
Cinquante-cinq hommes ont été interpellés partout en France dans le cadre d'une vaste opération de démantèlement d'un réseau de pédocriminalité qui échangeait sur la plateforme Telegram ( AFP / - )
Cinquante-cinq hommes ont été interpellés partout en France entre lundi et jeudi matin dans le cadre d'une vaste opération de démantèlement d'un réseau de pédocriminalité qui échangeait sur la plateforme Telegram, au terme de dix mois d'enquête de l'Office des mineurs (Ofmin).
Les mis en cause, âgés de 25 à 75 ans, parmi lesquels un prêtre, un grand-père, un ambulancier, "des bons pères de famille", un professeur de musique ou des célibataires, échangeaient sur l'application de messagerie chiffrée.
Ils ont tous en commun d'avoir été en lien avec des pédocriminels "extrêmement dangereux", incarcérés depuis l'été dernier, a expliqué à l'AFP le commissaire Quentin Bevan, chef du pôle opérationnel de l'Ofmin.
Ces 55 hommes, qui ont des antécédents de pédopornographie, sont en contact avec des enfants, soit parce qu'ils ont des enfants ou des petits-enfants, soit qu'ils côtoient des enfants de par leur profession.
Pour certains d'entre eux, a-t-il ajouté, des "comparutions immédiates ont déjà eu lieu", pour d'autres, "les enquêtes seront longues pour matérialiser les faits".
Ainsi, selon un enquêteur, des mis en cause, qui se vantaient d'abuser d'enfants pendant leur sommeil, affirment ne pas être passés à l'acte. Un autre, niant tout acte délictuel, ne parvient pas à expliquer pourquoi il a acheté un string à une fillette de 8 ans de son entourage, poursuit cet enquêteur.
Les interpellations ont eu lieu dans 42 départements, a minima pour détention, diffusion, et consultation habituelle de contenus pédopornographiques concernant des enfants de "moins de dix ans".
Quarante-deux parquets sont concernés, le dossier n'ayant pas été centralisé à ce stade.
Cette vaste opération a eu pour point de départ l'arrestation l'été dernier par les policiers de l'Ofmin de pédocriminels qui agressaient des enfants et mettaient en ligne leurs méfaits sur Telegram. Ils sont mis en examen notamment pour traite d'êtres humains et encourent la perpétuité.
- "Repaire de pédocriminels" -
"Derrière ces abuseurs avérés d'enfants, il a fallu dix mois d'enquête pour parvenir à ce coup de filet. Dix mois d'infiltration de milliers d'échanges, d'analyse et de détection d'images pédos par une task force montée à l'Ofmin", a poursuivi le commissaire Bevan.
Pour Quentin Bevan, Telegram "reste toujours la plateforme privilégiée" et un "repaire de pédocriminels". S'il reconnaît des progrès dans la coopération entre l'application de messagerie et les enquêteurs depuis l'interpellation en août dernier au Bourget de son patron Pavel Durov, il considère que Telegram remplit "à peine le minimum de ses obligations légales" dans ce domaine.
Dans une déclaration à l'AFP, Telegram a assuré avoir "toujours respecté les lois de l’Union européenne, y compris le Digital Services Act", et avoir "systématiquement répondu à toutes les demandes judiciaires contraignantes depuis des années".
"La seule chose qui a changé après la mise en garde à vue de M. Durov en France, a ajouté la plateforme, c’est que les autorités françaises ont commencé à adresser correctement leurs demandes judiciaires à Telegram, conformément au Digital Services Act." Ce qui n'était pas le cas auparavant, a insisté la société.
Depuis l'arrestation spectaculaire de Pavel Durov à sa descente d'avion en vertu d'un mandat de recherche émis par des enquêteurs de l'Ofmin, l'Office a acquis une notoriété mondiale et son expertise dans la lutte contre la pédocriminalité est reconnue.
Le milliardaire russe de 40 ans, naturalisé Français en 2021, a été mis en examen fin août dernier pour une litanie d'infractions relevant de la criminalité organisée, la justice lui reprochant globalement de ne pas agir contre la diffusion de contenus criminels sur la messagerie.
Il est l'objet d'un contrôle judiciaire strict qui lui interdit de quitter la France sans autorisation des autorités. La justice a d'ailleurs récemment refusé d'accéder à sa demande de se rendre pour raisons professionnelles aux Etats-Unis, au motif que ce déplacement n'apparaissait "pas impérieux ni justifié".
Le modèle de Telegram repose sur la confidentialité. Les données personnelles des utilisateurs sont protégées et les échanges chiffrés. Selon plusieurs enquêteurs, la plateforme a fait des efforts ces derniers mois pour collaborer.
Mais depuis la fermeture de la plateforme Coco en juin 2024 après plusieurs affaires liées à de la pédopornographie, nombre de pédocriminels, note un enquêteur, ont migré sur Telegram.
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