(corrige au §8 le montant des actifs sous gestion de Sycomore
AM)
* La révolution numérique peu visible dans les chiffres
macro
* Les marchés l'ont déjà prise en compte
* Des fonds dédiés, long only et long /short
par Marc Joanny
PARIS, 20 octobre (Reuters) - La révolution numérique n'en
est qu'à ses débuts et le processus de destruction créatrice qui
l'accompagne devrait redonner ses chances à des gestions actives
pénalisées par le succès croissant des fonds indiciels cotés.
Si cette révolution peine à se voir dans les statistiques
macroéconomiques, les investisseurs en ont pris la pleine
dimension comme l'illustre l'envolée des valeurs technologiques,
principal moteur derrière les pics récemment enchaînés par les
Bourses mondiales en général et Wall Street en particulier.
"C'est un processus de destruction créatrice, de nouvelles
entreprises émergent, dont certaines sont devenues énormes comme
les GAFA (NDLR pour Google GOOGL.O , Apple AAPL.O , Facebook
FB.O et Amazon AMZN.O ) mais pour l'instant nous n'avons pas
trop vu la destruction à part dans quelques secteurs très
impactés très tôt", a prévenu jeudi Maxime Alimi, responsable de
la stratégie d'investissement d'Axa IM lors d'une présentation.
"Potentiellement beaucoup de très grandes entreprises
d'aujourd'hui n'existeront plus dans dix ans parce qu'elles se
seront fait "disrupter' par de nouveaux entrants qui auront fait
mieux et différemment", a-t-il ajouté.
"Dans ces conditions nous pensons que la gestion active a sa
place, au sens où il est extraordinairement incertain de se dire
qu'il suffit de suivre la masse et investir dans des indices."
Pour lui, "les effets de dilution liés à la sortie
d'entreprises des indices et à leur remplacement par d'autres
vont être plus importants que d'habitude si vous êtes investis
passivement."
Certains gérants actifs ont intégré la révolution digitale
parmi leurs thèmes d'investissement tandis que d'autres ont créé
des supports d'investissement dédiés "long only" ou "long short"
pour exploiter dans ce dernier cas la perspective de gagnants et
de perdants de la transformation numérique.
Sycomore AM, dont les actifs sous gestion dépassent les 7,2
milliards d'euros, a fait de la transformation digitale l'un de
ses thèmes d'investissement privilégiés.
"Nous sommes très investis sur le secteur des entreprises
qui accompagnent la transformation digitale avec de grands
acteurs comme Capgemini CAPP.PA ou Sopra SOPR.PA mais
également de plus petits très réactifs comme Groupe Open
OPEN.PA ou Devoteam DVTM.PA ", a dit Stanislas de
Bailliencourt, gérant associé au sein de la société de gestion.
"Le processus de digitalisation n'est jamais fini, la
technologie évolue constamment et les entreprises doivent
toujours se remettre à jour", a-t-il ajouté.
"A côté de cela, nous investissons aussi dans des
entreprises plus traditionnelles dont nous pensons qu'elles ont
une bonne stratégie digitale qui leur permet par exemple dans un
secteur comme celui de la distribution de déployer une présence
omnicanal, à la fois au travers de magasins mais aussi online
avec des noms comme Maisons du Monde MDM.PA ou Fnac Darty
FNAC.PA ".
PLUS DE 15 CRITÈRES
Edmond de Rothschild Asset Management a de son côté lancé un
fonds long only dédié à la transition numérique et baptisé EDR
Fund Big Data, dont les encours dépassent les 215 millions
d'euros après un peu plus de deux ans d'existence.
"Tous les secteurs sont concernés par la transformation
digitale, ce qui permet d'offrir une forte diversification aux
investisseurs par rapport à des fonds technologiques", indique
Jacques Aurélien Marcireau, co-gérant du fonds, en distinguant
les secteurs qui ont déjà été impactés comme la distribution,
ceux qui commencent à l'être comme l'assurance et ceux qui le
seront demain comme la santé.
EDRAM a identifié une quinzaine de facteurs qui permettent
de "se faire une idée de l'effort d'une société pour mettre en
oeuvre sa transformation digitale", qu'il s'agisse du montant
des investissements en IT, du message du management sur cette
thématique en interne, de la présence de compétences dédiées au
sein du conseil d'administration ou encore des prises de
participation dans le non coté ou dans le coté.
"Sur les dépenses d'investissements en IT, nous faisons la
différence entre les dépenses de transformations et les dépenses
de maintenance, parce que maintenir un système IT obsolète peut
coûter très cher et dépenser beaucoup en IT n'est pas forcément
une bonne chose, si ce n'est pas pour se moderniser", a souligné
Jacques Aurélien Marcireau.
"L'analyse qualitative de la transformation digitale
complète l'analyse fondamentale, mais elle ne la remplace pas",
a-t-il ajouté.
