Manque d'enseignants, de budget ou encore d'infrastructures... Les obstacles à une hausse marquée du nombre d'étudiants en médecine sont nombreux.

( AFP / FRANCOIS NASCIMBENI )
Pour lutter contre le développement des déserts médicaux, former plus de médecins est la solution la plus évidente. Mais augmenter le nombre d'étudiants n'est pas si facile et fait craindre à des responsables médicaux que la qualité de la formation n'en pâtisse.
"Je proposerai le 17 juin la suppression du numerus apertus" car "on ne forme pas suffisamment de médecins", avait lancé le ministre de la Santé, Yannick Neuder devant les urgentistes en congrès à Paris le 5 juin.
Le numerus apertus, c'est un "chiffre qui détermine le nombre d'étudiants qu'on va accepter en deuxième année de médecine ", "à partir d'objectifs pluriannuels" soupesés principalement "par les universités et les Agences régionales de santé (ARS)" résume pour l' AFP Lucas Poittevin, président de l'Association nationale des étudiants en médecine (Anemf). Voté en 2019, instauré à la rentrée 2020, ce numerus apertus a remplacé le numerus clausus, quota plus restrictif. La proposition de loi, portée à l'origine par Yannick Neuder, alors député Les Républicains, a été adoptée par l'Assemblée nationale en décembre 2023. C'est désormais le Sénat qui s'en empare à partir de mardi.
Ce qui fait tiquer Lucas Poittevin, c'est que l'accès en 2e année serait désormais calibré "en fonction des besoins de santé du territoire puis, seulement à titre subsidiaire, des capacités de formation". "Ça veut donc dire qu' on est prêt à accueillir plus d'étudiants que ce que les facultés sont en capacité d'accueillir , et donc par conséquent de rogner sur la qualité de la formation."
Selon la synthèse du Sénat, ce texte doit permettre "aux ARS et aux conseils territoriaux de santé (CTS) d' appeler une université à accroître ses capacités d'accueil , lorsque celles-ci ne correspondent pas aux objectifs pluriannuels qu'elle a arrêtés".
Universités "sous financées"
Aujourd'hui, "les universités sont déjà sous-financées, elles n'ont plus de fonds propres , et donc c'est compliqué de leur demander d'aller encore chercher dans leur budget", rétorque Lucas Poittevin.
"Ce n'est pas qu'on ne veut pas le faire, c'est que nous n'avons pas les moyens de le faire", insiste auprès de l' AFP Isabelle Laffont, présidente de la Conférence des doyennes et doyens de médecine. Le "chiffre clé", avance-t-elle, "c'est qu'entre 1996 et 2024, on a triplé le nombre d'étudiants en médecine et on a diminué de 3% le nombre d'enseignants-chercheurs". "Les 12.000 étudiants qu'on a actuellement dans nos promotions sont déjà face à des moyens insuffisants."
Et Lucas Poittevin pointe un risque de "manque de terrain de stages" : "Ce sont les étudiants à qui on va dire, 'ne venez en stage qu'un jour sur deux ou qu'une semaine sur deux pour que vous puissiez tous tourner'".
Les infrastructures, "notamment pour les stages, ne sont pas du tout adaptées pour accueillir beaucoup plus d'étudiants : quand on a beaucoup d'internes et d'externes dans un service, la qualité de la formation n'y est pas", renchérit auprès de l'AFP Anna Boctor, présidente du syndicat Jeunes Médecins.
Manque de stages
Killian L'helgouarc'h, président de l'Intersyndicale nationale des internes (Isni), décrit pour l' AFP des stagiaires "en train de se marcher un peu sur les pieds dans les CHU aujourd'hui". Pour lui, il faut "ouvrir les terrains de stage (en dehors des CHU et en dehors des grandes villes, NDLR) et ça veut dire aussi associer les élus locaux pour avoir des logements dans les territoires".
Pour "organiser ça, il faut acculturer les médecins qui actuellement n'ont pas d'étudiants en médecine à ce que c'est que former", rebondit Isabelle Laffont : "Il faut qu'on ait des administratifs pour nous aider à organiser ces mises en stage en périphérie".
"Plutôt qu'augmenter massivement le nombre d'étudiants en médecine, il faudrait se donner le temps d'une conférence nationale de santé qui réunisse toutes les parties prenantes et qui détermine jusqu'où il faut aller", développe-t-elle.
En début d'année, l'Ordre des médecins se demandait dans son état des lieux "si nous ne sommes pas en train de former trop de médecins", même si "cette question peut sembler contre-intuitive au vu" des déserts médicaux. "Au moins jusqu'en 2040, la population médicale devrait croître de 2% de médecins supplémentaires par an" en l'état des dispositifs déjà en vigueur, projette l'organisme, avec des études en médecine longues d'environ dix ans.
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