Allemagne : Merz élu chancelier par le Bundestag à sa 2e tentative
information fournie par Reuters 06/05/2025 à 18:31

(Actualisé avec détails des votes, réaction de Macron)

par Sarah Marsh et Andreas Rinke

Friedrich Merz a finalement été élu mardi chancelier par le Bundestag, la chambre basse du Parlement allemand, après que le dirigeant conservateur a échoué à la surprise générale à obtenir le soutien d'une majorité de députés lors du premier tour de scrutin.

Avocat de formation, Friedrich Merz, 69 ans, devient le 10e chancelier de l'Allemagne moderne en succédant au social-démocrate Olaf Scholz.

Après avoir conduit le bloc conservateur CDU/CSU à la victoire lors des élections législatives du mois de février, il semblait assuré de remporter la chancellerie au lendemain de la signature d'un contrat de coalition avec le Parti social-démocrate (SPD) d'Olaf Scholz.

C'est chose faite mais après un sérieux revers, Friedrich Merz n'ayant d'abord pas réussi à obtenir le soutien de la majorité absolue des députés allemands pour être confirmé dès le premier tour de scrutin - un fait inédit dans l'histoire du pays.

Lors de ce second tour de scrutin, il a remporté 325 voix sur les 630 sièges que compte le Bundestag, soit neuf de plus que nécessaire pour obtenir la majorité absolue.

Il avait précédemment recueilli 310 voix, ce qui signifie qu'au moins 18 députés de la "grande coalition" ne l'ont pas suivi au premier tour.

DOUTES

Ce contretemps traduit les doutes qui entourent le dirigeant conservateur et notamment sa volonté de mener une politique budgétaire plus souple pour relancer une économie fragilisée par les conséquences de la guerre en Ukraine et désormais de la politique commerciale du président américain Donald Trump.

Après le deuxième vote, Friedrich Merz s'est rendu au château de Bellevue, non loin du Parlement, pour être officiellement investi par le président Frank-Walter Steinmeier. Il devait revenir ensuite au palais du Reichstag, bâtiment historique situé au cœur de Berlin, pour prêter serment.

Friedrich Merz devra dorénavant, et plus que jamais, démontrer sa capacité à gouverner alors que la coalition tripartite sortante d'Olaf Scholz a implosé en novembre dernier, créant un vide politique au coeur de l'Europe dans un contexte délicat alors que le continent fait face à un éventail de crises.

Message fort en faveur de l'Europe, le nouveau chancelier est attendu mercredi à Paris, où il doit rencontrer le président Emmanuel Macron, qui a salué via le réseau social X l'investiture de Friedrich Merz, appelant la France et l'Allemagne à "accélérer sur leur agenda européen de souveraineté, de sécurité et de compétitivité".

"À nous de rendre le moteur et le réflexe franco-allemand plus forts que jamais", a ajouté le président français.

La guerre commerciale mondiale déclenchée par les multiples droits de douane décidés par Donald Trump fait planer la menace d'une troisième année consécutive de ralentissement de la plus grande économie d'Europe, déjà affaiblie par l'arrêt des importations du gaz russe peu coûteux à la suite de l'invasion de l'Ukraine et par une rivalité accrue avec la Chine.

Par ailleurs, Donald Trump menace de ne plus venir en aide aux alliés de Washington au sein de l'Otan, une position qui a poussé Friedrich Merz, pourtant partisan de liens transatlantiques étroits, à remettre en question la fiabilité des Etats-Unis et à exhorter l'Europe à renforcer ses capacités de défense.

INEXPÉRIENCE DE MERZ AU NIVEAU GOUVERNEMENTAL

L'accord de coalition conclu par la CDU/CSU avec le SPD prévoit des mesures destinées à relancer la croissance économique, comme un allègement de l'impôt des entreprises, et une réduction des prix de l'énergie. Friedrich Merz s'est également engagé à continuer d'apporter un soutien sans faille à l'Ukraine et à accroître les dépenses de défense.

Si Friedrich Merz est un politicien expérimenté, pour avoir débuté sa carrière dans les années 1980 comme eurodéputé, il n'a jamais occupé de poste gouvernemental et devra donc prouver sa faculté à remplir la fonction de chancelier.

Quand, en 2002, il est sorti battu d'une lutte de pouvoir chez les conservateurs face à sa rivale Angela Merkel, il s'est éloigné de la politique, passant plus d'une décennie dans le secteur privé, avec notamment quatre années à la tête de l'antenne allemande de BlackRock.

Homme fortuné, avocat de formation, pilote amateur, il est considéré par beaucoup comme l'antithèse d'Angela Merkel, qui fut au pouvoir pendant 16 ans, autant au niveau du style que de ses priorités politiques.

La pragmatique Angela Merkel a orienté les conservateurs vers une position davantage centriste; Friedrich Merz, partisan du libéralisme économique, les a ramenés à droite.

Les soutiens du nouveau chancelier mettent en exergue le fait qu'il est parvenu à obtenir un plan historique d'investissement, pour renforcer les dépenses d'infrastructures et de défense, avant même d'être nommé.

Ses détracteurs disent y voir la nécessité de faire oublier sa décision erratique de faire adopter au Parlement une motion appelant à une politique d'immigration plus stricte, au côté du parti Alternative pour l'Allemagne (AfD), rompant le tabou de la coopération avec l'extrême droite.

Cela a servi les intérêts de l'AfD mais aussi de l'extrême gauche lors des dernières élections. Les deux partis disposeront ensemble d'assez de voix dans la nouvelle législature pour s'opposer à un assouplissement des restrictions sur l'endettement allemand.

En cas d'échec du prochain gouvernement, l'AfD, que plusieurs sondages récents place en tête des intentions de vote, sera en position de force pour accéder au pouvoir.

(Sarah Marsh, Andreas Rinke et Thomas Seythal; version française Jean Terzian, Tangi Salaün et Kate Entringer, édité par Blandine Hénault)