Aller au contenu principal Activer le contraste adaptéDésactiver le contraste adapté
Plus de 40 000 produits accessibles à 0€ de frais de courtage
Découvrir Boursomarkets
Fermer

Sur un navire-ambulance en Méditerranée, les rêves et les drames des migrants
information fournie par AFP 24/05/2024 à 08:55

Un migrant bangladais observe le coucher du soleil depuis le pont principal du navire-ambulance Ocean Viking, le 21 mai 2024.  ( AFP / Clément MELKI )

Un migrant bangladais observe le coucher du soleil depuis le pont principal du navire-ambulance Ocean Viking, le 21 mai 2024. ( AFP / Clément MELKI )

On y côtoie l'urgence, la joie et l'abattement, les espoirs envolés et les rêves d'avenir: le pont du navire-ambulance Ocean Viking est le témoin de l'odyssée périlleuse de migrants franchissant la Méditerranée en quête d'un avenir meilleur en Europe.

- "Staying alive" -

L'organisation, sur l'Ocean Viking, est réglée comme du papier à musique. Peu de place à l'improvisation. Un grain de sable, au cours d'un sauvetage, peut compromettre la sécurité des migrants comme des 25 membres d'équipage.

08H15. Mar, coordinatrice des recherches et des secours, réunit l'équipe. "Où sont les extincteurs les plus proches?", interroge-t-elle, guettant une réponse alerte. Avant chaque patrouille, l'ONG SOS Méditerranée, qui affrète le navire depuis 2019, multiplie les simulations grandeur nature.

Agenouillée sur le plancher en bois, Rita, sage-femme portugaise, rappelle les gestes qui sauvent au rythme de "Staying Alive", tube phare des Bee Gees qui correspond au rythme idéal d'un massage cardiaque.

- Ombre et lumière -

Des migrants du Bangladesh sont pris en charge par les équipes de l'ONG SOS Méditerranée à bord du navire-ambulance Ocean Viking à la suite d'une opération de sauvetage au large de Malte, le 20 mai 2024. ( AFP / Clément MELKI )

Des migrants du Bangladesh sont pris en charge par les équipes de l'ONG SOS Méditerranée à bord du navire-ambulance Ocean Viking à la suite d'une opération de sauvetage au large de Malte, le 20 mai 2024. ( AFP / Clément MELKI )

L'aube point. 35 migrants Bangladais viennent d'être secourus sur un misérable esquif, entre Malte et la Sicile. Jeunes pour la plupart, choqués, trempés et grelotants, ils débarquent sur le pont à l'aide d'une échelle de coupée. Un homme au teint blafard, les yeux mi-clos, est recroquevillé sous une couverture de survie.

Après quelques heures de sommeil, les rescapés reçoivent une ration de nourriture. Le riz chaud fume sous les bâches en plastique. "You are safe" ("vous êtes en sécurité"), rassure un panneau en plusieurs langues. Une affiche de la Croix-Rouge informe sur les démarches pour retrouver un proche.

Au sol, la peinture décatie d'une marelle rappelle les nombreux enfants passés sur cette route migratoire meurtrière.

- Terrain éphémère -

"Eka, Dui, Tina": pour communiquer avec les nouveaux venus, Sana, membre de la Croix-Rouge et du Croissant rouge, griffonne au stylo noir des rudiments de bangala, guidée par Mohammad, l'un des seuls anglophones. Un attroupement les entoure aussitôt. Le lendemain, debout devant un tableau blanc, elle endossera le rôle de professeur d'italien, atout précieux dans une demande d'asile.

Des migrants originaires du Bangladesh jouent au basket-ball à bord du navire-ambulance Ocean Viking affrété par l'ONG SOS Méditerranée, le 22 mai 2024. ( AFP / Clément MELKI )

Des migrants originaires du Bangladesh jouent au basket-ball à bord du navire-ambulance Ocean Viking affrété par l'ONG SOS Méditerranée, le 22 mai 2024. ( AFP / Clément MELKI )

Les activités proposées par l'équipage ressemblent à un exutoire pour oublier les traumatismes et tuer le temps, courte parenthèse d'insouciance entre l'enfer libyen et un avenir incertain en Italie.

Le temps d'un match de basket-ball, le pont se mue en terrain de jeu. On crie, on saute, on s'enlace. D'autres dessinent aux crayons de couleur ou font glisser des pions sur des plateaux en bois.

Devant une carte de l'Europe, deux jeunes, la vingtaine, pointent du doigt l'Italie en confiant leur rêve d'y travailler pour nourrir leur famille, restée dans leur pays natal rongé par la pauvreté.

- "Redonner une place" -

Des cordes à linge surplombent un imposant tas de vêtements. Les mains dans une bassine, les Bangladais font mousser dans de l'eau savonnée les vêtements qu'ils portaient au moment du sauvetage, unique vestige de leur vie passée.

Bientôt, un bruissement se distingue derrière les vibrations du moteur: l'atelier "coiffure" bat son plein à l'arrière du pont. Munis de tondeuses et de ciseaux, des jeunes s'appliquent pour tailler la barbe de leurs compagnons.

Des migrants originaires du Bangladesh participent à un atelier de coiffure à bord du navire-ambulance Ocean Viking, le 21 mai 2024. ( AFP / Clément MELKI )

Des migrants originaires du Bangladesh participent à un atelier de coiffure à bord du navire-ambulance Ocean Viking, le 21 mai 2024. ( AFP / Clément MELKI )

Un jour, un coiffeur professionnel a même toiletté l'ensemble de l'équipage, jusqu'au capitaine, raconte Daniel Auerbacher, chef des opérations. "C'est aussi une manière de lui redonner sa place".

Au soleil couchant, accoudé sur le bastingage, Siam confie avec retenue l'assassinat de son père par un voisin crapuleux qui l'a jeté sur la route de l'exil.

Sojib, un jeune migrant du Bangladesh, tient un bateau en papier qu'il a fabriqué, à bord du navire-ambulance Ocean Viking affrété par l'ONG SOS Méditerranée, le 21 mai 2024. ( AFP / Clément MELKI )

Sojib, un jeune migrant du Bangladesh, tient un bateau en papier qu'il a fabriqué, à bord du navire-ambulance Ocean Viking affrété par l'ONG SOS Méditerranée, le 21 mai 2024. ( AFP / Clément MELKI )

Sojib offre un bateau en origami qu'il a fabriqué à Caterina, médecin italienne à bord, en guise de remerciement. Une main sur le cœur se substitue aux mots.

Le débarquement approche. Un par un, chacun emporte son kit: une simple couverture grise, un survêtement et un sac en bandoulière. Les embrassades sont pudiques mais sincères. "We will miss you" ("Vous nous manquerez"), glissent certains, émus.

Sur la passerelle, avant de s'engouffrer dans les fastidieuses démarches des autorités italiennes à quai, ils jettent un dernier regard à l'Ocean Viking.

0 commentaire

Signaler le commentaire

Fermer