accordé au locataire d'un local commercial souhaitant l'acheter en cas de vente.

Le locataire d'un local à usage commercial bénéficie d'un droit de préférence, ou de préemption, lorsque le propriétaire vend son bien, selon l'article L. 145-46-1 du code du commerce. C'est-à-dire qu'il est prioritaire pour acheter les lieux.

Il existe plusieurs exceptions, notamment quand le propriétaire vend le local à son conjoint, à un ascendant ou à un descendant; en cas de vente unique de plusieurs locaux commerciaux voisins - qu'ils soient loués à une seule société ou à des commerces différents -, ou de vente globale "d'un immeuble comprenant des locaux commerciaux" .

C'est sur ce dernier point que deux commerçants ont attaqué en justice les propriétaires des locaux qu'ils louaient. Tous deux estimaient que, puisque leur commerce était le seul local commercial parmi les lots vendus, cette exception ne s'appliquait pas. La Cour de cassation leur a adressé la même réponse: peu importe le singulier ou le pluriel, l'esprit du texte reste le même.

Dans le premier cas (pourvoi n° K 23-17.604), c'est une société gérant une discothèque qui a saisi la justice. Elle estimait avoir été privée de son droit de préférence car, selon elle, "la cession globale d'un ensemble immobilier comprenant un unique local à usage commercial" n'est pas mentionnée dans le code de commerce.

Interprétation large de l'exception

Mais la Cour de cassation a décidé de passer outre l'usage du singulier ou du pluriel. "Le locataire à bail commercial ne bénéficie pas d'un droit de préférence lorsque le local (...) ne constitue qu'une partie de l'immeuble vendu, même si celui-ci ne comprend qu'un seul local commercial", explique-t-elle.

Dans le deuxième cas (pourvoi n° V 23-19.292), la locataire d'un local commercial à Paris reprochait au propriétaire de ne pas l'avoir fait bénéficier du droit de préemption. Elle a fait valoir que "la cession ne constituait ni une cession unique de plusieurs locaux d'un ensemble commercial, ni une cession unique de locaux commerciaux distincts, mais une cession unique d'un seul local", puisque les autres lots étaient une cave, des box et des bureaux - donc pas des locaux commerciaux.

Là encore, la Cour de cassation a interprété plus largement le code du commerce et décidé que l'exception "s'applique en cas de cession d'un immeuble comprenant un seul local commercial".

(Cour de cassation, troisième chambre civile, 19 juin 2025, n° K 23-17.604 et V 23-19.292)