Trois ans après le début de la guerre en Ukraine, les Européens continuent de consommer encore beaucoup de gaz russe, en particulier du gaz naturel liquéfié. Mardi 6 mai, la Commission européenne a proposé de mettre définitivement un terme aux importations de gaz russe d'ici fin 2027. Ce nouveau cap énergétique parait difficile à tenir, tant la dépendance du Vieux continent est encore importante.

( AFP / SEBASTIEN BOZON )
Pourquoi ce gaz est-il si important pour l'Europe?
En 2021, avant la guerre en Ukraine, 45% des importations de l'Union européenne de gaz (gaz gazeux acheminé par gazoducs et gaz liquéfié livré par navires) venaient de Russie, alors son premier fournisseur, selon des statistiques de l'UE.
L'Europe a depuis considérablement réduit sa dépendance à l'égard de Moscou avec le tarissement progressif des flux par gazoducs après l'invasion russe de février 2022, en réponse aux sanctions internationales.
Mais l'UE reste toujours accro au gaz en provenance de Russie, qui est encore son deuxième fournisseur, après la Norvège: l'an dernier, la Russie représentait 18% de ses importations de gaz par gazoducs et 20% de ses apports de GNL. Pour ce gaz liquide très prisé des Européens, la Russie arrive juste après les Etats-Unis (45% des importations de l'UE) .
"Nous savons tous qu'il reste encore beaucoup à faire", a souligné fin avril la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, qui ne veut plus "dépendre d'une puissance hostile pour notre approvisionnement en énergie".
Depuis la crise énergétique après la reprise post-Covid en 2021 et plus encore après le début de la guerre, l'Europe s'est massivement tournée vers le GNL, ce gaz déchargé dans des ports, regazéifié puis injecté dans le réseau européen de gaz: il représentait 37% des importations de gaz dans l'UE en 2024, pour 63% par gazoducs, d'après l'IEEFA, un centre de réflexion spécialisé.
L'Europe peut-elle se passer de la Russie?
Oui, mais pas immédiatement. Le marché du GNL, au coeur d'une compétition mondiale, est aujourd'hui tendu, faute d'offre suffisante alors que de nouveaux projets ne seront mis en service qu'en 2026 ou 2027. "D'ici à 2028, nous devrions entrer dans une phase d'offre excédentaire de GNL au niveau mondial", souligne auprès de l'AFP Jan-Eric Fähnrich, analyste chez Rystad Energy.
Alors vers qui se tourner? L'UE pourrait diversifier ses approvisionnements en important encore plus de GNL américain, espérant ainsi échapper à des taxes douanières du président américain Donald Trump.

États membres de l'Union européenne qui importent du gaz naturel liquéfié (GNL) russe et leurs autres principaux pays fournisseurs en 2024 ( AFP / Jonathan WALTER )
"L'Amérique du Nord et le Qatar augmenteront massivement leur capacité, mais l'Afrique entrera également de plus en plus en ligne de compte pour l'Europe, en particulier si le Mozambique parvient à apaiser certaines inquiétudes en matière de sécurité", explique Jan-Eric Fähnrich.
D'autres pays pourraient être sollicités sur le sol européen, comme la Norvège, premier fournisseur de tout le gaz livré à l'UE depuis la guerre (32% en 2024). "La Norvège a la possibilité d'étendre ses capacités de production de gaz naturel", assurait-on fin avril du côté du ministère français de l'énergie de Marc Ferracci.
Pourquoi est-ce compliqué pour l'UE?
Le sujet du gaz russe divise au sein des 27, à commencer chez certains Etats membres comme la Hongrie, ouvertement pro-russe. Et d'autres sont particulièrement dépendants de cette industrie du GNL: 85% des importations totales de GNL russe du continent en 2024 arrivent par la Belgique, la France et l'Espagne, selon l'Agence internationale de l'énergie.
L'idée d'un embargo sur le gaz russe, comme sur le pétrole russe, semble difficile car elle nécessiterait l'unanimité des 27. Une importante hausse des droits de douane sur toutes les importations de gaz russe (gazoducs et GNL) "pourrait être l'option la plus viable pour l'UE", estime Simone Tagliapietra, chercheur spécialisé des questions européennes à l'institut Bruegel.
En février, le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, a averti que si des sanctions venaient à frapper le champ gazier LNG Yamal en Sibérie, dans lequel le groupe détient une participation de 20%, "le prix du GNL grimpera(it) rapidement". Selon lui, les dirigeants européens ne souhaitent pas revivre "une nouvelle crise des prix en Europe". Pour Rystad energy, l'un des principaux écueils pour l'UE sera de voir comment "traiter les contrats existants avec Shell, Total, SEFE et Naturgy", des contrats de long terme plus difficiles à dénouer.
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