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REPORTAGE-Encore Erdogan ? Les électeurs turcs demandent à être entendus après le séisme
information fournie par Reuters 10/05/2023 à 07:51

        * 
      Le double séisme de février a fait 50.000 morts, des
millions de
sans-abri
    

        * 
      A Antioche, difficile retour à un semblant de normalité
    

        * 
      La catastrophe a amplifié le défi électoral d'Erdogan
    

        * 
      Les autorités critiquées après le séisme, l'électorat
polarisé
    

        * 
      La région du séisme est un bastion traditionnel du parti
d'Erdogan
    

  
    par Daren Butler et Bulent Usta
       ANTIOCHE, Turquie, 9 mai (Reuters) - Sous une chaleur
étouffante, au milieu des tentes érigées pour les rescapés du
tremblement de terre de février en Turquie, Bahattin Kar émerge
de son abri de fortune pour se plaindre du manque d'électricité
et d'eau, ainsi que de la distribution inéquitable des aides,
dans un contexte de flambée du coût de la vie.
    Mais l'homme âgé de 54 ans demeure loyal au président Recep
Tayyip Erdogan à l'approche, dimanche, des élections
présidentielle et législatives qui s'annoncent comme le plus
important défi électoral pour le dirigeant au pouvoir depuis
deux décennies.
    "Si Erdogan remporte l'élection, alors ces problèmes seront
résolus. Mais s'il ne gagne pas, malheur à ces personnes",
dit-il dans ce camp de rescapés à Antioche, ville du sud du pays
la plus touchée par le puissant double séisme qui a fait plus de
50.000 morts en Turquie et laissé des millions de personnes
sans-abri.
    Les entretiens réalisés par Reuters avec une dizaine
d'électeurs à Antioche ont mis en exergue la colère à l'égard de
ce que certains dénoncent comme la réponse tardive du
gouvernement à la catastrophe. 
    Il semble toutefois que cela n'ait pas affecté leurs
intentions de vote pour les scrutins de dimanche.
    Ces témoignages constituent un petit aperçu de l'humeur à
Antioche et, plus largement, dans le sud du pays qui est un
bastion traditionnel du Parti de la justice et du développement
(AKP) de Recep Tayyip Erdogan. 
    Ils s'inscrivent dans la lignée de certains sondages qui
montrent que la catastrophe a exacerbé les divisions dans une
Turquie polarisée entre les pro et les anti-Erdogan.
    D'après Ozer Sencar, de l'institut de sondage Metropoll, la
cote de popularité de l'AKP, qui avait chuté sous les 33% en
février, est revenue en avril à des niveaux pré-séisme, aux
alentours de 40%. Seuls 4,3% des électeurs interrogés le mois
dernier ont dit considérer le séisme comme le plus important
problème dans le pays, alors que l'économie préoccupe
particulièrement dans un contexte d'inflation élevée.
    Les enquêtes d'opinion laissent pour la plupart augurer d'un
second tour de l'élection présidentielle le 28 mai entre Recep
Tayyip Erdogan et son rival Kemal Kiliçdaroglu, candidat d'une
alliance formée par plusieurs partis d'opposition.
    
