Si le tuteur peut effectuer certains actes seuls, d’autres sont soumis à l’autorisation du juge crédit photo : GettyImages
Devenir tuteur d'une personne majeure implique de lourdes responsabilités, avec des droits et des devoirs qu'il convient de bien connaître. Inventaire, compte annuel de gestion, décisions sur le patrimoine immobilier… Le point complet sur les modalités de la tutelle.
Sommaire:
- Mise sous tutelle: le juge désigne le tuteur et décide de la portée de la protection
- Tutelle: le tuteur gère le patrimoine dans le seul intérêt de la personne sous tutelle protégée
- Le tuteur commence par établir un inventaire et un budget prévisionnel
- Chaque année, le tuteur doit soumettre un compte de gestion
- Le tuteur doit veiller à la conservation du logement du majeur protégé
- Les tuteurs sont responsables de leurs fautes
Mise sous tutelle: le juge désigne le tuteur et décide de la portée de la protection
Placée sous la tutelle de son père depuis 2008 après une descente aux enfers, Britney Spears a obtenu, en novembre dernier, le droit de reprendre le contrôle de sa vie personnelle. La saga, suivie de près par des millions de fans de la chanteuse américaine, rappelle à quel point la protection juridique des personnes majeures est un domaine particulièrement complexe. En effet, il s'agit de restreindre les libertés d'une personne vulnérable et, en contrepartie, de donner un pouvoir à une personne chargée d'assurer sa protection et la préservation de ses intérêts.
En France, le juge des tutelles désigne le tuteur, alors appelé “le protecteur”. Souvent, le tuteur fait partie de la famille ou des proches de la personne protégée. Le juge décide également de la portée de la mesure de protection à apporter à la personne considérée comme vulnérable (sa santé, ses libertés fondamentales, ses droits civiques, sa vie privée comme le mariage, ses revenus et ses dépenses, son épargne, la gestion de ses biens immobiliers, son testament…). Le tuteur doit, autant que possible, veiller à rechercher la volonté et le consentement de la personne protégée en l'informant des actes effectués pour elle ou avec elle.
Tutelle: le tuteur gère le patrimoine dans le seul intérêt de la personne sous tutelle protégée
Le tuteur est donc amené à gérer le patrimoine de la personne protégée, mais cela se fait de manière très encadrée. En effet, selon l'article 496 du Code civil, le protecteur doit apporter “des soins prudents, diligents et avisés, dans le seul intérêt de la personne protégée”. Concrètement, il se doit de garantir le patrimoine de la personne protégée en préservant ses biens immobiliers et en effectuant les placements financiers les plus pertinents au regard de sa situation. Par ailleurs, le tuteur a pour mission de veiller à ce que la personne protégée dispose des ressources nécessaires pour vivre.
Le tuteur commence par établir un inventaire et un budget prévisionnel
Lorsqu'un tuteur est désigné, il doit procéder à un inventaire des biens de la personne protégée dans les trois mois de l'ouverture de la tutelle pour les biens meubles corporels. Cet inventaire doit se faire dans les six mois pour tous les autres biens. Dès lors, le tuteur peut obtenir tous les renseignements et documents nécessaires auprès de l'administration, des banques et des commerces. Ces derniers ne peuvent pas invoquer le secret professionnel ou bancaire et ont l'obligation de lui répondre de la manière la plus complète possible.
L'inventaire doit contenir une estimation des biens immobiliers et des biens mobiliers ayant une valeur supérieure à 1.500 euros. Il doit également comporter une description des meubles meublants, la désignation des espèces en numéraire et un état des comptes bancaires, placements ou autres valeurs mobilières. Cet inventaire doit être actualisé en cas de changement, comme une vente ou un héritage.
Établir un budget mensuel prévisionnel
Depuis la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le tuteur doit également établir un budget mensuel prévisionnel. Il doit le faire parvenir au greffe avec l'inventaire complet des biens de la personne protégée. Ce budget détermine les sommes annuellement nécessaires à l'entretien de la personne protégée (frais liés au logement, l'eau, l'électricité, l'alimentation, les assurances, les impôts et taxes, l'habillement, l'entretien du véhicule, les loisirs et vacances…) et au remboursement des frais d'administration de ses biens, en fonction de leur importance.
Chaque année, le tuteur doit soumettre un compte de gestion
Le tuteur établit et transmet chaque année un récapitulatif de la comptabilité (appelé compte de gestion) de la personne protégée au tribunal judiciaire ou de proximité. Ce dossier doit retracer toutes les opérations financières (ressources et dépenses) effectuées pendant l'année écoulée. Doivent également figurer les mouvements d'épargne, les ouvertures ou clôtures de comptes, les éventuelles ventes ou achat de biens immobiliers et de meubles corporels, comme une voiture ou un objet de valeur. Le budget annuel de gestion doit être accompagné de toutes les pièces justificatives les plus importantes, puisqu'il est soumis à vérification par le greffier (sauf si un subrogé tuteur ou un cotuteur a été désigné, auquel cas cette mission lui revient). Cette partie fastidieuse est probablement la plus chronophage pour le tuteur. Cependant, la procédure permet de s'assurer que le tuteur s'acquitte avec diligence de ses obligations et que les intérêts de la personne sous habilitation sont bien administrés et défendus.