EDR Fund Big Data, qui affiche une performance de 35% depuis
sa création fin août 2015, comprend 45 à 55 lignes avec des
valeurs technologiques comme le fabricant d'équipements de
stockage de données NetApp NTAP.O , le fabricant de puces
mémoires Micron Technology MU.O , le chinois Netease.com
NTES.O ou le français Criteo CRTO.O mais aussi plus
traditionnelles comme BMW BMWG.DE ou Schlumberger SLB.N .
Framlington Equities, la filiale de gestion active actions
d'Axa IM, a aussi lancé il y a un peu moins de deux ans un fonds
dédié à la robotique autour des thématiques de l'automatisation
industrielle, du transport autonome, de la santé et de la
technologie de support.
Le fonds, dont les actifs dépasse 2,3 milliards d'euros pour
une performance cumulée depuis le lancement de 36%, est
notamment investis dans des valeurs comme l'équipementier Valeo
VLOF.PA , le hollandais Philips PHG.AS repositionné en
quelques années sur les technologies de la santé pour plus de la
moitié de son chiffre d'affaires ou encore les spécialiste
nippons de la robotique industrielle Fanuc 6954.T ou Yaskawa
Electric 6506.T .
VIVENDI VS AXEL SPRINGER
Le fonds Long/Short Dynamix Digital Equity de Candriam vise
lui aussi à tirer parti de la tendance de fonds qui constitue la
pénétration du numérique dans de nouveaux marchés, de la banque
à l'industrie en passant par la distribution et l'automobile en
considérant qu'il y aura des perdants et des gagnants.
"Le fonds a pour but d'arbitrer les opportunités liées à la
digitalisation de l'économie, qu'il s'agisse d'opportunités
liées à des changements de modèles économiques ou à des
changement de processus de production", a dit Cesar Zeitouni,
responsable de la gestion Long/Short chez Candriam et gérant du
fonds, lors d'une récente présentation.
Le fonds, qui a collecté 50 millions d'euros depuis son
lancement, est orienté autour de trois stratégies. Des positions
long only, non couvertes, axées autour d'une dizaine de
champions de la digitalisation visent à profiter de la forte
croissance liée au digital avec des valeurs comme Google,
Salesforce.com CRM.N , Paloalto Networks PANW.N dans la
sécurité ou encore Iliad ILD.PA pour son positionnement sur le
très haut débit. Une dizaine de pair trades, une position à
l'achat et une position à la vente, visent à prendre position
sur un couple de valeur dont l'une va bénéficier de la
digitalisation tandis que l'autre va en pâtir ou a pris du
retard dans son adaptation à cette nouvelle donne. Enfin, le
fonds prend des positions à court terme destinées à tirer
profits de lancements de nouveaux produits ou à réaliser des
arbitrages sur des opérations de fusions-acquisitions.
Parmi les "pair trades" initiés par le fonds et dont la
durée est en moyenne d'un an, figurent notamment l'achat de
Vivendi VIV.PA et la vente d'Axel Springer SPRGn.DE , l'achat
de Capgemini et la vente de SAP SAPG.DE ou celui de Dassault
Systèmes DAST.PA contre celle de Sage SGE.L .
Dans le premier cas, l'achat de Vivendi est justifié par la
transformation en cours grâce au streaming et à l'évolution du
modèle de propriété intellectuelle et de tarification à la
consommation qu'il permet. Pour Cesar Zeitouni, le catalyseur
qui conduira le marché à réaliser le potentiel de valorisation
de Vivendi sera l'introduction en Bourse de la plateforme de
streaming musical Spotify. A l'inverse, la lenteur de
l'adaptation du groupe d'édition Axel Springer aux enjeux du
numérique se traduit par une position vendeuse.
Celle sur SAP s'explique par les conséquences négatives sur
les marges du groupe allemand des importants investissements
réalisés pour passer de la vente de logiciels à des services par
abonnements sur le cloud, encore illustrées par les résultats du
troisième trimestre.
L'industrie de la gestion est elle-même touchée de plein
fouet par la digitalisation. Mais pour Stanislas de
Bailliencourt, c'est là encore une opportunité pour la gestion
active.
"Nous voulons utiliser le digital pour mieux travailler,
mieux traiter l'information, détecter des signaux faibles émis
sur les réseaux sociaux afin de dégager plus de temps pour la
prise de décisions", a-t-il dit.
"Nous sommes convaincus que ce qui fera la différence dans
le monde de l'asset management de demain, qui sera très polarisé
entre d'un côté le low cost avec les fonds indiciels cotés et
l'offre standardisée des très grands asset managers et nous, ce
sera l'humain et la capacité de jugement sur l'information
disponible et sur sa pertinence."
(Marc Joanny, édité par Jean-Michel Bélot)