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Le Kenya à la recherche d'antivenins contre le fléau des morsures de serpents
information fournie par AFP 29/04/2025 à 11:45

Shukurani Konde Tuva (g),  souffrant d'une nécrose des tissus de sa jambe gauche causée par le venin cytotoxique provenant de la morsure d'une vipère heurtante, est pris en charge à l'hôpital du sous-comté de Malindi, le 7 avril 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Shukurani Konde Tuva (g), souffrant d'une nécrose des tissus de sa jambe gauche causée par le venin cytotoxique provenant de la morsure d'une vipère heurtante, est pris en charge à l'hôpital du sous-comté de Malindi, le 7 avril 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Se tordant de douleur sur un lit d'hôpital dans une ville côtière kényane, Shukurani Konde Tuva, 14 ans se prépare à l'amputation de son pied gauche, qui n'a pas pu être sauvé par un antivenin après une morsure de serpent.

Une vipère heurtante – le serpent le plus commun et l'un des plus venimeux d'Afrique subsaharienne – l'a attaqué il y a plus d'un mois alors qu'il mangeait en plein air dans son village près de la ville de Malindi.

Sa famille l'a transporté d'urgence à l'hôpital à deux heures de moto, mais l'antivenin administré n'a pas permis de prévenir ni d'inverser l'envenimement.

"La jambe de mon fils est complètement pourrie et il y a même des asticots qui en sortent. Il va falloir la couper", raconte à l'AFP sa mère Mariamu Kenga Kalume, désemparée.

Selon les données de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), environ 5,4 millions de personnes sont mordues par des serpents chaque année dans le monde, et près de la moitié sont empoisonnées par leur venin.

Des villageois regardent des serpents venimeux enfermés dans des boîtes en bois lors d'une campagne d'éducation et de sensibilisation menée par des maîtres-serpents de la Ferme des serpents de Watamu, dans la région rurale de Malindi, où les morsures de serpent sont nombreuses, le 8 avril 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Des villageois regardent des serpents venimeux enfermés dans des boîtes en bois lors d'une campagne d'éducation et de sensibilisation menée par des maîtres-serpents de la Ferme des serpents de Watamu, dans la région rurale de Malindi, où les morsures de serpent sont nombreuses, le 8 avril 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Jusqu'à 138.000 personnes meurent et 400.000 souffrent de séquelles physiques permanentes.

Des chiffres alarmants qui ne sont pourtant qu'une "grave sous-estimation" de la réalité selon l'organisation onusienne, qui estime que 70% des cas ne sont pas signalés.

Certaines croyances et superstitions faussent les données, de nombreuses victimes de morsures de serpent préférant se tourner vers des remèdes traditionnels ou attribuant les morsures au vaudou "envoyé par leurs ennemis" au lieu de consulter un médecin.

- "Pierre à serpent" -

Douglas Rama Bajila, un guérisseur traditionnel, dans sa clinique de fortune où il prétend traiter les morsures de serpents venimeux à l'aide de médicaments traditionnels extraits de plantes et de dérivés de serpents, à Malindi, le 8 avril 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Douglas Rama Bajila, un guérisseur traditionnel, dans sa clinique de fortune où il prétend traiter les morsures de serpents venimeux à l'aide de médicaments traditionnels extraits de plantes et de dérivés de serpents, à Malindi, le 8 avril 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

À quelques kilomètres de l'hôpital où M. Tuva est traité, Douglas Rama Bajila montre à l'AFP ses solutions issues de la médecine traditionnelle pour "aspirer" le venin.

Un remède populaire est la "pierre à serpent", fabriquée à partir d'un os de vache, vendue pour environ un dollar.

Selon le guérisseur, elle peut être réutilisée pendant des années après sa première utilisation : il suffit, assure-t-il, de la faire tremper dans du lait pendant quelques heures pour la "recharger".

Des villageois montrent une pierre utilisée dans le traitement traditionnel des morsures de serpent lors d'une campagne d'éducation et de sensibilisation menée par les maîtres-serpents de la Ferme aux serpents de Watamu, dans un village de la région rurale de Malindi, où les morsures de serpent sont nombreuses, le 8 avril 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Des villageois montrent une pierre utilisée dans le traitement traditionnel des morsures de serpent lors d'une campagne d'éducation et de sensibilisation menée par les maîtres-serpents de la Ferme aux serpents de Watamu, dans un village de la région rurale de Malindi, où les morsures de serpent sont nombreuses, le 8 avril 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Cette pierre a été posée sur la jambe de M. Tula lors de son transport vers l'hôpital, mais est malheureusement tombé en chemin, a raconté sa mère.

