La ville de Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement soudanais, longtemps épargnée par le conflit meurtrier entre l'armée régulière et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) a été touchée pour la troisième journée consécutive par des frappes de drones.
Ces frappes, attribuées par l'armée aux FSR mais non revendiquées par les paramilitaires, ont notamment touché une station électrique, l'aéroport et une base militaire, sans faire de victimes, selon des sources concordantes.
Mardi, la principale base militaire du centre-ville a été bombardée par un drone, selon une source au sein de l'armée. Des témoins ont affirmé qu'un hôtel proche avait été aussi ciblé.
Ces sites se trouvent à proximité de la résidence du chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, engagé depuis le 15 avril 2023 dans une lutte pour le pouvoir avec son ancien adjoint, le général Mohamed Hamdane Daglo, à la tête des FSR.
L'armée, chassée de la capitale Khartoum par les FSR au début de la guerre, s'était repliée vers l'est et avait transféré le siège du gouvernement à Port-Soudan, épicentre de l'aide humanitaire qui abrite des agences de l'ONU et des centaines de milliers de déplacés.
- Explosions -
Mardi, le correspondant de l’AFP à Port-Soudan a entendu à l'aube de fortes explosions provenant du port et d'un dépôt de carburant, avec d’épaisses colonnes de fumée au-dessus de la ville située sur la mer Rouge.
Un drone a frappé "la section civile de l'aéroport de Port-Soudan", a déclaré à l’AFP un responsable de l’aéroport, sous couvert d’anonymat.
Tous les vols civils ont été suspendus dans le dernier aéroport encore opérationnel du pays, selon la même source. Dimanche, la base militaire de l’aéroport avait déjà vu des frappes sans précédent de drones.
Selon une source sécuritaire, un drone a touché les réservoirs de carburant de l’aéroport et deux autres ont frappé mardi un dépôt de carburant près du port, dans le sud de la ville.
De nombreux automobilistes se sont précipités pour faire le plein, par crainte de pénuries, avec de longues files d'attente aux abords des rares stations-service encore ouvertes.
Plus tard dans la matinée, la principale sous-station électrique de Port-Soudan a été touchée, privant la ville de courant, a annoncé la compagnie nationale d'électricité.
"Hier et aujourd’hui ne font que nous confirmer que cette guerre nous poursuivra partout où nous irons", a déclaré à l’AFP Hussein Ibrahim, un homme de 64 ans réfugié à Port-Soudan depuis plus d’un an pour fuir les attaques des FSR contre sa ville d’Al-Jazira, au sud de Khartoum, à environ 1 000 kilomètres de là.
Le ministre de l’Information soudanais, Khalid al-Aiser, proche de l’armée, a accusé les Emirats arabes unis de fournir les drones de cette offensive "terroriste" à "leur mandataire", les FSR.
La veille, la Cour internationale de justice avait rejeté une plainte du Soudan accusant Abou Dhabi de complicité de génocide, en se déclarant "incompétente" pour statuer sur cette affaire.
Le ministère soudanais des Affaires étrangères, aligné sur l’armée, a déclaré mardi "respecter" cette décision d'incompétence liée à une "réserve" émise en 2005 par les Emirats sur la Convention des Nations unies sur le génocide.
Mais, selon lui, le refus de la CIJ d’examiner l’affaire "ne peut en aucun cas être interprété juridiquement comme un déni des violations ni comme une exonération des Emirats de leur implication dans le génocide".
Pointé par plusieurs rapports pour son ingérence dans le conflit, Abou Dhabi a toujours démenti soutenir les FSR issues de la milice Janjawid accusée de génocide dans la région occidentale du Darfour il y a plus de vingt ans.
- "Développement inquiétant" -
Les paramilitaires, qui ont perdu plusieurs positions ces derniers mois - dont Khartoum en mars- et ne disposent pas d'aviation, ont de plus en plus recours aux drones pour frapper dans les zones contrôlées par l'armée. Port-Soudan est à quelque 650 kilomètres de leurs positions les plus proches, en périphérie de la capitale Khartoum.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a qualifié lundi les attaques contre Port-Soudan, de "développement inquiétant qui menace la protection des civils et les opérations humanitaires dans une zone jusqu'à présent épargnée".
Depuis avril 2023, la guerre a tué des dizaines de milliers de personnes, déraciné 13 millions et provoqué "la pire catastrophe humanitaire" au monde, selon l'ONU. La famine a été déclarée, près de 25 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire aiguë.
Mardi, l’Egypte, pays voisin du Soudan, s'est elle aussi inquiétée du "danger de cette nouvelle escalade".
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