par Justyna Pawlak
Les Polonais se rendront aux urnes dimanche à l'occasion d'une élection présidentielle dont le gouvernement pro-européen de Varsovie espère qu'elle relancera la dynamique démocratique dans le pays, tandis que l'opposition nationaliste y voit une chance d'engager la Pologne sur une voie inspirée par le président américain Donald Trump.
Les sondages donnent comme favori du scrutin le maire libéral de Varsovie et allié de la coalition au pouvoir, Rafal Trzaskowski, âgé de 53 ans, probablement à l'issue d'un second tour prévu le 1er juin.
Le conservateur Karol Nawrocki, 42 ans, boxeur amateur et historien soutenu par le parti d'opposition nationaliste Droit et Justice (PiS), arrive en deuxième position dans les sondages pour succéder à Andrzej Duda après deux mandats du président, du même camp que lui. Le candidat d'extrême droite Slawomir Mentzen, 38 ans, est annoncé troisième du scrutin.
Tous deux sont des partisans de Donald Trump et de son mouvement "Make America Great Again", en particulier de leur position anti-immigration et leur croisade contre les valeurs libérales "woke".
L'élection coïncide avec le second tour du scrutin présidentiel en Roumanie, où le candidat de l'extrême droite George Simion, lui aussi admirateur de Donald Trump, est donné favori dans un contexte de montée du nationalisme en Europe centrale, alimentée par les inquiétudes concernant le coût de la vie, l'immigration et la menace sécuritaire que constitue la Russie.
En Pologne, Rafal Trzaskowski semble en mesure de battre ses rivaux nationalistes, notamment grâce à un virage à droite visant à s'attirer les voix des conservateurs.
Il s'est engagé en cas de succès à travailler avec le gouvernement du Premier ministre Donald Tusk pour annuler les changements apportés au système judiciaire polonais sous l'impulsion du PiS, qui - selon l'UE et les opposants à ces réformes - ont fragilisé les contrôles et les équilibres démocratiques.
"DIFFICILE DE GOUVERNER AUX CÔTÉS D'UN PRÉSIDENT HOSTILE"
Le PiS a perdu sa majorité au profit de la coalition centriste de Donald Tusk lors des élections d'octobre 2023, après près d'une décennie au pouvoir, dans un contexte de mécontentement populaire lié à son bilan en matière de droits des femmes et des minorités.
Andrzej Duda a toutefois a utilisé son veto présidentiel depuis pour bloquer une grande partie des tentatives de réforme de Donald Tusk.
"Les enjeux de cette élection sont aussi importants que ceux du 15 octobre (2023)", a déclaré le Premier ministre au Parlement en avril. "J'espère donc une mobilisation (...). Il est difficile de gouverner aux côtés d'un président hostile, avec tous ces veto."
Le président polonais dispose d'un droit de veto sur les lois et occupe les fonctions de commandant en chef des armées mais ses pouvoirs exécutifs sont limités.
Alors que le conflit en Ukraine voisine entre peut-être dans sa phase finale après plus de trois ans de combats, Rafal Trzaskowski, Karol Nawrocki et Slawomir Mentzen ont tous trois mis en avant leur expérience de dirigeants en temps de guerre.
Chacun promet de continuer à soutenir Kyiv sur le plan militaire, mais leurs avis divergent quant à l'aide à apporter aux réfugiés ukrainiens.
Karol Nawrocki et Slawomir Mentzen s'opposent par ailleurs à une adhésion de l'Ukraine à l'Otan et soulignent que les intérêts de la Pologne en matière de sécurité sont liés à Washington, tandis que Rafal Trzaskowski souhaite que l'Union européenne joue un rôle plus important pour gérer le conflit et préserver la sécurité de l'Europe.
L'EXTRÊME DROITE PARLE DE "TOURISME MÉDICAL" DES UKRAINIENS
"Nous soutenons l'Ukraine dans ses efforts pour vaincre la Russie post-soviétique. C'est évident", a déclaré Karol Nawrocki lundi lors d'un débat télévisé. "Il est dans l'intérêt stratégique de la Pologne de repousser la menace néo-impérialiste de la Russie."
"En tant que président (...), je construirai l'alliance polono-américaine et je n'accepterai pas que l'UE devienne un substitut de l'Otan", a-t-il ajouté.
Faisant écho à la rhétorique de Donald Trump et cherchant à exploiter la lassitude croissante des électeurs, Karol Nawrocki et Slawomir Mentzen affirment que les intérêts des Polonais devraient primer sur ceux des réfugiés ukrainiens.
"Ils viennent d'Ukraine, s'inscrivent auprès des médecins, allongent les files d'attente, puis rentrent chez eux. C'est du tourisme médical que nous payons", a déclaré Slawomir Mentzen lors d'un événement de campagne en février.
Malgré une avance d'environ huit points sur Karol Nawrocki, Rafal Trzaskowski - que les sondages créditent d'un score d'environ 32% - pourrait avoir du mal à s'imposer en cas de second tour contre son rival du PiS, selon des observateurs.
Fils d'un musicien de jazz, Rafal Trzaskowski a eu du mal à séduire les électeurs des zones rurales, où Karol Nawrocki est souvent perçu comme comprenant mieux leurs difficultés liées au coût élevé de la vie et leur rejet de l'immigration.
"Nawrocki est tout simplement proche de mon cœur (...). Le sourire de M. Trzaskowski n'est pas du tout sincère", a déclaré Anna Cieslik, 38 ans, résidente de Garwolin, une petite ville située à l'est de Varsovie.
Le soutien dont bénéficie Karol Nawrocki s'est toutefois érodé ces dernières semaines à la suite d'allégations selon lesquelles il aurait menti sur sa déclaration de patrimoine et dissimulé un appartement acquis auprès d'un retraité vulnérable.
(Reportage de Justyna Pawlak, avec Anna Wlodarczak-Semczuk, version française Benjamin Mallet, édité par Blandine Hénault)
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