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Pour s'adapter au changement climatique, Bordeaux teste de nouveaux cépages
information fournie par Boursorama avec Media Services 05/10/2021 à 13:46

Depuis février, les appellations bordeaux et bordeaux-supérieur ont autorisé leurs viticulteurs à intégrer dans leur production AOC six nouveaux cépages éloignés de leurs traditionnels merlot et cabernets.

A Bordeaux, un laboratoire à ciel ouvert jauge le potentiel de cépages exotiques ou anciens face au changement climatique. ( AFP / PHILIPPE LOPEZ )

A Bordeaux, un laboratoire à ciel ouvert jauge le potentiel de cépages exotiques ou anciens face au changement climatique. ( AFP / PHILIPPE LOPEZ )

A côté des traditionnels merlot et cabernet sauvignon, poussent désormais à Bordeaux, sur une parcelle d'un demi-hectare au sein des terres de l'Inrae, l'Institut national de la recherche agronomique, les portugais touriga nacional et tinto cao, l'assyrtico grec de Santorin ou encore le mavrud bulgare : une expérimentation d'ampleur commencée il y a dix ans jauge le potentiel de cépages exotiques ou anciens face au changement climatique. Ce laboratoire à ciel ouvert, situé face à l'Institut des sciences de la vigne et du vin (ISVV), est appelé la "parcelle 52", pour ces 31 cépages rouges et 21 blancs piochés dans les vignobles français et du sud et sud-est de l'Europe.

Adapter les vignobles au changement climatique

Depuis 2009, une poignée de chercheurs de l'Inrae, de Bordeaux Sciences Agro et de l'université de Bordeaux étudient à l'ISVV de Villenave-d'Ornon les potentiels agronomiques et œnologiques de cépages inconnus à Bordeaux ou oubliés. Objectif : apporter des outils aux viticulteurs pour adapter leur vignoble au changement climatique. "En 2050, Bordeaux pourrait connaître un climat de Séville (...) Si on ne fait rien maintenant sur les cépages, on court un grand risque de perdre la typicité de nos vins", explique Bernard Farges, président du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), partenaire de l'expérience VitAdapt.

Le réchauffement s'installe avec comme "marqueurs" des vendanges précoces et le décalage du cycle végétal qui donne des vins plus "alcooleux", moins aromatiques : "Il y a 30 ans, les vins sortaient à 11°/11,5°degrés, aujourd’hui, c'est 13,5°/14°", illustre Agnès Destrac-Irvine, ingénieure d'études à l'Inrae et coresponsable de VitAdapt. "Avec le changement climatique, on obtient des raisins qui mûrissent trop tôt dans l'été. Gorgés de sucres, ils sont moins acides, c'est moins de fraîcheur, moins d'équilibre et un potentiel de garde altéré", souligne l'ingénieure agronome dont l'expérimentation a fait des émules au Royaume-Uni avec un dispositif nommé BritAdapt.

Vers une reconnaissance des nouveaux cépages ?

Dans le Bordelais, le merlot, cépage majoritaire, pâtit de sa nature précoce au point d'être "maintenant sorti de sa fenêtre optimale de qualité" par endroits, estime-t-elle. Les scientifiques recherchent donc des variétés qui arrivent à maturité le plus tard possible.

Dix ans et "beaucoup d'analyses" plus tard, le vignoble bordelais vient d'obtenir le feu vert pour tester des "cépages d’intérêt à fin d’adaptation" dans ses cahiers des charges AOC, après les languedoc, corbières et saint-mont. Avant les grands crus classés, l'expérience commence par les appellations bordeaux et bordeaux-supérieur. Depuis cette année, elles peuvent intégrer à petite dose six nouvelles variétés dont les ibériques touriga nacional et alvarinho, sélectionnées à partir des études sur la "parcelle 52".

"C'est une vraie évolution dans les AOC, mais on veut y aller tranquillement, on ne veut pas laisser à penser qu'on va changer la typicité de nos vins", souligne Bernard Farges, président de l'interprofession des Bordeaux. L'adaptation se fera en douceur : la proportion de ces nouveaux cépages ne pourra pas excéder 5% de la surface plantée et 10% du produit final. Une centaine de viticulteurs se disent intéressés.

Et d'autres régions comme le Champagne s'intéressent à cette possibilité ouverte en 2018 par l'Institut national de l'origine et de la qualité (Inao).

Les cépages portugais à l'honneur

Cycle végétal, datations des vendanges, alcool, sucre, acides, rendement... toutes ces données ont été méticuleusement recensées par les scientifiques chaque semaine pour offrir aux viticulteurs une "boîte à outils" avec un éclairage aussi sur leur "potentiel œnologique".

Depuis 2015, 21 "cépages d'intérêt" ont été vinifiés en microcuvée puis évalués par des dégustateurs experts pour identifier des vins aux "critères de goût, de saveur, d’équilibre" proches des traditionnels bordelais cabernet sauvignon et merlot.

Quelques millésimes plus tard, le casting donne la part belle à certains cépages portugais, "prometteurs et bien notés" comme le touriga nacional : "il arrive tardivement à maturité, peut être récolté plus tard et offre des typicités intéressantes", constate Cécile Thibon, ingénieure Inrae. Et si lui est plutôt du genre précoce, le touriga franca apparaît comme un "tout petit producteur de sucres qui pourrait aider les viticulteurs à faire baisser le degré des vins en assemblage", appuie Mme Destrac-Irvine. Dans un autre registre, le vinhao, le plus vif en couleur, pourrait corriger des pertes de coloration dues aux chaleurs intenses.

Prochaine étape ? Un projet de "science participative" avec les viticulteurs qui expérimentent ces cépages, "c'est tout un travail collectif".

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