Aller au contenu principal Activer le contraste adaptéDésactiver le contraste adapté
Fermer

REPORTAGE-USA 2024-Confrontés à la hausse du coût de la vie, nombre d'électeurs blâment les démocrates
information fournie par Reuters 28/10/2024 à 10:01

par Andrea Shalal

Elle a voté pour le démocrate Joe Biden en 2020 mais a choisi cette année de soutenir le républicain Donald Trump, avec pour raison majeure le prix élevé des produits alimentaires et des loyers immobiliers.

Tiesha Blackwell, 24 ans, vit au sud-ouest de Detroit, dans le Michigan - l'un des sept Etats considérés comme décisifs pour l'élection présidentielle américaine du 5 novembre. Elle dit avoir un meilleur emploi que par le passé mais déplore que le montant de son loyer a doublé à la suite d'un déménagement contraint, tandis que ses tickets de caisse au supermarché et ses factures d'énergie ont nettement grimpé.

"Je ne me trouve pas dans une situation plus défavorable qu'il y a quatre ans", dit-elle en marge d'un rassemblement de campagne des républicains à Detroit auquel participait le colistier de Donald Trump, le sénateur de l'Ohio JD Vance.

"Mais comparé à avant, les prix sont vraiment très élevés. Avant je payais 575 dollars, maintenant c'est 1.100 dollars simplement pour le loyer. Une livre de viande hachée était vendue 2,99 dollars, désormais c'est 4,99. Tout est plus élevé", détaille-t-elle.

Les économies développées ont envié le rebond post-COVID des Etats-Unis, avec une consommation solide ainsi que des investissements privés et publics pour soutenir l'économie face à la menace d'une récession. Les marchés boursiers se sont établis à des records, les salaires progressent, le taux de chômage est faible et l'inflation est redescendue sous les niveaux de janvier 2020 après avoir flambé en 2022.

Mais les prix des produits alimentaires, des services publics et de "plaisirs" tels que les sorties au restaurant ont dépassé de loin les niveaux pré-crise sanitaire de 2019, du fait de facteurs contre lesquels le gouvernement fédéral a des moyens limités: coûts de la main-d'oeuvre, manque de concurrence, problèmes dans les chaînes d'approvisionnement...

De nombreux Américains ne cessent d'être désagréablement surpris par les étiquettes de prix.

Cela pourrait expliquer pourquoi des électeurs dans les Etats dits "pivot" ("Swing States") - Arizona, Géorgie, Michigan, Nevada, Caroline du Nord, Pennsylvanie et Wisconsin - ont une vision négative de l'économie.

D'après une enquête d'opinion Reuters/Ipsos réalisée ce mois-ci, 61% des électeurs disent penser que l'économie est sur la mauvaise voie; 68% des sondés déplorent la trajectoire du coût de la vie.

La vice-présidente démocrate Kamala Harris et l'ancien président républicain Donald Trump ont proposé des remèdes différents. La première nommée veut lutter contre les surprofits et favoriser les aides aux familles, tandis que le second a promis de réduire les impôts et d'imposer des taxes sur les importations qui, selon lui, vont permettre de ramener la production sur le sol américain.

De nombreux économistes estiment que les droits de douane envisagés par Donald Trump, ainsi que les déportations de masse de migrants qu'il entend mettre en oeuvre, vont entraîner une hausse des prix des biens et services. Le plafond sur les prix des courses alimentaires voulu par Kamala Harris est une mesure jamais mise en oeuvre à l'échelle fédérale.

Reste que Donald Trump est vu par 46% des électeurs comme le candidat disposant de la meilleure approche de l'économie, contre 38% pour Kamala Harris, selon le sondage Reuters/Ipsos.

Parmi des spécialistes en économie, on dit comprendre la frustration des électeurs, sans forcément croire aux mêmes promesses.

"L'IMPRESSION QU'ON M'A VOLÉ"

"J'ai une compréhension de l'inflation meilleure que la moyenne, j'ai travaillé à la Fed, et pourtant je suis surpris de la manière dont l'inflation continue de me contrarier", dit Michael Strain, directeur des études de politique économique au centre conservateur de réflexion American Enterprise Institute, qui s'est montré par le passé sceptique à propos du projet de taxes douanières de Donald Trump.

"Quand j'entre dans un restaurant où je vais depuis des années et que (...) au lieu de 50 dollars, je paie 70 dollars, j'ai l'impression que quelqu'un m'a frappé au visage et a volé un billet de 20 dollars de mon portefeuille".

Tiesha Blackwell pense que Donald Trump a raison quand il affirme que des droits de douane sont indispensables pour limiter les importations et protéger les emplois aux Etats-Unis. "Oui, ça pourrait faire augmenter les prix pour les consommateurs, mais quelque chose doit être entrepris sur le long terme", dit-elle.

Le Michigan est toujours marqué par la perte de plus d'un tiers des emplois liés à l'industrie automobile depuis 1990. Donald Trump s'est imposé dans cet Etat lors de l'élection présidentielle de 2016, avant d'être devancé en 2020 par Joe Biden de moins de trois points de pourcentage.

Kamala Harris dispose d'une avance infime sur Donald Trump dans les intentions de vote locales, selon une compilation de sondages réalisée par FiveThirtyEight, alors même que sa compagne compte près de quatre fois plus d'employés (375) que la campagne Trump dans le Michigan.

En compagnie de l'ancienne élue républicaine Liz Cheney, la vice-présidente démocrate a effectué le 21 octobre un déplacement de campagne près de Détroit, à Oakland County. Elle s'est de nouveau rendue dans la région quelques jours plus tard en compagnie de l'ancienne première dame Michelle Obama.

Pendant des années, le taux de chômage dans le Michigan est resté bien supérieur à la moyenne nationale. Il est toutefois descendu l'an dernier à son plus faible niveau en deux décennies, l'emploi ayant notamment été soutenu par des projets fédéraux d'infrastructures.

"PRISME DÉTERMINÉ PAR LE QUOTIDIEN"

Ameshia Cross, une stratège démocrate, a déclaré que l'administration Biden méritait d'être saluée pour avoir créé des centaines de milliers de nouveaux emplois dans le Michigan et à travers le pays, mais que le coût élevé de la vie affectait toujours grandement les électeurs.

"Certaines choses que les gens ressentent, s'agissant de leur situation personnelle, ne se reflète pas dans les données sur l'emploi", dit-elle, citant notamment les inquiétudes à propos de l'impact des véhicules électriques pour l'industrie automobile locale, de l'immobilier et des prix alimentaires.

"Il n'est pas question du Dow Jones. Les gens regardent s'ils disposent de l'argent pour faire les choses qu'ils étaient en mesure de faire il y a quelques années à peine. La plupart vous diront qu'ils ne peuvent pas", poursuit-elle.

"La politique relève du personnel. Leur prisme est déterminé par ce qu'ils vont pouvoir faire au quotidien".

Devin Jones, 20 ans, étudiant qui réside à Flint, explique que ses parents - des vétérans de l'armée américaine - ont été contraints de quitter le Michigan et d'acheter une maison plus abordable à Goshen dans l'Indiana à cause de la flambée de l'inflation. Ils ont aussi abandonné le projet d'un voyage en Allemagne, où le jeune homme est né.

"C'est ridicule", dit-il à propos de la hausse du prix des oeufs, notamment. "Sous Trump, sous les précédentes administrations, ça allait. Les choses n'étaient pas trop chères".

Le mécontentement n'est toutefois pas généralisé.

Stu Billey, 43 ans, ouvrier de l'automobile dans le Michigan et ancien militaire, est rémunéré 40 dollars de l'heure avec son emploi syndiqué contre 16 dollars quelques années auparavant.

"Avoir un emploi syndiqué a considérablement amélioré ma qualité de vie. Je suis dans une bien meilleure situation, mais cela est dû à la négociation d'un contrat", dit-il, ajoutant moins ressentir la hausse des prix alimentaires grâce à son meilleur salaire.

S'il va voter pour Kamala Harris, après avoir soutenu Joe Biden en 2020, Stu Billey estime qu'il y a considérablement moins d'enthousiasme pour la vice-présidente que pour d'autres démocrates par le passé, tels Biden ou l'ancien président Barack Obama. "Voter et soutenir sont des choses différentes", dit-il.

(Reportage d'Andrea Shalal; version française Jean Terzian)

0 commentaire

Signaler le commentaire

Fermer

A lire aussi