    LES PELLETEUSES TOUJOURS À L'OEUVRE
    Un sondage réalisé cette semaine par MAK crédite Kemal
Kiliçdaroglu de plus de 50% des intentions de vote, soit au-delà
du seuil nécessaire pour remporter le scrutin dès le premier
tour, contre 45,4% pour Recep Tayyip Erdogan, dont la principale
promesse électorale est de reconstruire les zones détruites par
le double séisme.
    Seda Demiralp, à la tête du département des relations
internationales de l'université Isik, à Istanbul, estime
pourtant que la catastrophe de février n'aura pas d'impact
majeur sur les élections, contrairement à la crise économique
qui est beaucoup plus défavorable au pouvoir en place.
    "Je ne pense pas que cela fasse baisser les votes de manière
significative pour le président sortant, mais peut-être
pourrait-on dire que cela les a empêchés de croître", dit-elle.
    Jadis animées, les rues d'Antioche sont désormais
majoritairement vides, alors que les habitants de la ville qui
n'ont pas fui vivent actuellement comme des réfugiés, dans des
tentes ou des cabines de conteneur, et sont contraints de
prendre place dans de longues files d'attente pour obtenir des
aides ou des réponses des services publics.
    Le bruit des pelleteuses résonne toujours, 80 à 90% des
bâtiments considérés comme endommagés par les secousses étant en
phase de destruction.
    Seule la réouverture d'un petit nombre de commerces et de
restaurants dans le quartier historique du bazar d'Antioche
donne un semblant de retour à la vie normale, tandis que
l'administration locale s'est installée dans le bâtiment d'un
lycée.
    La ferveur des précédentes campagnes électorales dans la
ville a laissé place à un manque d'enthousiasme, compréhensible
au regard des circonstances, même si les partis politiques
continuent de démarcher les quelque 350.000 électeurs.
    Parti au pouvoir et opposition proposent des lectures très
différentes de la réponse gouvernementale au double séisme. 
    "Notre président a un lien très fort avec notre nation, un
lien au-delà du charisme", a déclaré à Reuters un élu de l'AKP,
Abdulkadir Ozel, alors que des habitants se rassemblaient autour
de lui pour l'écouter.
    "Il y a une grande confiance dans sa capacité à réaliser ce
qu'il a promis", a-t-il ajouté à propos de Recep Tayyip Erdogan,
depuis une mosquée située dans un village au nord d'Antioche.
    
    "PAS PRÊTS DU TOUT POUR LES ÉLECTIONS"
    Kerem Nalbant, candidat du parti pro-kurde, n'est pas du
tout d'accord, comme il l'a dit dans un discours devant
plusieurs dizaines de personnes à l'ouest de la ville. "Le
sentiment général est que le gouvernement nous a laissé tomber.
Il n'a pas agi en temps opportun pour secourir les gens. Cela a
provoqué une grave accumulation de colère", a-t-il affirmé.
    Alors que l'AKP est traditionnellement dominateur dans les
11 provinces affectées par le double séisme, le Parti
républicain du peuple (CHP) de Kemal Kiliçdaroglu dispose d'un
fort soutien dans le sud de la province de Hatay, où se trouve
Antioche. Lors des législatives de 2018, l'AKP avait remporté
cinq sièges à Hatay, contre quatre pour le CHP.
    Autre résident du camp de rescapés dans le centre
d'Antioche, Ertan Genc dit aussi soutenir Recep Tayyip Erdogan
et croire en sa promesse de construire de nouvelles habitations
dans un délai d'un an.
    "Notre chef va gagner. Et tant que notre chef sera en vie,
le monde entier, tous les citoyens turcs, seront toujours avec
lui", martèle l'homme de 48 ans.
    Sur la rive orientale de l'Oronte, dans le quartier
historique d'Antioche, Hikmet Guzel ne croit pas que ces
déclarations publiques reflètent la réalité. Le poète âgé de 63
ans pense que les électeurs vont sanctionner dans les urnes ceux
qu'ils jugent responsables de la réponse insuffisante au séisme.
    "Il y a un gouvernement au pouvoir depuis 21 ans. Et nous
avons été abandonnés", rappelle-t-il. "Si les gens disent qu'on
ne les aide pas, c'est qu'il est temps de changer et d'essayer
un nouveau parti."
    Nombreux sont ceux, à Antioche, qui s'accordent toutefois
sur un point: les élections ne sont pas leur priorité, alors
qu'ils se préoccupent avant tout de leur survie quotidienne.
    "Nous avons besoin d'une aide de l'Etat parce qu'il n'y a
aucune autre branche à laquelle se raccrocher", souligne Cuneyt
Ofkeli, représentant local qui a oeuvré à vérifier les listes
électorales et à écouter les préoccupations des habitants au
milieu des décombres.
    "Comme nous, des milliers de personnes ne sont pas prêtes du
tout pour les élections."

 (Reportage Daren Butler, Bulent Usta et Umit Bektas; version
française Jean Terzian, édité par Tangi Salaün)

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