Aller au contenu principal Activer le contraste adaptéDésactiver le contraste adapté
Plus de 40 000 produits accessibles à 0€ de frais de courtage
Découvrir Boursomarkets
Fermer

Ukraine-Le casse-tête de la mobilisation face à la guerre d'usure
information fournie par Reuters 28/11/2023 à 12:38

par Olena Harmash et Tom Balmforth

Quand il s'est engagé dans les rangs des forces ukrainiennes en mars 2022, le mari d'Antonina Danylevitch était entouré de dizaines de compatriotes enthousiastes. Aujourd'hui, les files d'attente devant les bureaux de recrutement ont disparu.

Près de deux ans après le début de l'invasion russe, Antonina Danylevitch est envahie par un sentiment de lassitude. Cette responsable en ressources humaines, âgée de 43 ans, n'a vu son époux qu'environ 25 jours depuis son départ au front.

Lui, ancien chargé de cours à l'université devenu commandant de section, n'a pas vu grandir ses enfants. Il a assisté au mariage de son fils cette année sur son téléphone, de la ville en ruines de Bakhmout. Sa fille de 14 ans lui manque.

"Nous voulons la victoire de l'Ukraine, mais pas que ce soient les mêmes qui fassent des efforts. Je vois le besoin qu'ils ont d'être remplacés, de se reposer, mais pour je ne sais quelle raison, les autres ne comprennent pas", déclare Antonina Danylevitch.

Les femmes restées au foyer se sont endurcies, mais "à quel prix ?", interroge-t-elle.

Cet automne, Antonina Danylevitch a signé une pétition de 25.000 noms demandant au président Volodimir Zelensky d'annoncer un calendrier clair de recrutement des soldats, soulignant que la mobilisation ne peut être indéfiniment prolongée.

Deux manifestations sur le même thème rassemblant 50 à 100 personnes ont été organisées ces dernières semaines à Kyiv, illustrant l'épuisement croissant des proches des troupes ukrainiennes engluées sur une ligne de front quasi statique depuis des mois.

CORRUPTION

Pour les stratèges et le gouvernement ukrainiens, la nécessité de mobiliser des soldats en permanence se heurte à celle de conserver une main d'oeuvre suffisante pour soutenir l'activité économique.

Seuls les hommes ukrainiens âgés de 27 à 60 ans sont mobilisables. Les hommes âgés de 18 à 26 ans peuvent s'engager, mais uniquement sur la base du volontariat.

L'Ukraine, qui compte environ 45 millions d'habitants, dit avoir environ un million de soldats sous les drapeaux. Son programme de mobilisation, déclaré au début de l'invasion russe en même temps que la loi martiale, est maintenu secret. L'armée ne communique pas non plus sur ses pertes, estimées par les Etats-Unis à des dizaines de milliers d'hommes.

Ce mois-ci, le chef de l'armée ukrainienne Valeri Zaloujny a plaidé dans une tribune publiée par The Economist pour un renforcement des capacités matérielles des forces ukrainiennes afin de sortir du piège d'une guerre d'attrition, scénario selon lui idéal pour la Russie.

Il a également déploré des failles législatives permettant à des Ukrainiens de contourner l'ordre de mobilisation. "Nous essayons de corriger ces problèmes, a-t-il dit. "Nous devons étendre la catégorie de citoyens susceptibles d'être appelés."

Le processus de recrutement est largement ignoré du grand public. Des hommes sont stoppés dans la rue, le métro ou à des points de contrôle et se voient remettre l'ordre de gagner tel ou tel centre de recrutement.

Au cours de l'année écoulée, des images diffusées sur les réseaux sociaux d'hommes recrutés sous la menace ou la contrainte physique ont choqué l'opinion.

De nombreux Ukrainiens ont également été révoltés par des affaires de corruption dans les bureaux de recrutement, ce qui a incité Volodimir Zelensky à limoger tous les chefs de bureaux régionaux cet été.

Une semaine passe rarement sans l'annonce de poursuites engagées contre des fonctionnaires accusés d'avoir empoché 500 à 10.000 dollars pour fournir de faux papiers à des individus cherchant à éviter de partir au front.

Sur la rivière Tisa, frontière naturelle entre la Roumanie et le sud-ouest de l'Ukraine, les gardes-frontières disent avoir arrêté environ 6.000 personnes cherchant à fuir le pays. Dix-neuf d'entre eux au moins sont morts noyés, déclare un des gardes, Dyma Tcherevitchenko.

PRÉSERVER LES JEUNES ?

Pour remédier aux failles législatives, le Parlement ukrainien a commencé à examiner un texte qui empêcherait les hommes de plus de 30 ans de faire valoir leur niveau de diplôme pour échapper à la mobilisation.

Le nombre d'hommes âgés de plus de 25 ans s'étant inscrits à l'université durant la première année de l'invasion a augmenté de 55.000 par rapport à l'année précédente, a déclaré en septembre dernier le ministre de l'Education, Oksen Lisovyi.

Certains alliés occidentaux de Kyiv suggèrent aux autorités de recruter davantage de jeunes.

Ben Wallace, ministre britannique de la Défense jusqu'au mois d'août dernier, a estimé dans les colonnes du Telegraph que l'âge moyen des soldats ukrainiens était de 40 ans et qu'il était temps de "réévaluer l'échelle de la mobilisation".

"Je comprends le souhait du président Zelensky de préserver les jeunes pour le futur, mais le fait est que la Russie mobilise en cachette l'ensemble du pays", a-t-il ajouté.

Un député proche de Volodimir Zelensky, David Arakhamia, a promis récemment que le Parlement préparerait pour la fin de l'année un texte permettant d'améliorer les procédures de mobilisation et de démobilisation ainsi que des questions liées à "l'âge de la conscription".

En attendant, Antonina Danylevitch a rejoint un groupe sur la messagerie Telegram comprenant 2.900 personnes, épouses, mères, proches de soldats dont ils réclament la démobilisation.

"Beaucoup de femmes prennent des sédatifs et des tranquillisants", souligne-t-elle, décrivant chez elles un mode de résignation "très déprimé".

(Avec Charlotte Bruneau, Thomas Peter, Jean-Stéphane Brosse pour la version française, édité par Tangi Salaün)

2 commentaires

  • 28 novembre 15:07

    La fin est proche pour Zelinsk car l'Ukraine va entamer des discussions avec les Russes


Signaler le commentaire

Fermer