
Emmanuel Macron retrouve la semaine prochaine le pouvoir de dissoudre l'Assemblée nationale. Mais après l'échec de la précédente dissolution, qui a plombé sa fin de règne, il assure vouloir éviter d'y recourir sauf en cas de blocage du pays ( AFP / STEPHANE DE SAKUTIN )
Emmanuel Macron retrouve la semaine prochaine le pouvoir de dissoudre l'Assemblée nationale. Mais après l'échec de la précédente dissolution, qui a plombé sa fin de règne, il assure vouloir éviter d'y recourir sauf en cas de blocage du pays.
"S'il devait dissoudre à nouveau, ce serait d'abord perçu comme un énorme aveu d'échec total de ce second mandat", dit à l'AFP le politologue Bruno Cautrès.
Le 9 juin 2024, au soir d'élections européennes largement remportées par l'extrême droite, le chef de l'Etat annonçait la convocation de législatives anticipées, à la surprise générale. Un mois plus tard, le résultat du scrutin était sans appel: un Parlement éclaté, sans aucune majorité, qui inaugurait l'une des plus graves crises politiques de la Ve République et condamnait le pays à un mélange d'instabilité et d'immobilisme.

Le Premier ministre français François Bayrou (G) et le président français Emmanuel Macron (D) posent pour une photo de famille avec les membres du gouvernement avant la réunion hebdomadaire du cabinet au palais de l'Élysée à Paris, le 2 juillet 2025 ( AFP / Ludovic MARIN )
L'article 12 de la Constitution prévoit qu'il "ne peut être procédé à une nouvelle dissolution dans l'année qui suit" des élections anticipées. Le président de la République, qui exhorte en vain depuis douze mois les députés à "travailler ensemble", n'a donc pu brandir cette menace pour les y inciter.
Mais lorsque l'intention de dissoudre à nouveau à l'automne prochain lui a été prêtée fin avril, Emmanuel Macron a démenti formellement avoir même "envisagé une telle chose".
"Mon souhait, c'est qu'il n'y ait pas d'autre dissolution", a-t-il nuancé début juin. "Mais mon habitude n'est pas de me priver d'un pouvoir constitutionnel", a-t-il prévenu, n'excluant pas de dissoudre "si des formations politiques décidaient (...) de bloquer le pays".
"Les Français veulent que tout le monde travaille ensemble et qu'on ait des résultats concrets pour que la vie des gens s'améliore", a-t-il encore botté en touche vendredi.
- "Roulette russe" -
Le souvenir de l'an dernier est cuisant.
A l'époque, le président misait sur les divisions de la gauche et l'impréparation des adversaires pour "prendre tout le monde de court" et "gagner", comme l'avait expliqué son entourage.
Plusieurs de ses interlocuteurs ont aussi rapporté qu'il était prêt à prendre le risque d'une victoire du Rassemblement national et d'une cohabitation avec Jordan Bardella à Matignon, vue comme un possible antidote à l'accession de Marine Le Pen à l'Elysée en 2027.

Marine Le Pen, Eric Ciotti et Jordan Bardella, à l'Assemblée nationale à Paris, le 28 juin 2025 ( AFP / Julie SEBADELHA )
Or aucun de ces scénarios ne s'est réalisé, et la "clarification" prédite par M. Macron a laissé la place à une Assemblée coupée en trois blocs, plus ou moins friables, et un pays quasi-ingouvernable.
Dissoudre à nouveau pourrait donc permettre de sortir de l'impasse, d'autant que le gouvernement de François Bayrou est menacé d'une censure à l'automne sur le budget comme celle qui a fait tomber Michel Barnier un an plus tôt.
"Le problème, c'est que si on fait une dissolution et qu'on en arrive à la même situation de non-majorité, là, ça va devenir très, très compliqué", soupire une ministre.
Or rien n'indique, dans les sondages, que l'issue du scrutin serait sensiblement différente. "Si ça redonnait les mêmes résultats", "je ne vois pas comment le chef de l'Etat échapperait à la très forte pression pour qu'il démissionne", explique Bruno Cautrès.
"Il a goûté une fois à la roulette russe. Il a compris", estime le politologue.
Un opposant de gauche résume ainsi l'équation présidentielle: "Rater une dissolution, c'est déjà beaucoup. En rater deux… faut partir monsieur".
Emmanuel Macron a d'ailleurs esquissé, par petites touches, un mea culpa, reconnaissant que sa décision n'avait pas été "comprise" par les Français et n'avait pas "permis de clarifier les choses".
Parmi ses alliés, même ceux qui déplorent l'immobilisme actuel, peu lui conseilleraient de récidiver.
"Il vaut mieux un an et demi où il ne se passe pas grand-chose qu'un truc qui explose. Je pense que personne n'a intérêt à l'aventure", souffle un proche d'Edouard Philippe (Horizons), candidat déclaré à la prochaine présidentielle.
Dans l'opposition, à gauche comme à l'extrême droite, les partis assurent se préparer à un éventuel retour aux urnes prématuré, qu'ils appellent plus ou moins ouvertement de leurs voeux.
Le RN, en tête des intentions de vote réclame cette nouvelle dissolution. C'est "l'intérêt des Français", a encore dit Marine Le Pen jeudi, même si elle a ajouté douter que le président "fasse ce choix", "compte tenu du très faible bénéfice" qu'il "pourrait en tirer".
Mais pour Bruno Cautrès, quels que soient les affichages, "tout le monde a plutôt intérêt à jouer 2027".
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