Aude: l'aloe vera au lieu de la vigne pour s'adapter à la sécheresse information fournie par AFP 18/05/2025 à 09:40
Face au changement climatique, le viticulteur Laurent Maynadier, issu d'une famille de vignerons dans l'Aude depuis 13 générations, diversifie ses cultures en adoptant l'aloe vera, une plante de milieux arides dont il vient de récolter les premières fleurs.
"On a testé des plantes aromatiques (thym, romarin, origan, sauge, lavande)" et deux d'entre elles "sont sorties du lot: l'aloe vera et le romarin. Le romarin, lui, n'est pas rentable. On s'est donc dirigé vers l'aloe vera", explique avec conviction Laurent Maynadier, alors qu'il taille des fleurs jaunes en forme d'épis à l'aide d'un sécateur.
"L'aloe vera est peu gourmand en eau, par rapport à la vigne. Il en a besoin de cinquante à cent fois moins, donc c'est quand même un gros avantage. C'est aussi une plante qui ne nécessite pas de produits phytosanitaires", poursuit-il, sous le soleil qui arrose généreusement son exploitation à Fitou, dans les Corbières.
A l'instar d'autres parties de l'Aude ou des Pyrénées-Orientales, cette zone est frappée par une sécheresse persistante depuis plusieurs années. Une tendance lourde liée au changement climatique que des pluies ponctuelles - comme celles qui ont largement dépassé la moyenne enregistrées en mars dans l'Aude - ne sauraient modifier de manière substantielle.
Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) a rappelé cette semaine que "les niveaux des nappes du Roussillon et du massif des Corbières restent bas à très bas" et le resteront dans les prochains mois. "Peu importe le scénario de pluies ou de températures", insiste le BRGM.
Dans ce contexte, Laurent Maynadier est loin d'être le seul à réduire la part des vignes dans son exploitation ou à diversifier sa production. Et l'aloe vera n'est pas non plus la seule plante introduite par des agriculteurs audois ou des Pyrénées-Orientales.
Près de 5.000 hectares de vignes doivent être arrachés dans l'Aude - sur près de 27.500 dans toute la France - dans le cadre d'un dispositif gouvernemental mis en place en octobre dernier.
Des pistachiers, des oliviers, voire des caroubiers, sont parfois plantés à leur place, souvent dans l'idée de les faire cohabiter avec la vigne.
- Garder le métier des ancêtres -
Laurent Maynadier a quant à lui déjà arraché la moitié de ses vignes: il en cultive actuellement neuf hectares, contre 18 il y a cinq ans.
Ses 3.000 plantes d'aloe vera occupent actuellement une parcelle de 5.000 m2 (un demi-hectare), une surface qu'il compte augmenter, tout en expérimentant d'autres variétés de milieux arides, comme l'arganier.
Et, bien entendu, il tient absolument à garder le métier de ses ancêtres.
"Non, la vigne, je n'imagine pas l'abandonner un seul instant. Par contre, on sera obligé de revoir notre manière de travailler", souligne-t-il, debout dans sa cave aux murs en pierre.
Il faudra notamment "avoir un couvert végétal, avoir de l'agroforesterie, un paillage au sol. Ce sont des techniques (...) que l'on développera pour maintenir l'activité viticole", ajoute-t-il, devant son alambic.
Un alambic qui servira aussi à transformer la fleur de l'aloe vera. Le vigneron cultive depuis trois ans cette plante dont il met déjà à profit la palme.
"La fleur, c'est la première fois que l'on va l'utiliser (...) pour faire des distillats, des eaux florales. Et cette eau florale a deux vocations: d'une part être utilisée dans les cosmétiques et d'autre part être utilisée en alimentaire", précise-t-il.
"C'est extrêmement intéressant économiquement. C'est plus intéressant aujourd'hui que la vigne", relève-il, avant de résumer: "Je suis vigneron, je suis attaché à cette production, mais je sais aussi calculer."