par Ece Toksabay et Mert Ozkan
Des réfugiés syriens ont fait la queue à la frontière turque mercredi pour rentrer chez eux, portés par l'espoir d'une vie meilleure, après que les rebelles ont renversé le régime du président Bachar al Assad, au pouvoir depuis 24 ans.
"Nous n'avons personne ici. Nous retournons à Lattaquié, où nous avons de la famille", a déclaré Mustafa alors qu'il s'apprêtait à entrer en Syrie avec sa femme et ses trois fils au poste-frontière de Cilvegozu, dans le sud de la Turquie. Des dizaines d'autres Syriens attendaient de passer.
Mustafa a fui la Syrie en 2012, un an après le début du conflit, pour échapper à la conscription dans l'armée de Bachar al Assad. Pendant des années, il a occupé des emplois non déclarés en Turquie, gagnant moins que le salaire minimum.
"Aujourd'hui, la Syrie est meilleure. Si Dieu le veut, nous aurons une meilleure vie là-bas", a-t-il déclaré, exprimant sa confiance dans les nouveaux dirigeants syriens tout en surveillant les affaires de la famille, des vêtements emballés dans des sacs et un poste de télévision.
La guerre civile, déclenchée après le soulèvement de 2011 contre Bachar al Assad, a tué des centaines de milliers de personnes et en a chassé des millions d'autres à l'étranger.
La Turquie, qui accueille trois millions de Syriens, a prolongé les heures d'ouverture du poste-frontière de Cilvegozu, près de la ville syrienne d'Alep, dont les rebelles se sont emparés à la fin du mois de novembre.
Un deuxième poste-frontière a été ouvert mardi à Yayladagi, dans la province de Hatay.
Avant le début de l'offensive éclair menée par les groupes rebelles, il y a deux semaines, environ 350 à 400 Syriens retournaient déjà quotidiennement dans les régions de Syrie tenues par les rebelles. Les chiffres ont presque doublé depuis, selon Ankara, qui s'attend à une recrudescence depuis le départ de Bachar al Assad.
La Turquie soutient les forces d'opposition syriennes depuis des années, mais a déclaré qu'elle n'était pas impliquée dans l'offensive rebelle qui a réussi à renverser le régime après 13 ans de guerre civile.
Une centaine de camions attendaient de franchir la frontière, transportant des marchandises, dont des dizaines de voitures d'occasion. Les forces de sécurité ont aidé à gérer le flux de personnes, tandis que des groupes d'aide humanitaire offraient des repas.
LES "NÔTRES" SONT DÉSORMAIS AUX COMMANDES
Dua, mère de trois enfants dont un bébé, est originaire d'Alep et vit en Turquie depuis neuf ans. Elle a travaillé dans des ateliers de textile et d'emballage à Bursa, mais elle retourne maintenant en Syrie en raison de l'expulsion de son mari.
"Je rentre pour mon mari. Il n'avait pas de papiers d'identité et a été expulsé alors que j'étais enceinte de huit mois. Je ne peux pas me débrouiller seule, alors je dois rentrer", a-t-elle déclaré.
"Mon mari n'a même pas encore rencontré notre bébé. Je suis née et j'ai grandi à Alep, et j'élèverai mes enfants là-bas aussi."
Ailleurs, Haya attendait d'entrer en Syrie avec son mari et ses trois enfants. Ils vivent dans un camp de conteneurs situé à proximité depuis que les tremblements de terre dévastateurs de février 2023 ont tué plus de 50.000 personnes en Turquie et en Syrie.
"Nous avions de bons voisins et de bonnes relations, mais un conteneur n'est pas une maison", a déclaré Haya en réconfortant son bébé de six mois, tandis que sa fille traduisait ses propos en arabe.
Le nouveau Premier ministre intérimaire de la Syrie a déclaré qu'il souhaitait faire revenir les millions de réfugiés syriens, protéger tous les citoyens et fournir des services de base, tout en reconnaissant que cela serait difficile car le pays, longtemps soumis à des sanctions, manque de devises étrangères.
Parmi les forces rebelles qui ont mis fin à plus d'un demi-siècle de règne dynastique et brutal de la famille Assad, figure notamment le Hayat Tahrir al Cham (HTC), groupe musulman sunnite précédemment affilié à Al Qaïda et qualifié d'organisation terroriste par les États-Unis et les Nations unies. Mustafa a exprimé sa confiance dans les nouveaux dirigeants après la chute du régime du Bachar al Assad.
"Ceux qui ont pris le pouvoir ne sont pas des étrangers. Ils ne sont pas venus des États-Unis ou de la Russie. Ce sont des gens de chez nous. Nous les connaissons", a-t-il déclaré.
(Reportage Ece Toksabay, Mert Ozkan et Dilara Senkaya ; rédigé par Daren Butler ; version française Vîlcu ; édité par Augustin Turpin)
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