À noter
Pendant toute la durée de la tutelle, le tuteur est tenu d'assurer la confidentialité du compte de gestion, y compris vis-à-vis des membres de la famille sauf si l'un d'eux en fait la demande auprès du juge et que celui-ci l‘accepte (ce qui est rare). Sinon, la famille pourra accéder aux éléments des comptes de gestion au moment du décès du majeur protégé.
Pour favoriser les tutelles familiales, il existe une exception concernant l'obligation de fournir un compte de gestion annuel. C'est le cas lorsque les revenus et le patrimoine de la personne protégée sont modestes.
Le tuteur doit veiller à la conservation du logement du majeur protégé
Le tuteur doit veiller à ce que le logement de la personne protégée soit conservé à sa disposition aussi longtemps que possible. Il en est de même pour ses meubles. Si le tuteur estime que son protégé devrait rejoindre un établissement spécialisé, il faut l'avis d'un médecin (non rattaché à cet établissement) et l'autorisation du juge. Dans tous les cas, les souvenirs, les objets à caractère personnel indispensables ou ceux destinés aux soins du majeur doivent être gardés à la disposition de l'intéressé, éventuellement par l'établissement qui l'accueille.
Tutelle: ce champ d'action du tuteur
Certains actes sont interdits, comme établir un contrat permettant de faire gérer les biens de la personne protégée par un tiers de confiance, acheter (ou louer) les biens du majeur protégé, retirer des titres, exercer un commerce au nom du majeur protégé, ou encore accomplir des actes emportant une aliénation à titre gratuit des biens ou des droits du majeur (hors donation) comme une remise de dettes. Ce contrôle a été renforcé pour éviter les dérives et les abus constatés dans le passé.
Parmi les actes qui requièrent l'autorisation du juge des tutelles (ou du conseil de famille s'il a été constitué), figurent les actes dits de disposition. Ces actes engagent le patrimoine de la personne protégée pour le présent ou l'avenir et peuvent avoir pour effet d'en diminuer ou d‘en augmenter sa valeur. Par exemple, vendre ou acheter un bien immobilier, contracter un emprunt bancaire, consentir une donation… En outre, la gestion d'un contrat d'assurance-vie nécessite l'autorisation du juge des tutelles. La vente de bijoux entre également dans le cadre des actes soumis à autorisation.
Le tuteur représente la personne protégée dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine. Pour cela, il peut accomplir seul certains actes: l'inventaire, les actes conservatoires et, sauf exceptions, les actes d‘administration, c'est-à-dire les actes nécessaires à la gestion courante du patrimoine sans incidence sur le patrimoine. Par exemple, la rédaction d'un formulaire administratif pour faire valoir des droits, une déclaration d'impôt sur le revenu, la souscription d'un contrat de mutuelle complémentaire … Depuis la réforme de la justice promulguée le 23 mars 2019, le tuteur peut effectuer de nouveaux actes seul, comme ouvrir un compte bancaire auprès de la banque du majeur protégé ou souscrire un contrat obsèques sur sa tête. L'objectif étant de permettre aux tribunaux de se focaliser sur leurs missions essentielles.
Les tuteurs sont responsables de leurs fautes
Totalement bénévole (sauf si le juge des contentieux de la protection ou le conseil de famille autorise le versement d'une indemnité dépendant alors de l'importance des biens gérés ou de la difficulté d'exercer la mesure), le rôle de tuteur représente une tâche lourde et parfois compliquée. Les tuteurs restent néanmoins responsables des fautes susceptibles de provoquer un dommage à la personne protégée (article 421 du Code civil), même si elles sont involontaires ou si elles relèvent de la simple négligence. En effet, les tuteurs doivent répondre des dommages et intérêts relevant de leur mauvaise gestion. Or, leur responsabilité civile ne peut être engagée puisqu'il s'agit de préjudices financiers et non pas matériels ou corporels. C'est pourquoi il est judicieux de souscrire un contrat d'assurance spécifique à l'activité de tuteur. En cas d'abus de confiance (un détournement de fonds, par exemple), la responsabilité pénale du tuteur pourra être engagée.
Les tuteurs familiaux peuvent hériter en cas de décès de la personne protégée
Au contraire, les membres de la famille d'un défunt, lorsqu'ils exercent des fonctions de tuteur (ou de curateur, mandataire dans le cadre d'une sauvegarde de justice ou d'un mandat de protection future), n'ont pas la qualité de mandataires judiciaires professionnels. Ils ne sont donc pas concernés par l'incapacité de recevoir à titre gratuit.
D'après la loi, les médecins, pharmaciens, médecins ou auxiliaires médicaux n'ont pas le droit de recevoir de donations ni de legs de la part des personnes protégées soignées pendant leur maladie. La règle est la même pour les mandataires judiciaires désignés par le juge lorsque personne ne peut être choisi dans la famille du majeur protégé.