Chaleur à domicile : de plus en plus de Français piégés dans leurs "logements bouilloires"
information fournie par Boursorama avec Media Services 26/06/2025 à 11:31

Les épisodes de vagues de chaleur de plus en plus fréquents mettent en lumière un pan entier du parc de logement que la flambée du thermomètre rend inhabitables.

( AFP / DAMIEN MEYER )

Derrière les clichés du farniente, des parasols et de la détente, les étés et leur soleil de plomb éprouvent un nombre grandissant de personnes au sein même de leur domicile. Longtemps restée dans l'angle mort des politiques publiques, la précarité énergétique d'été touche de plus en plus de monde en France, conséquence du réchauffement climatique, rendant les logements inhabitables pendant des semaines, alerte ainsi la Fondation pour le logement des défavorisés.

"La précarité énergétique d'été touche de plus en plus de monde et il est devenu urgent, impératif, d'agir rapidement", a estimé mercredi devant la presse Christophe Robert, délégué général de la Fondation (ex-Fondation Abbé Pierre), alors qu'une vague de chaleur traverse la France.

"Il y a peu de temps, la précarité énergétique en France était traitée uniquement du point de vue du froid (...). Or, avec le réchauffement climatique (...), des millions de logements se transforment en véritables bouilloires et deviennent inhabitables plusieurs semaines par an" , a-t-il ajouté.

Dans sa troisième étude sur le sujet, intitulée "Chaud dedans!", la Fondation rappelle que 42% des Français ont souffert de la chaleur dans leur logement en 2024, alors même que l'été n'était pas particulièrement caniculaire.

Le ressenti varie très fortement selon la météo: en 2022, année pendant laquelle l'été avait été particulièrement chaud, 59% des Français déclaraient ainsi avoir souffert de la chaleur à domicile.

"Compiler ces chiffres qui nous servent d'indicateurs est une manière pour nous de sortir de cette impression de phénomène naturel, et de montrer que les personnes mortes de la canicule le sont en partie parce qu'elles vivaient dans des logements qui ne les protégeaient pas des fortes chaleurs", a expliqué Maider Olivier, chargée de plaidoyer Climat.

La précarité énergétique d'été se caractérise aussi par de "fortes inégalités", 48% des 18-24 ans ayant ainsi souffert de la chaleur chez eux en 2024.

Le répit de la nuit s'estompe

Les locataires, les ménages modestes, les personnes âgées et les habitants des villes, notamment des quartiers populaires, sont les plus exposés.

"Dans un logement où les températures dépassent les normes de l'Organisation mondiale de la santé, soit 26 degrés la nuit et 28 le jour, les personnes s'exposent à une aggravation des pathologies cardiovasculaires, respiratoires, à des malaises, des problèmes de sommeil ou de concentration", a rappelé Christophe Robert.

L'alerte est portée par l'actualité du moment. Sur le pourtour méditerranéen notamment, les nuits dites "tropicales" (au cours de laquelle la température ne descend pas en dessous de 20°C) s'enchainent depuis le début du mois de juin.

1,1 milliard par an

A l'été 2024, 3.700 personnes sont mortes des conséquences de la chaleur, dont les trois quarts âgées de 75 ans et plus, selon Santé Publique France.

Entre 2017 et 2024, 34.000 personnes sont décédées des conséquences de la chaleur, selon la même source.

Or, un logement sur trois (35%) en France est "une bouilloire", selon le syndicat d'industriels Ignes, tandis que 31% des logements dont le DPE est classé A, la meilleure note, sont jugés "insuffisants" au regard de l'habitabilité d'été.

Les rénovations ne sont par ailleurs pas toutes performantes: "une rénovation globale peut faire sortir un logement du statut de passoire, voire atteindre un DPE A ou B, tout en restant ou en devenant invivable l'été", note la Fondation.

Face à cela, seuls 60% des logements sont pleinement équipés de protections solaires, indiquent les auteurs, qui évaluent à 1,1 milliard d'euros par an le besoin de financements publics entre 2025 et 2040 pour installer des brasseurs d'air et des volets sur chaque logement.

Pour accélérer la protection des populations, une proposition de loi (PPL) "Zéro logement bouilloire" associant les députés de sept groupes politiques sera déposée "dans les prochains jours" à l'Assemblée nationale.

Le texte propose d'intégrer la surchauffe des logements dans la définition de la précarité énergétique, d'interdire les coupures d'électricité tout au long de l'année pour pouvoir utiliser des ventilateurs l'été, ou encore d'afficher la note "confort d'été" du diagnostic de performance énergétique (DPE) sur les annonces immobilières. A terme, un seuil d'habitabilité d'été devrait également "être intégré à la décence du logement". La Fondation propose notamment que, d'ici 2030, "les pires logements bouilloires soient équipés, voire rénovés pour faire face à la chaleur, afin d'être loués".

Les députés proposent enfin d'assouplir les avis rendus par les architectes des bâtiments de France pour faciliter l'installation de protections solaires.

Le texte pourrait être examiné à l'automne.