
( AFP / ADEK BERRY )
Entre l'américain Boeing et l'européen Airbus, l'avionneur chinois Comac veut se frayer un chemin, même si des freins ralentissent l'envol immédiat de son moyen-courrier, selon des experts.
Au salon aérospatial international du Bourget, qui a ouvert ses portes lundi au nord de Paris, l'entreprise publique Commercial Aircraft Corporation of China (Comac) présente des maquettes de ses appareils, dont le C919, le plus gros avion de transport de passagers produit en Chine.
Ce monocouloir est un concurrent potentiel de l'Airbus A320, l'avion le plus vendu au monde, et du 737 MAX de Boeing, avionneur dans la tourmente après plusieurs accidents mortels, dont le dernier est survenu la semaine dernière en Inde.
Avec la forte demande des compagnies aériennes pour les moyen-courriers, le C919 pourrait profiter d'un souffle favorable, estime Florian Aknin, qui couvre notamment le secteur aéronautique au sein du cabinet Roland Berger.
"Boeing et Airbus ont des difficultés pour augmenter les cadences de production au niveau espéré", dit-il. Dans ces conditions, "avoir un troisième acteur apporte une vraie solution à des compagnies aériennes qui ont des besoins assez urgents", souligne-t-il.
Toutefois, si le C919 effectue des vols commerciaux en Chine depuis le mois de mai 2024, son arrivée sur les tarmacs du monde entier ne va pas être immédiate, préviennent des spécialistes interrogés par l'AFP.
- Plusieurs difficultés -
Sur le stand de Comac, au Bourget, on indique qu'à ce jour, 20 appareils C919 ont été livrés au total. A titre de comparaison, Airbus produit quelque 45 avions A320 par mois, tandis que les autorités américaines ont plafonné la production du Boeing 737 MAX à 38 par mois à la suite d'un incident survenu en 2024 à bord d'un avion d'Alaska Airlines, qui avait perdu en vol un panneau de fuselage.
Comac est confronté à plusieurs difficultés. Il doit d'abord se faire certifier par les différentes autorités mondiales, un processus relativement long. Cela pourrait prendre trois à six ans, a récemment signalé le directeur exécutif de l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA), Florian Guillermet, dans un entretien à la Tribune.
Le C919 devra en outre disposer d'une logistique adaptée. "Lorsqu'une compagnie aérienne choisit un type d'appareil pour une partie de sa flotte, cela nécessite que tous les pilotes et personnels navigants soient qualifiés sur ce type d'appareil", explique Florian Aknin.
Il faut donc tout un écosystème - composé de personnel au sol pour entretenir la flotte, de pièces de rechange disponibles - qui met des années à être construit.
Enfin, Comac est fortement dépendant de l'étranger en matière technologique, ce qui le rend sensible aux questions géopolitiques. Selon un article du New York Times paru fin mai, Washington a ainsi suspendu la vente à l'avionneur chinois de certains produits et technologies.
D'après Pascal Fabre, partenaire chez AlixPartners et spécialiste du secteur aérospatial, Comac est très dépendant des fournisseurs occidentaux. Il s'agit de "50 à 70% de dépendance, soit directe – fourniture par des fournisseurs occidentaux – soit indirecte – avec des joint-ventures entre un fournisseur occidental et un acteur chinois", détaille-t-il.
"C'est le cas pour l'avionique, pour les trains d'atterrissage...", abonde Rémy Bonnery, expert du secteur chez Archery Strategy Consulting.
Toutefois, si ce spécialiste ne voit pas Comac concurrencer Boeing et Airbus dans l'immédiat, "l'entreprise apprend à structurer sa chaîne de sous-traitance et à réaliser une montée en cadence sur un objet aussi complexe qu'un avion de ligne, avec plusieurs millions de pièces à intégrer pour pouvoir fabriquer l'avion".
"Ils pourront en tirer le plein bénéfice, pas sur la génération actuelle d'appareils, mais plutôt en se projetant sur la prochaine génération", juge-t-il.
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