(Actualisé avec communiqué de la préfecture) PARIS, 11 novembre (Reuters) - Les 230 migrants du navire humanitaire Ocean Viking, parvenu vendredi matin au port militaire de Toulon (Var) avec l'accord des autorités françaises, ont été pris en charge à leur arrivée en vue d'un possible accueil en France ou une relocalisation dans un autre Etat européen. La France a annoncé jeudi la décision "exceptionnelle" - une première - d'accueillir le bateau affrété par l'ONG SOS Méditerranée face au refus de l'Italie de laisser le navire à la coque rouge accoster dans l'un de ses ports comme le prévoit le droit maritime international. L'Italie, par la voix de la présidente du Conseil Giorgia Meloni, a regretté vendredi "la réaction agressive du gouvernement français" à son égard, la jugeant "incompréhensible et injustifiée." SOS Méditerranée avait secouru fin octobre 234 migrants, dont 57 enfants, au large de la Libye. Quatre personnes ont été transférées par hélicoptère jeudi au centre hospitalier de Bastia (Haute-Corse). "Sur les 230 personnes qui étaient à bord du navire Ocean Viking ce matin, toutes ont débarqué et la majeure partie a été transférée vers le centre d’hébergement de Giens. L’ensemble des transferts devrait être terminé en milieu de soirée", a déclaré vendredi soir la préfecture du Var dans un communiqué. "Toutes les personnes transférées vers le centre d’hébergement ont manifesté leur volonté de demander l’asile", a-t-elle ajouté. Les migrants devaient également faire l'objet, en préalable à l'examen de leur demande d'asile en procédure accélérée, d'une "vérification sécuritaire" en lien avec la Direction générale de la Sécurité intérieure (DGSI). Ce centre "a vocation à rester ouvert à peu près une vingtaine de jours", a dit le préfet du Var, Evence Richard, lors d'une conférence de presse dans la journée à Toulon. TENSION DIPLOMATIQUE Près de 600 personnes ont été mobilisées pour leur prise en charge, dont plusieurs centaines de membres des forces de l'ordre. Seize agents de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), aidés d'interprètes, mèneront notamment des entretiens durant le week-end avec chacun des migrants. "Les personnes qui n'auraient pas vocation ni à rester en France ni à bénéficier d'une relocalisation dans un autre Etat européen" seront renvoyées vers leur pays d'origine, a dit Eric Jalon, le directeur général des étrangers en France. Les autres seront conduites dans d'autres centres d'hébergement afin que leur demande d'asile soit examinée au fond. La France s'est engagée à accueillir "un tiers" des migrants. Neuf autres pays européens (Allemagne, Croatie, Roumanie, Bulgarie, Lituanie, Malte, Portugal, Luxembourg, Irlande) se tiennent prêts à prendre en charge les autres passagers. "Des contacts sont encore en cours avec d'autres capitales européennes", a dit vendredi Eric Jalon. Dans un nouvel accès de tension diplomatique, les autorités françaises ont dénoncé l'attitude "irresponsable" et "inhumaine" de Rome, où la dirigeante d'extrême droite Giorgia Meloni a durci la politique migratoire de l'Italie tout en plaidant auprès de Bruxelles pour plus de solidarité européenne en la matière. Un délicat équilibre entre politique intérieure et diplomatique qui s'impose également au président Emmanuel Macron, qui a pris le risque de raviver la controverse sur la politique d'immigration française, entre fermeté et droit humanitaire, dans les rangs des oppositions de droite notamment. "CHEVAL DE TROIE" En 2018, la France, dans un autre conflit avec l'Italie, avait refusé d'accueillir un bateau humanitaire, l'Aquarius, avec plus de 600 migrants à son bord, qui avait finalement accosté en Espagne. "On ne doit jamais céder à l'émotion que certains manipulent", avait alors déclaré Emmanuel Macron. Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a annoncé jeudi que la France renonçait temporairement à la relocalisation de 3.500 migrants au bénéfice de l'Italie dans le cadre du mécanisme européen de solidarité instauré cet été. Il a évoqué plus généralement des "conséquences extrêmement fortes sur la relation bilatérale". La présidente du groupe Rassemblement national (RN) à l'Assemblée nationale, Marine Le Pen, a dénoncé jeudi "un signal dramatique de laxisme". Le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau, candidat à la présidence des Républicains, a demandé le renvoi des migrants vers leurs pays d'origine, estimant que l'Ocean Viking était le "cheval de Troie de l'immigration irrégulière en Europe". Le président de Reconquête, Eric Zemmour, s'est rendu à Toulon avec Nicolas Bay, député européen, et l'ex-députée Marion Maréchal, notamment, pour dénoncer un "événement gravissime". "C'est une décision importante et absolument scandaleuse qu'a prise le président de la République qui déclarait lui-même il y a quatre ans que l'humanisme n'était pas le bon sentiment", a-t-il dit à des journalistes. "Il affaiblit la France qui désormais va devoir accueillir encore plus de migrants. Il désespère plus encore les Français qui sont tous hostiles à cette immigration folle et de surcroît, il fait prendre des risques incroyables aux migrants qui vont traverser la Méditerranée", a-t-il ajouté. (Rédigé par Sophie Louet et Jean-Stéphane Brosse)
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