par Andrew Gray et Lili Bayer
L'Otan ne reprendra pas à son compte l'objectif affiché par Donald Trump d'une hausse du budget de défense de ses pays membres à 5% de leur produit intérieur brut, jugé irréaliste, mais les pressions du futur président américain, ainsi que le contexte géopolitique, devraient l'inciter à relever ses ambitions, estiment analystes et responsables.
Le prochain locataire de la Maison blanche a réaffirmé mardi, lors d'une conférence de presse consacrée à sa politique internationale, sa volonté d'imposer aux alliés des Etats-Unis une forte hausse de leur contribution financière, l'un des mantras de son premier mandat (2017-2021), sous peine de les priver de la protection américaine.
L'Organisation du traité de l'Atlantique Nord s'en tient depuis dix ans à un objectif de 2% du PIB et aucun pays membre, y compris les Etats-Unis, n'atteint aujourd'hui les 5%.
Nul représentant des Etats membres ne se rallie d'ailleurs à cet objectif, impossible à tenir tant d'un point de vue politique qu'économique par la plupart des alliés, qui exigerait des centaines de milliards d'euros de financements supplémentaires.
L'Otan devrait toutefois, lors de son sommet programmé en juin prochain à La Haye, revoir à la hausse ses ambitions face aux exhortations de Donald Trump et aux menaces de la Russie.
La question reste de savoir quel sera ce nouvel objectif, et s'il sera suffisant pour satisfaire le milliardaire républicain.
Certains s'attendent à voir les 32 pays membres de l'Alliance convenir d'une nouvelle cible autour de 3% du PIB, ce qui représenterait déjà un effort considérable pour beaucoup d'entre eux.
"Il faut s'attendre à un changement", reconnaît le ministre de la Défense italien, Guido Crosetto, interrogé par Reuters. "Je ne pense pas que ce sera 5%, ce qui serait impossible pour à peu près n'importe quel pays au monde (...). Ce ne sera pas 2%, ce que nous avons déjà du mal à atteindre, mais plus que cela."
L'Italie, avec un budget militaire d'environ 1,5% du PIB, figure parmi les huit pays membres de l'Alliance sous la barre des 2%. La Pologne est le pays de l'Otan qui consacre la plus grande part de son produit intérieur brut à la Défense - 4,12% l'an dernier selon les estimations de l'Alliance. Elle est suivie par l'Estonie (3,43%) et les Etats-Unis (3,38%).
"SE DÉFENDRE AVEC MOINS D'AMÉRIQUE"
L'Otan a calculé que les dépenses militaires cumulées de ses Etats membres avaient totalisé l'an dernier 1.474 milliards de dollars (1.430 milliards d'euros), dont 968 milliards pour les Etats-Unis et 507 milliards pour les pays européens et le Canada. En pourcentage du PIB, la moyenne s'établit à 2,71%.
Pour certains responsables et analystes, Donald Trump affiche comme souvent un objectif maximaliste avant des négociations mais pourrait se contenter d'un objectif d'environ 3%, qu'il avait d'ailleurs évoqué en août dernier lors de sa campagne électorale, ce qui obligerait déjà la plupart des Etats membres à augmenter leur budget militaire d'environ 30%.
De nombreux pays européens ont fortement augmenté leurs investissements de Défense depuis la guerre en Ukraine mais se heurtent aux contraintes budgétaires, à leur opinion publique parfois aussi.
"Même si l'Europe continuait à ce rythme de croissance tout à fait extraordinaire - plus de 10% en termes réels en 2024 - cela prendrait encore dix ans de plus pour arriver à 3% du PIB", souligne Fenella McGerty, chercheuse à l'International Institute for Strategic Studies.
Depuis le premier mandat de Donald Trump, de nombreux Etats européens jugent que le continent devrait se donner les moyens d'être moins dépendant militairement des Etats-Unis.
La France et les républiques baltes plaident notamment pour un emprunt commun européen afin de financer les investissements militaires, ce à quoi l'Allemagne s'oppose pour l'instant.
"Les Européens doivent être capables de se défendre avec moins d'Amérique", estime Camille Grand, ancien secrétaire général adjoint de l'Otan pour l'investissement de défense.
Pour ce faire, ajoute-t-il, il faudrait qu'ils dépensent davantage pour développer des capacités que les Etats-Unis leur fournissent actuellement, en matière par exemple de ravitaillement en vol, de transport militaire aérien lourd ou de guerre électronique.
"Tout cela coûte beaucoup d'argent", résume Camille Grand, désormais chercheur au Conseil européen pour les relations internationales.
La libérale allemande Marie-Agnes Strack-Zimmermann, présidente de la sous-commission Sécurité et Défense au Parlement européen, reconnaît la nécessité d'une hausse des dépenses militaires mais refuse de fixer un chiffre arbitraire.
"Nous devons mobiliser beaucoup plus d'argent", dit-elle, "mais nous ne devons pas laisser Donald Trump nous rendre fous."
(Avec la contribution d'Angelo Amante à Rome, Isabelle Yr Carlsson à Copenhague et John Irish à Paris; Jean-Stéphane Brosse pour la version française)
0 commentaire
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer