A Paris, la fermeture d'un centre d'impôts dans un quartier populaire inquiète les habitants
information fournie par AFP 20/05/2025 à 11:19

Dans le nord-est de Paris, un plan de réorganisation du fisc va aboutir à la fermeture d'un service d'impôts particulièrement fréquenté, au grand désarroi des usagers ( AFP / Fred TANNEAU )

"Il va falloir venir à 4h du matin?": dans le nord-est de Paris, un plan de réorganisation du fisc va aboutir à la fermeture d'un service d'impôts particulièrement fréquenté, au grand désarroi des usagers.

Capuche grise sur la tête et piercing au nez, Abdou Nael Belinga, étudiant de 20 ans en formation de carreleur, patiente adossé aux grilles encore closes d'un centre d'impôts du 19e arrondissement de Paris en pleine période de déclaration des revenus.

"Je préfère venir en personne, le site internet ça ne me donne pas trop confiance. Il faut donner ses identifiants bancaires, et je me suis déjà fait avoir avec des arnaques", justifie le jeune homme qui effectue sa première déclaration.

"Internet je n'y arrive pas, c'est des difficultés", abonde Sadio Sakho, un employé de la restauration de 53 ans qui attend juste devant lui.

Situé au coeur d'un quartier populaire de la capitale, au pied des voies désaffectées de la "petite ceinture", une ancienne ligne de chemin de fer qui faisait le tour de la Paris, les jours du centre d'Argonne sont comptés.

Abdou Nael Belinga, documents à la main, assure avoir dû rebrousser chemin à trois reprises, dont l'une à quelques mètres seulement de l'entrée car il était arrivé trop tard.

Ce centre, l'un des deux derniers du nord-est de Paris avec un autre site dans le 20e arrondissement, cessera d'accueillir les usagers à compter de 2027 et fermera définitivement ses portes en 2028.

D'ici là, les syndicats déplorent que l'accueil soit réduit depuis l'été à 3 matinées par semaine (8h45-12h45), dans un arrondissement qui compte plus de 180.000 habitants.

Abdou Nael Belinga est arrivé à 6h du matin: "mais si ça ferme et qu'il faut aller ailleurs, il va falloir venir à 4h!", se désole-t-il. A 45 minutes de l'ouverture, une longue file d'environ 150 personnes se garnit à vue d'oeil sur une cinquantaine de mètres.

- Attente -

A l'ouverture des grilles, un agent de sécurité assure un premier filtrage: oriente vers la boîte aux lettres pour les simples dépôts de déclaration, propose des chaises aux personnes âgées pour patienter, vérifie les sacs...

"Je suis arrivé à 8h, je ne pensais pas qu'il y aurait autant de monde", confesse Maurizio Fernandez, un Mexicain de 36 ans qui effectue sa première déclaration de revenus papier, dont l'échéance est fixée au 20 mai.

En France, il y a "beaucoup de formalités administratives (...) et ce n'est pas une bonne chose que les personnes aient moins accès à ce service, surtout quand on ne maitrise pas la langue", explique ce responsable de la cité universitaire de Paris qui s'exprime en espagnol.

"En 15 ans, on a perdu 40% de nos effectifs à Paris", déplore Grégory Carpentier, de Solidaires Finances publiques.

De nombreuses personnes "maitrisent mal la fiscalité, la langue, et c'est toujours plus facile d'avoir quelqu'un en face pour expliquer son problème", appuie Magali Pougnet, une autre responsable du syndicat.

La Direction générale des finances publiques (DGFiP) justifie la mesure par un nécessaire "regroupement de services", la "relocalisation de certaines activités au profit des villes moyennes, péri-urbaines ou rurales", et assure rester présente dans 10 arrondissements "centraux et périphériques".

- "Aiguillage" -

Si Maurine Ngassam, n'en est plus à sa première déclaration, elle estime avoir besoin d'un "aiguillage", elle qui cumule un emploi d'auto-entrepreneur avec ses études de philosophie.

"Ils envoient un fascicule pour nous guider, mais je n'y comprends pas grand chose", reconnait la jeune femme de 23 ans, des feuilles de papier plein les mains.

Depuis deux ans "la situation s'est dégradée, c'est vraiment la cata", juge Manuella Kamdom qui habite le quartier depuis dix ans et accompagne son fils pour sa première déclaration.

La fiscalité, "c'est hyper compliqué", dit-elle.

La fermeture: "je vais être grossière, c'est une vacherie", dénonce Léa, une sexagénaire qui n'a pas donné son nom.

"Les gens ont besoin de ça. Ils ont réduit les heures de réception du public, et là il vont fermer? C'est pas une bonne idée. Les petits papis là, est-ce qu'ils savent manipuler internet? Il faut penser à eux. Nous on peut se débrouiller, mais eux?", interroge l'aide soignante.