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Poutine soutient l'économie russe avec l'effort de guerre après une "décennie perdue"
information fournie par Reuters 14/03/2024 à 17:52

Durant la campagne pour la
précédente élection présidentielle en Russie en 2018, Vladimir
Poutine avait promis "une percée décisive" pour l'amélioration
du niveau de vie de ses concitoyens. Six ans plus tard, alors
qu'il devrait obtenir dimanche un cinquième mandat, le président
russe recycle ses vieilles promesses mais avec des échéances
repoussées.
    Dans son discours annuel à la nation le mois dernier,
Vladimir Poutine a promis plus de 11.500 milliards de roubles
(116 milliards d'euros) de dépenses dans des domaines allant des
aides pour les emprunts immobiliers et des allègements fiscaux
en faveur des jeunes parents à des investissements d'ampleur
dans les infrastructures publiques.
    Il a mis en avant le fait que la Russie avait connu l'an
dernier une croissance économique plus vigoureuse, de 3,6%, que
chacun des pays du G7 l'ayant frappée de sanctions depuis son
invasion de l'Ukraine en février 2022.
    D'autres indicateurs brossent toutefois un tableau plus
sombre de la situation du pays.
    L'économie russe, tournée vers l'effort de guerre avec des
usines d'armement fonctionnant aux trois-huit, est confrontée à
une pénurie de main-d'oeuvre, un déclin démographique et une
faiblesse de la productivité et des investissements.
    La percée promise en matière de niveau de vie ne s'est pas
concrétisée. Les revenus réels ont certes progressé de 7,6%
depuis l'engagement présidentiel de 2018 mais ils demeurent très
légèrement en-deçà de leur niveau de 2013.
    "En ce qui concerne nos revenus, 2014-2023 peut sans
hésitation être qualifiée de décennie perdue", écrit Evguéni
Souvorov, économiste chez CentroCreditBank.
    D'après une enquête commandée par la banque centrale de
Russie publiée en février, 28% des personnes interrogées disent
ne pas avoir suffisamment d'argent pour se nourrir correctement
ou pouvoir acheter de la nourriture mais pas des vêtements ou
des chaussures.
    L'inflation ces dernières années a accéléré à un rythme
nettement supérieur à l'objectif de 4% de la banque centrale
(8,4% en 2021, 11,9% en 2022 et 7,4% en 2023) tandis que les
taux d'intérêt atteignent 16%.
    L'augmentation du prix des oeufs a ainsi amené, fait rare,
Vladimir Poutine à présenter des excuses en décembre. Dans ses
publications depuis le début de l'année, l'institut national de
la statistique Rosstat a commencé à parler de prix qui
"évoluent" plutôt que "augmentent".
    
    LE FONDS SOUVERAIN MOBILISÉ
    Le coût de la guerre pèse sur le budget de l'Etat, dont un
tiers est désormais consacré à la Défense, et il a contraint le
gouvernement à puiser près de 6.500 milliards de roubles ces
deux dernières années dans le fonds souverain russe.
    Vladimir Poutine a laissé entendre ces deux dernières
semaines que les impôts sur les entreprises et les personnes aux
revenus les plus élevés allaient augmenter, quand bien même son
ministre des Finances déclarait encore en octobre dernier que la
fiscalité de base ne changerait pas au cours des trois
prochaines années.
    Anatoli Aksakov, président de la commission des marchés
financiers à la Douma, a déclaré jeudi que le taux marginal de
l'impôt sur le revenu pourrait être relevé respectivement à 17%
et 20% pour les tranches supérieures à 5 millions et 10 millions
de roubles, contre un taux actuel de 15%.
    Les promesses formulées par Vladimir Poutine le 29 février
dans son discours annuel à la nation devraient coûter environ
2.000 milliards de roubles par an.
    Dans un certain nombre de domaines, le président russe a
toutefois repoussé la date de réalisation de divers objectifs ou
a purement et simplement omis de mentionner des engagements
passés non honorés.
    "Tous les nouveaux trucs sont d'anciens trucs oubliés bien à
propos", dit Dmitri Polevoï, directeur des investissements chez
Astra Asset Management.
    Le nombre de Russes vivant sous le seuil de pauvreté, soit
14.339 roubles par mois en 2023, a certes reculé à 9,3% contre
12,9% fin 2017. Mais Vladimir Poutine s'était engagé en 2018 à
le réduire de moitié. Le mois dernier, il a fixé un nouvel
objectif de 7% d'ici 2030.
    Pour les économistes, le principal moteur de la baisse de la
pauvreté l'an dernier a été la progression des salaires, reflet
de la pénurie de main-d'oeuvre, conjuguée au relèvement des
prestations versées aux familles avec enfants, à la hausse des
soldes décidée pour attirer des recrues dans l'armée et aux
indemnités versées aux familles des soldats morts ou blessés en
Ukraine.
    Ils relèvent que la progression des salaires a été plus
vigoureuse dans les régions avec les plus fortes concentrations
de sites militaro-industriels.
    