Ce type de remède est populaire car les traitements efficaces sont très coûteux.

Les antivenins coûtent jusqu'à 8.000 shillings (environ 54 euros) par flacon, et certains patients ont besoin de jusqu'à vingt doses.

- Mauvaises réactions -

Le stock d'antivenins du Kenya est estimé à entre 10.000 et 30.000 flacons, et il en faudrait 70.000 supplémentaires pour une gestion efficace du problème, selon l'institut kényan KIPRE, qui fait des recherches biomédicales et précliniques.

Des herpétologistes et un docteur vétérinaire tiennent un mamba noir pendant l'extraction de son venin qui sera utilisé dans la recherche pour la production locale d'antivenin au sein de l'Institut KIPRE à Nairobi, le 7 mars 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Des herpétologistes et un docteur vétérinaire tiennent un mamba noir pendant l'extraction de son venin qui sera utilisé dans la recherche pour la production locale d'antivenin au sein de l'Institut KIPRE à Nairobi, le 7 mars 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

L'antivenin est fabriqué en extrayant le venin des crocs des serpents, qui est ensuite dilué et injecté à petites doses à des animaux tels que les chevaux, qui produisent des anticorps qui peuvent ensuite être extraits pour être utilisés chez l'homme.

Le sérum n'est en outre pas toujours efficace, car il provient souvent d'autres pays comme l'Inde, où les serpents sont légèrement différents.

Or, des antivenins inadaptés peuvent provoquer de "très mauvaises réactions", déclare le spécialiste Kyle Buster Ray.

Un herpétologiste manipule une vipère bouffie africaine lors de l'extraction de son venin qui sera utilisé dans la recherche pour la production d'antivenin au sein de l'Institut KIPRE à Nairobi, le 7 mars 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Un herpétologiste manipule une vipère bouffie africaine lors de l'extraction de son venin qui sera utilisé dans la recherche pour la production d'antivenin au sein de l'Institut KIPRE à Nairobi, le 7 mars 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

M. Ray s'occupe de reptiles dans la Ferme aux serpents de Watamu, qui abrite plus de 400 espèces venimeuses et non venimeuses, et aide la communauté en offrant parfois gratuitement de l'antivenin aux victimes gravement malades.

Mais ses stocks sont limités. La ferme forme aussi les personnes vulnérables aux gestes d'urgence en cas de morsure, comme s'asperger les yeux d'eau en cas de projection de venin.

Le spécialiste en reptiles, Kyle Buster Ray, tient un serpent dans sa main, lors d'une interview à la Ferme aux serpents de Watamu, le 8 avril 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Le spécialiste en reptiles, Kyle Buster Ray, tient un serpent dans sa main, lors d'une interview à la Ferme aux serpents de Watamu, le 8 avril 2025 au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Lors d'une séance à laquelle l'AFP a assisté, environ la moitié des membres de la communauté ont déclaré avoir été mordus par un serpent au moins une fois, et presque tous avaient d'abord eu recours à la médecine traditionnelle.

Beaucoup présentaient des signes de paralysie, et l'un d'eux souffrait d'une cécité partielle.

- "Traumatisme mental" -

À Nairobi, le KIPRE travaille sur un antivenin spécifique au pays, applicable à plusieurs espèces de serpents, qu'il espère sera disponible dans environ deux ans.

Valentine Musabyimana, chercheuseà l'Institut KIPRE, analyse les résultats d'un test de séparation des molécules de protéines dans le venin d'un serpent pour produire des thérapies antivenimeuses efficaces, le 28 février 2025 à Nairobi, au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Valentine Musabyimana, chercheuseà l'Institut KIPRE, analyse les résultats d'un test de séparation des molécules de protéines dans le venin d'un serpent pour produire des thérapies antivenimeuses efficaces, le 28 février 2025 à Nairobi, au Kenya ( AFP / Tony KARUMBA )

Valentine Musabyimana, chercheuse à l'institut, a déclaré que l'objectif était de "développer un antivenin très efficace, le patient n'aurait besoin que d'un seul flacon".

Bien que le processus soit long et coûteux, Mme Musabyimana est optimiste : "Puisqu'il s'agit d'un projet gouvernemental, le coût sera subventionné à la portée d'un simple citoyen".

Ce sera trop tard Shukurani Konde Tuva.

À la ferme aux serpents, M. Ray prévient que l'adolescent risque des conséquences aussi psychologiques. "Quelqu'un a vu son membre pourrir complètement. On le dissèque et on le coupe (…)il y a un traumatisme mental important".

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