Photo d'archives du président français, Emmanuel Macron
L'Etat français est mobilisé pour "rétablir l'ordre dans les plus brefs délais" en Nouvelle-Calédonie, a déclaré jeudi le Premier ministre, qui souligne que la situation "reste très tendue" dans l'archipel du Pacifique Sud, théâtre d'émeutes et de pillages depuis trois jours.
Emmanuel Macron a présidé jeudi matin à l'Elysée un nouveau conseil de Défense et de Sécurité nationale sur la situation dans la collectivité d'outre-mer, où le bilan des victimes s'élève désormais à plusieurs centaines de blessés et cinq morts après le décès d'un gendarme tué par "un tir accidentel", a confirmé la gendarmerie nationale sur X.
L'exécutif affiche sa mobilisation et sa détermination face à des violences sans précédent depuis les heurts meurtriers qui opposèrent les pro et les anti-indépendantistes de Nouvelle-Calédonie à partir de 1984 et aboutirent aux accords de Matignon en juin 1988 et au retour à la paix civile.
Le Premier ministre, Gabriel Attal, a ainsi réuni un comité interministériel jeudi matin avant le conseil de Défense, et le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, devait organiser "dans les prochaines heures" une visioconférence avec les acteurs économiques de la collectivité.
Un nouveau comité interministériel est prévu vendredi matin sous la présidence de Gabriel Attal au ministère de l'Intérieur, a fait savoir Matignon. Le chef du gouvernement recevra en outre les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que les représentants de chaque groupe parlementaire.
Outre le déploiement de forces de sécurité dans l'archipel - leurs effectifs passeront de 1.700 à 2.700 d'ici vendredi soir, a dit le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin - la marge de manoeuvre politique de l'exécutif paraît pour l'heure limitée.
La visioconférence proposée par le chef de l'Etat aux élus calédoniens et prévue jeudi a en effet été annulée car "les différents acteurs ne souhaitent pas dialoguer les uns avec les autres pour le moment", a fait savoir l'Elysée.
"La situation sur place rend sa tenue difficile", a-t-on expliqué, ajoutant que le président échangerait "directement avec les élus", dans des modalités qui n'ont pas été précisées.
PILLAGES
La priorité reste de fait le rétablissement de l'ordre, qui est loin d'être acquis.
L'état d'urgence, décrété en conseil des ministres mercredi à Paris pour une durée initiale de 12 jours, est entré en vigueur jeudi à 05h00 du matin.
"La situation y reste très tendue, avec des pillages, des émeutes, des incendies, des agressions qui sont insupportables", a reconnu Gabriel Attal lors d'un point de presse à l'issue du conseil de Défense.
Le chef du gouvernement a imputé la mort accidentelle d'un deuxième gendarme à "l'état de fatigue" des forces de l'ordre.
Il est impératif, a-t-il souligné, de "rétablir l'ordre dans les plus brefs délais" et "mettre hors d'état de nuire" les auteurs de violences.
Une circulaire pénale devait être émise "pour garantir les sanctions les plus lourdes contre les émeutiers et les pillards", a-t-il précisé.
Un pont aérien est en outre en place pour assurer la continuité des services de soins et l'approvisionnement alimentaire de la collectivité.
La Chambre de commerce et d'industrie de la Nouvelle-Calédonie a chiffré jeudi à "plus de 200 millions d'euros" les dégâts provoqués depuis lundi, rapporte la chaîne de télévision La Première. La CCI précise que 80% à 90% du circuit de distribution (magasins, entrepôts, grossistes) de Nouméa ont été "anéantis".
La police et la gendarmerie ont été confrontées dans la nuit de mercredi à jeudi à un grand nombre d'émeutiers, "de l'ordre de 5.000 et sur la ville de Nouméa, entre 3.000 et 4.000", a dit Louis Le Franc, haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, lors d'une conférence de presse.
Deux cents émeutiers ont été interpellés et 64 gendarmes et policiers ont été blessés, a-t-il précisé.
BOUTEILLES DE GAZ
Yoan Fleurot, un habitant de Nouméa, a déclaré à Reuters via l'application Zoom qu'il avait été témoin de pillages et de destructions. Certains commerçants ont laissé faire les pilleurs, en leur demandant de ne pas détruire leurs commerces, a-t-il dit.
Des barrages jalonnent les axes routiers, ce qui rend les déplacements difficiles. "Moi qui suis calédonien, je ne connais plus mon pays actuellement", a dit Yoan Fleurot. "La Calédonie va avoir du mal à se relever de cette crise. (...) Tout, 80% est détruit."
Louis Le Franc a expliqué que des barrages sauvages avaient été établis sur les axes routiers principaux et secondaires de l'agglomération du Grand Nouméa et que certains d'entre eux étaient piégés avec des bouteilles de gaz et des systèmes d'allumage.
"Je mets en demeure ceux qui sont à la tête de la CCAT (Cellule de coordination des actions sur le terrain) de cesser ces actions, qui sont des actions meurtrières, mortelles, qui peuvent endeuiller des familles", a-t-il dit.
Le haut-commissaire de la République a ajouté que des confrontations entre des membres actifs de la CCAT, organisation qui émane des rangs indépendantistes de l'Union calédonienne, et des groupes d'autodéfense avaient eu lieu. Le réseau social TikTok a été interdit sur l'île.
"On lance un appel au calme", a-t-il dit. "Je leur demande à tous de respecter le couvre-feu. De respecter l'interdiction de port d'armes, de transport d'armes et de rassemblement dans l'agglomération de Nouméa."
Dix assignations à résidence ont été prononcées par le ministère de l'Intérieur à l'encontre de leaders de la CCAT, a précisé Gérald Darmanin sur France 2, qualifiant l'organisation de "mafieuse" et "violente". Une vingtaine d'autres devraient être prononcées dans la journée et des perquisitions administratives vont avoir lieu en vertu de l'état d'urgence, a-t-il dit.
L'aéroport de Nouméa reste fermé aux vols commerciaux et la population est appelée à limiter ses déplacements au strict nécessaire.
Les violences sont alimentées par un projet de réforme de la Constitution visant à élargir aux personnes résidant depuis dix ans dans l'archipel le corps électoral, figé depuis l'accord de Nouméa de 1998.
Le texte, approuvé par l'Assemblée nationale dans la nuit de mardi à mercredi, doit désormais être soumis à l'approbation des parlementaires réunis en Congrès, qu'Emmanuel Macron s'est engagé à convoquer à la fin du mois prochain en l'absence d'un accord politique plus large entre les parties calédoniennes.
Voir également :
La situation en Nouvelle-Calédonie avive les tensions entre Paris et Bakou
(Rédigé par Jean-Stéphane Brosse, Nicolas Delame et Sophie Louet, avec Kirsty Needham à Sydney, Louise Dalmasso et Michaela Cabrera à Paris; édité par Bertrand Boucey)
32 commentaires
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer