
Le conservateur Friedrich Merz réagit au résultat du premier tour de scrutin des députés allemand lors d'une session au Bundestag, échouant ainsi à se faire élire chancelier, le 6 mai 2025 à Berlin ( AFP / RALF HIRSCHBERGER )
Le camouflet est historique: le conservateur Friedrich Merz est contraint mardi à un second tour de scrutin devant les députés allemands pour tenter de se faire élire chancelier, après un premier échec qui a provoqué la stupéfaction et plongé le pays dans une crise inédite.
Un tel échec pour un candidat chancelier est sans précédent dans l'histoire politique de l'Allemagne d'après-guerre. Il illustre la fragilité du dirigeant démocrate-chrétien et de la coalition avec laquelle il entend gouverner la première économie européenne, aux côtés des sociaux-démocrates, sous pression d'une extrême droite en plein essor .
Dans un scénario totalement inattendu, l'élu de 69 ans n'a pas obtenu au premier tour de scrutin la majorité requise des 630 élus du Bundestag, la chambre basse du parlement.
Après plusieurs heures d'incertitude, tous les groupes parlementaires, hormis l'extrême droite, se sont mis d'accord pour procéder à un deuxième tour à 15h15 (13h15 GMT).
Mais la partie n'est pas gagnée pour Friedrich Merz. Avec 310 voix pour et 307 voix contre, il lui a manqué 6 voix pour être élu au premier tour. Neuf députés étaient absents, 3 se sont abstenus et un vote a été déclaré invalide.
Ce vote à bulletin secret, qui devait n'être pour lui qu'une formalité, a tourné à l'humiliation publique, traduisant le déficit de confiance envers le futur dirigeant au sein même de la majorité composée des conservateurs (CDU/CSU) et des sociaux-démocrates (SPD).
Dans le système parlementaire allemand, ce sont les députés qui élisent le chef du gouvernement, à la suite des élections législatives.
- Instabilité -
Ce contretemps est "un camouflet" et "aura forcément un impact sur ses débuts en tant que chancelier et ensuite sur la période gouvernementale à venir. Et au niveau international aussi, ce n'est vraiment pas bon signe", a indiqué à l'AFP Claire Demesmay, professeure à la chaire Alfred Grosser de Sciences Po Paris et chercheuse associée au Centre Marc Bloch de Berlin.

Le chancelier allemand désigné Friedrich Merz (d) arrive à une réunion du groupe parlementaire après le premier tour de scrutin lors d'une session au Bundestag où le parlement devait élire le prochain chancelier allemand, le 6 mai 2025 à Berlin ( AFP / Tobias SCHWARZ )
Il affaiblit le futur gouvernement, attendu avec anxiété par l'Europe entière après des mois d'instabilité politique en Allemagne, d'abord avec la chute du gouvernement d'Olaf Scholz fin 2024, puis des élections législatives anticipées fin février, difficilement remportées par les conservateurs de Friedrich Merz.
Ces rebondissements pourraient aussi entraîner le report des premières visites du chancelier à l'étranger, prévues mercredi à Paris puis à Varsovie.
Friedrich Merz savait qu'il ne bénéficierait d'aucun état de grâce mais ne s'attendait pas à ce fiasco, comme l'a laissé transparaître son visage fermé, dans les travées de l'assemblée, à l'issue du vote.
Sur l'ensemble des forces de sa coalition, qui rassemble conservateurs et sociaux-démocrates, il est loin d'avoir fait le plein, avec 18 voix manquantes.
Il fait probablement les frais, dans son propre camp conservateur, de sa décision récente d'assouplir les règles budgétaires très strictes du pays pour pouvoir financer son vaste programme de réarmement et de modernisation du pays à hauteur de centaines de milliards d'euros.
De nombreux élus conservateurs s'en sont émus ces dernières semaines, faisant valoir que leur parti avait promis l'inverse durant la campagne électorale.
S'il ne devait à nouveau pas obtenir de majorité durant la deuxième phase de vote des députés, qui peut s'étaler sur deux semaines, une majorité relative des députés serait alors suffisante, au troisième tour, pour qu'il devienne chancelier.
- L'extrême droite en embuscade -
Dans le chaos ambiant, le parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD) a immédiatement réclamé de nouvelles élections.
"Nous sommes prêts à assumer la responsabilité gouvernementale", a déclaré Alice Weidel, dont le mouvement dépasse aujourd'hui dans certains sondages les conservateurs, après avoir déjà obtenu 20% aux législatives.

La codirigeante du parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD), Alice Weidel, s'adresse aux journalistes après le résultat du premier tour de scrutin pour élire le chancelier allemand, le 6 mai 2025 au Bundestag, à Berlin ( AFP / RALF HIRSCHBERGER )
Ces turbulences surviennent alors que l'Allemagne se trouve à un moment de bascule géopolitique, contrainte de s'affranchir de la tutelle militaire d'un allié américain devenu imprévisible et de réinventer son modèle économique.
Partisan d'un soutien sans faille à l'Ukraine, M. Merz a promis un nouveau "leadership" en Europe, qui passe par un resserrement des liens avec Paris mais aussi Varsovie.
Pour faire face à la menace russe, sa coalition veut poursuivre la remise à niveau de l'armée allemande. Mais aussi d'infrastructures essentielles comme les routes et les écoles, en mauvais état après des années de sous-investissement.
Sur le plan intérieur encore, Friedrich Merz entend faire reculer l'AfD en se montrant dur sur l'immigration.
S'il est finalement élu, son succès dépendra aussi de l'alignement des vues avec les alliés sociaux-démocrates.
Avec les portefeuilles des Finances, revenu à Lars Klingbeil, et de la Défense où reste le sortant Boris Pistorius, le parti social-démocrate a les moyens de peser sur la politique du prochain gouvernement.
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