Déclaration des biens immobiliers : après le fiasco de 2023, le fisc veut confirmer le remodelage et sévir contre les grands propriétaires récalcitrants information fournie par Boursorama avec Media Services 06/05/2025 à 09:17
Cette obligation déclarative, en place depuis 2023, vise à permettre au fisc d'identifier parmi 71 millions de locaux en France ceux qui devaient rester taxés après la suppression de la taxe d'habitation.
Deux ans après la mise en place de la plateforme de déclaration des biens immobiliers, le fisc français veut tourner la page du fiasco de la collecte de taxes en 2023, redonner de l'élan à la collecte, et sévir contre les grands propriétaires récalcitrants.
Le lancement de la nouvelle plateforme "Gérer mes biens immobiliers" en 2023 avait été étrillée par la Cour des comptes : incompréhension des contribuables, manque d'information, services débordés. Plus d'un million de contribuables avaient été imposés à tort , contraignant l'État à dégrever 1,3 milliard d'euros: une plaie pour des finances publiques déjà exsangues.
Cette nouvelle obligation déclarative découlait de la suppression de la taxe d'habitation la même année. Les propriétaires devaient fournir à l'administration les noms, prénoms, date et lieux de naissance des occupants afin de permettre au fisc d'identifier parmi 71 millions de locaux en France ceux qui devaient rester taxés : notamment au titre de la taxe sur les résidences secondaires, ou de celle sur les logements vacants.
Mais l'outil de l'État, développé pendant 5 ans pour un coût de 56,4 millions d'euros , avait suscité des dysfonctionnements considérables, pointés par les Sages de la rue Cambon, et par plusieurs organisations syndicales qui dénonçaient les conséquences pour les services sur le terrain.
Trois campagnes plus tard, le fisc veut faire amende honorable. La plateforme est désormais intégrée à la déclaration d'impôt sur le revenu dont la campagne a débuté le 11 avril et s'achèvera au plus tard le 5 juin. La déclaration des occupants se poursuivra jusqu'à "fin juin", détaille la Direction générale des finances publiques (DGFiP).
Mais des failles déclaratives demeurent. Moins du côté des "petits" que des "grands" propriétaires (de plus de 200 biens immobiliers). Les premiers, qui détiennent "trois ou quatre biens, parfois un petit peu plus", ont déclaré 82% de leurs situations d'occupations en 2023, et 88% l'année suivante, précise le chef du service de la gestion fiscale à la DGFiP, Olivier Thouvenin. À ce jour, Bercy enregistre 90% de déclarants pour la campagne en cours, appuie François Rollo, l'un des responsables du fisc interrogé par l' AFP .
Les bailleurs sociaux pas toujours coopératifs
Bailleurs sociaux, collectivités, promoteurs, banques, propriétaires de SCI : la DGFiP recense quelque 3.000 grands propriétaires, dont seulement "quelques centaines" représentent l'essentiel du parc immobilier (autour de 70%). Les manquements déclaratifs de cette catégorie de propriétaire étaient l'un des "sujets de faiblesses" de la campagne de 2023, reconnait Olivier Touvenin, avec seulement 45% de taux de déclaration des occupants, puis 78% en 2024.
Un chiffre que l'administration espère légèrement supérieur en 2025. L'administration assure avoir pris de nombreuses dispositions destinées à mieux les accompagner... Mais un "point noir" persiste du côté des collectivités locales, dont certaines comptent parmi les bailleurs les plus importants. Et en 2024, seulement 50% des collectivités avaient déclaré leurs situations d'occupation , détaille Olivier Thouvenin.
Une situation qui peut s'expliquer selon lui par une méconnaissance de leur propre patrimoine, ou par des difficultés à identifier les occupants de locaux dont elles ont délégué la responsabilité de la gestion : par exemple une caserne de sapeurs-pompiers. Cette année, les collectivités ont eu la possibilité de déléguer le soin d'identifier les occupants aux gestionnaires effectifs des lieux, souligne-t-il.
Ce problème d'identification est moins présent pour les bailleurs sociaux qui gèrent directement des locaux et avec lesquels "une tradition d'échange de fichiers plus ancienne" existe, fait remarquer Grégory Berthelot, sous-directeur de la gestion fiscale à la DGFiP.
Si les petits propriétaires seront épargnés par les sanctions pécuniaires en 2025 , de grands propriétaires pourront se voir infliger une amende de 150 euros par bien.
"On en a identifié un certain nombre qui ont une obligation mais nous déclarent un peu n'importe quoi, n'importe comment, voire rien du tout", assure Olivier Thouvenin. Certains ont des difficultés pour identifier leurs occupants, mais d'autres "ne font pas spécialement d'efforts pour les connaitre", estime-t-il.
En fin de compte, avant la menace d'une sanction financière, le manquement déclaratif était surtout préjudiciable au locataire potentiellement imposé à tort et qui devait régulariser sa situation. Hormis l'amende, "le propriétaire n'a pas forcément un intérêt à agir", conclu Olivier Thouvenin.