
L'entrée du "village d'enfants" de la communauté catholique traditionaliste de Riaumont à Liévin, dans le Pas-de-Calais, le 7 mars 2025 ( AFP / FRANCOIS LO PRESTI )
Un ancien prieur de la communauté catholique traditionaliste de Riaumont a été condamné mardi à deux ans d'emprisonnement avec sursis pour consultation de fichiers pédopornographiques, une première condamnation en rapport avec cette institution au cœur de plusieurs enquêtes.
Le tribunal correctionnel de Béthune (Pas-de-Calais) a aussi interdit à Alain H. d'exercer une activité professionnelle en lien avec des mineurs pendant cinq ans, et ordonné son inscription au Fichier des auteurs d'infractions sexuelles (Fijais).
Le parquet avait requis une peine plus lourde: deux ans d'emprisonnement dont un an ferme.
Présent au délibéré en soutane beige, Alain H., 61 ans, a accueilli son jugement avec une apparente impassibilité.
A son procès le 11 mars, il avait nié une grande partie des faits s'étalant de 2012 à 2017, alors que des enfants étaient scolarisés au sein de la communauté ou accueillis en camps scouts.
Il avait notamment affirmé que ses recherches sur des sites pornographiques s'inscrivaient dans le cadre d'une sorte d'"étude" de sa part pour mieux comprendre la jeunesse actuelle.
Les sites qu'il a consultés étaient "tout à fait légaux", a assuré son avocat Me Octave Nitkowski après le délibéré, "c'est pourquoi on va faire appel de la condamnation".
- "Nous ne lâcherons pas" -
"Je suis relativement déçu, les faits étaient là, les faits ont été montrés" mais l'ancien prieur "n'a rien appris" du procès, a réagi Adrien Bonnel, membre du Collectif de victimes du village d'enfants de Riaumont.
"Symboliquement il y a aussi une charge importante, parce que c'est la première fois que Riaumont se retrouve face à la justice", a réagi Ixchel Delaporte, auteure du livre-enquête "Les enfants martyrs de Riaumont".
"Nous ne lâcherons pas cette communauté traditionaliste catholique qui a maltraité des garçons pendant des décennies en toute impunité. Et c'est peut-être cela qui les dérange aujourd'hui: les victimes se lèvent, parlent et déposent plainte" a ajouté Mme Delaporte.
Situé sur un vaste domaine boisé à Liévin, Riaumont a démarré dans les années 1960 comme foyer d'accueil pour enfants placés par les services sociaux, aux côtés d'enfants de familles traditionalistes.

Le "village d'enfants" de Riaumont, le 7 mars 2025 à Liévin, dans le Pas-de-Calais ( AFP / FRANCOIS LO PRESTI )
Outre l'affaire de pédopornographie jugée mardi, cette communauté est visée depuis 2014 par d'autres enquêtes pour violences, agressions sexuelles et viol sur mineur.
Le parquet de Béthune a récemment requis la tenue d'un procès contre Alain H. et cinq autres religieux de Riaumont pour des violences sur plusieurs dizaines d'enfants entre 2007 et 2019.
"On attend beaucoup de ce prochain procès", a insisté mardi Adrien Bonnel. Lui-même a porté plainte fin mars pour des violences physiques subies à Riaumont dans les années 1990.
Deux autres encadrants de Riaumont sont mis en examen dans le volet des agressions sexuelles.
Une autre information judiciaire concerne une affaire de viol, dans laquelle l'auteur présumé était mineur au moment des faits et Alain H. est poursuivi pour "non dénonciation de crime".
- Nouvelles plaintes -

Vue de l'établissement catholique Notre-Dame-de-Bétharram, dans les Pyrénées-Atlantique, le 12 février 2025 ( AFP / Philippe LOPEZ )
La médiatisation du tentaculaire dossier Riaumont est allée crescendo ces derniers mois, dans le sillage de l'affaire Bétharram et de la commission d'enquête parlementaire sur les violences dans les établissements scolaires.
Le parquet de Béthune a confirmé à l'AFP avoir reçu trois nouvelles plaintes concernant Riaumont ces dernières semaines.
L'une d'elles porte sur des "violences physiques" et "agressions sexuelles" sur mineur à la fin des années 2000, des faits non prescrits. Alain H. est l'un des trois mis en cause dans cette plainte, a confirmé mardi à l'AFP le procureur de Béthune Etienne Thieffry.
Après de premières remontées de sévices, Riaumont a perdu en 1982 son agrément pour enfants placés. Mais la communauté a lancé en 1989 une école privée hors contrat, qui a fermé en 2019 sur décision administrative, après la révélation des mises en examen de plusieurs de ses membres.
Un arrêté préfectoral pris en janvier interdit à la communauté d'accueillir des scouts cette année, car elle est susceptible "d'héberger des personnes ayant l'interdiction d'approcher des mineurs".

Le père Christophe Gapais (d), nouveau prieur de la communauté de Riaumont, et le père Hervé Tabourin, dans la chapelle du "village d'enfants" de Riaumont, le 7 mars 2025 à Liévin, dans le Pas-de-Calais ( AFP / FRANCOIS LO PRESTI )
Les corapporteurs de la commission d'enquête parlementaire, les députés Violette Spillebout (Ensemble) et Paul Vannier (LFI), ont effectué une visite sous tension à Riaumont début avril.
"Il y avait une discipline" à Riaumont, selon le père Christophe Gapais, le nouveau prieur de la communauté, qui dément toute "violence institutionnalisée".
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