    OBJECTIFS NON ATTEINTS OU REPOUSSÉS
    Vladimir Poutine a déclaré que la pénurie de main-d'oeuvre
était le principal risque auquel était confrontée l'économie
russe mais il n'a fourni aucun objectif chiffré en la matière.
Des centaines de milliers de Russes ont fui le pays ou ont été
enrôlés dans l'armée depuis le début de la guerre en Ukraine.
    En 2018, le président russe entendait porter l'espérance de
vie à 78 ans d'ici 2024. Deux ans plus tard, il a reporté cet
objectif à 2030 et l'a confirmé le mois dernier. D'après
Rosstat, l'espérance de vie était de 73,1 ans fin 2023 en Russie
et elle ne devrait atteindre 78 ans qu'en 2037.
    Un autre objectif non réalisé concerne la productivité du
travail, dont Vladimir Poutine déclarait en 2018 qu'elle devait
progresser d'au moins 5% par an dans les secteurs essentiels de
l'industrie, de la construction, du transport, de l'agriculture
et du commerce extérieur.
    D'après les statistiques de Rosstat, la productivité du
travail en Russie a baissé de 3,6% en 2022, première année de la
guerre, et les données pour 2023 ne seront publiées qu'à la fin
de cette année. Vladimir Poutine a déclaré que l'intelligence
artificielle serait un contributeur essentiel à la hausse de la
productivité mais il n'a avancé aucun nouvel objectif chiffré.
    Depuis 2012, la Russie s'efforce de porter son taux
d'investissement à 25% de son produit intérieur brut (PIB),
objectif de nouveau formulé en 2018 par Vladimir Poutine. Il est
toutefois tombé à 19,7% en 2022 contre 21,4% en 2017 et Vladimir
Poutine ne mentionne plus la cible de 25%.
    Dans son discours à la nation en février, le président russe
a aussi exigé une augmentation d'au moins deux-tiers des
exportations en volume de la Russie hors énergie, via notamment
les produits alimentaires, les métaux, les engrais, les
machines-outils et les équipements.
    En 2018, il disait que ces exportations devaient doubler
d'ici 2024 pour atteindre 250 milliards de dollars (230
milliards d'euros). Si l'objectif fixé le mois dernier est
atteint, elles s'élèveront à 243,5 milliards de dollars en 2030.
    Vladimir Poutine a récemment déclaré que l'économie russe,
actuellement au cinquième rang mondial à parité de pouvoir
d'achat, grimperait bientôt à la quatrième place. Dmitri Polevoï
remarque cependant que, en termes de PIB par habitant, critère
plus pertinent pour mesurer le niveau de vie d'un pays, la
Russie est à peine au-dessus de la médiane mondiale.
    "Il va probablement y avoir une tension croissante dans les
années à venir entre le double objectif du président Poutine
d'un succès militaire en Ukraine et d'une stabilité
macroéconomique sur le plan intérieur", écrit l'institut Capital
Economics, les largesses budgétaires destinées à soutenir
l'effort de guerre risquant de provoquer une surchauffe
économique.
    "L'économie peut supporter une guerre longue mais pas
nécessairement une guerre plus intense."

 (Darya Korsunskaya et Alexander Marrow, rédigé par Mark
Trevelyan, version française Bertrand Boucey, édité par Kate
Entringer)
 

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