
Le Conseil Constitutionnel à Paris
PARIS (Reuters) - Le Conseil constitutionnel rend ce vendredi en fin de journée ses décisions sur la réforme des retraites, déterminantes pour l'avenir du texte controversé emblématique du début du second quinquennat d'Emmanuel Macron.
Les neuf "sages" de la rue de Montpensier doivent se prononcer sur la constitutionnalité de la loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2023, adoptée sans vote à l'Assemblée nationale le 20 mars, dont la mesure phare, le report de l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, est massivement contestée dans la rue depuis janvier.
Une douzième journée de mobilisation nationale à l'appel de l'intersyndicale a réuni jeudi 380.000 manifestants dans toute la France, dont 42.000 à Paris, selon le ministère de l'Intérieur.
Les syndicats affirment vouloir rester mobilisés quel que soit l'avis du Conseil constitutionnel, qui pourrait marquer un tournant dans leur long bras de fer avec l'exécutif.
"Si Emmanuel Macron était désavoué, ce qui est le scénario le moins probable, cela contrerait l'ensemble de son projet politique depuis 2016-17, ce serait un affaiblissement de ce qu'il a voulu être", analyse le politologue Bruno Cautrès, du Cevipof.
"Si les 64 ans sont validés, c’est aussi un tournant car il faudra qu’il reprenne la main d’une façon ou d’une autre, montrer qu'il est une personne de bonne volonté en envoyant des signes, avec une main tendue aux syndicats."
"UNE PAGE QUE NOUS DEVONS IMPÉRATIVEMENT TOURNER"
Selon plusieurs sources proches de l'exécutif, le président de la République devrait prendre la parole sous une forme qui reste à définir dans les jours qui viennent.
"C'est une page que nous devons impérativement tourner si on veut continuer", souligne une source gouvernementale.
Emmanuel Macron a dit mercredi son intention de rencontrer les partenaires sociaux pour "un échange qui constatera (...) des désaccords avec l'exécutif mais qui permettra aussi d'engager la suite".
Il n'est pas certain que cet échange soit plus constructif que celui récemment mené avec Elisabeth Borne, les syndicats continuant de demander le retrait pur et simple du texte.
La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a fait savoir vendredi sur BFM TV qu'"en fonction de la décision" des "sages", l'intersyndicale "appellera à de nouvelles actions".
L'examen par le Conseil constitutionnel marque la fin du "processus démocratique", a rappelé pour sa part la Première ministre.
"Je suis lucide sur la contestation d'une partie des Français sur cette réforme", a ajouté Elisabeth Borne, en déplacement en Eure-et-Loire sur le thème du pouvoir d'achat.
Elle a jugé "important" que des discussions s'engagent avec les partenaires sociaux "sur beaucoup de mesures prévues dans cette réforme : le maintien dans l'emploi des seniors, la meilleure prise en compte de la pénibilité, les carrières longues".
Signe des tensions sur ce dossier éruptif, les autorités ont interdit ce vendredi les manifestations autour de l'institution, dont l'entrée avait été bloquée la veille par des manifestants qui y ont déposé des poubelles.
CENSURE PARTIELLE
Le Conseil constitutionnel peut décider d'invalider le texte de loi dans son ensemble s'il le juge non conforme à la Constitution. C'est ce que réclament ses opposants qui mettent en cause le véhicule législatif - une loi de financement rectificative de la Sécurité sociale - choisi par le gouvernement pour limiter les débats au Parlement.
Il peut à l'inverse le valider entièrement, ouvrant la voie à la promulgation de la loi dans les 15 jours par le chef de l'Etat et à sa mise en oeuvre à partir de septembre.
Les opposants au texte donnent parfois l'exemple du président Jacques Chirac qui avait en 2006 promulgué la loi créant le Contrat premier embauche (CPE) mais décidé de ne pas l'appliquer face à l'opposition massive de la rue.
Autre hypothèse : une censure partielle du texte par les "sages" qui pourraient par exemple invalider la création d'un "index" et d'un CDI réservés aux seniors.
Le Conseil constitutionnel rendra par ailleurs un avis sur un projet de référendum d'initiative partagée (RIP) "visant à affirmer que l'âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans".
Si le RIP est validé, la proposition devra recueillir 4,8 millions de signatures dans les neuf mois et ne pas être examinée durant les six mois suivants par l'Assemblée nationale et le Sénat, pour être soumise à référendum.
"Si le Conseil constitutionnel valide le RIP, il y aura une épée de Damoclès pendant neuf mois, a déclaré à Reuters une source gouvernementale. "Il y aura de l'actualité, on va essayer d'avancer sur d'autres sujets. Et on ne sait pas où en sera la mobilisation dans neuf mois".
(Blandine Hénault et Elizabeth Pineau, édité par Matthieu Protard et Blandine Hénault)
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