
Le Premier ministre François Bayrou a proposé l''idée d'un conclave sur les retraites le 14 janvier dans son discours de politique générale ( AFP / THOMAS SAMSON )
C'est l'heure de vérité mardi pour le conclave sur les retraites, curieux objet politico-social voulu par François Bayrou, après six mois d'éclats de voix à l'extérieur, et de fragiles discussions à l'intérieur.
"Je pense que la possibilité existe de trouver un accord dynamique", a confié le Premier ministre à la Tribune Dimanche.
L'idée d'un conclave sur les retraites est proposée le 14 janvier dans son discours de politique générale par le Premier ministre, qui cherche à éviter la censure de son jeune gouvernement en faisant une concession au PS.
Sous l'oeil des macronistes gardiens de la réforme de 2023 qui prévoit le passage à 64 ans de l'âge légal, François Bayrou n'accorde pas la suspension réclamée par les socialistes.
Mais il propose de rassembler les partenaires sociaux pour "rechercher une voie de réforme nouvelle", "sans aucun totem et sans aucun tabou, pas même l'âge de la retraite". Seule "condition": ne pas "dégrader l'équilibre financier du système" de retraites.
Trois jours après, tous les partenaires sociaux se retrouvent avec François Bayrou et plusieurs ministres pour lancer le chantier.
Devant la presse, le chef du gouvernement évoque un lieu où les partenaires sociaux pourraient se retrouver sans pression, avec des idées jaillissant "autour de la machine à café".
Premier hic, le 27 février, après la remise d'un rapport de la Cour des comptes plantant le décor sur le plan financier (sans modifications, le déficit du système atteindra près de 15 milliards d'euros en 2035, puis autour de 30 milliards d'euros en 2045), FO claque la porte dès la première réunion.

Le secrétaire général de FO Frédéric Souillot après une réunion avec le Premier ministre et les partenaires sociaux au ministère du Travail à Paris, le 17 janvier 2025 ( AFP / BERTRAND GUAY )
Le syndicat dénonce une "mascarade", les discussions n'ayant qu'un seul but, "instrumentaliser" les partenaires sociaux.
- "Adulte dans la pièce" -
Pour FO, le gouvernement demande désormais aux partenaires sociaux d'assurer l'équilibre financier du régime des retraites en 2030, ce que même la réforme Borne de 2023 n'est pas parvenue à faire puisque le déficit est prévu à 6,6 milliards d'euros.
Les premiers échanges entre patronat et syndicats ne prêtent pas à l'optimisme. "On ne peut pas dire que le patronat ait été ouvert sur quoi que ce soit", constate Yvan Ricordeau, négociateur de la CFDT.
Sous la houlette de Jean-Jacques Marette, ancien directeur des retraites complémentaires Agirc-Arrco, et avec le soutien des services de l'Etat qui chiffrent notamment les différentes options mises sur la table, les discussions s'installent néanmoins, cahin-caha.
Le 16 mars, François Bayrou restreint un peu plus la marge de manoeuvre des partenaires sociaux, en affirmant qu'il n'y aura pas de retour à 62 ans.
Les syndicats sont furieux. La CGT claque à son tour la porte le 19, fustigeant "le durcissement des positions" du Premier ministre, "sur injonction du Medef".
La CFDT reste. "On est aujourd'hui dans un moment extrêmement important pour les travailleurs et les travailleuses et ils ont besoin d'avoir des représentants qui agissent en responsabilité" estime Marylise Léon, sa N.1, qui se sent "un peu la seule adulte dans la pièce".
L'U2P, l'union patronale des artisans, avait quitté la veille les discussions, pour des raisons opposées: selon elle, l'équilibre du régime des retraites "imposera de repousser l'âge légal de départ au-delà des 64 ans".
Les partenaires sociaux restants - Medef et CPME côté patronal, CFTC, CFDT, et CFE-CGC - décident de "s'autonomiser" en fixant leur propre feuille de route.
- Chaise vide -
Etabli non sans mal le 3 avril, ce document fait une large part aux réflexions sur le "pilotage" du système des retraites : les partenaires sociaux cherchent les moyens de reprendre la mains sur les grands choix du système, notamment sur la fixation de l'âge de départ ou le niveau des pensions.
La CFTC ne partage pas cette nouvelle ambition, sèche des réunions mais ne s'en va pas.
Le 5 juin, après des semaines de palabres où les sujets qui fâchent sont tenus en lisière, les discussions rentrent dans le dur.
C'est le "money time", explique Marylise Léon, ce moment délicat ou chacun énumère ses lignes rouges, ses demandes et peut-être aussi ses concessions.
Sans surprise, le Medef reste inflexible sur les 64 ans. La discussion semble plus ouverte sur ce qui est de rééquilibrer la réforme Borne en faveur des femmes ayant eu des enfants, ou sur l'invalidité et la reconnaissance des travaux pénibles.

La secrétaire générale de la CFDT Marylise Léon, après une réunion avec le Premier ministre et les partenaires sociaux au ministère du Travail à Paris, le 17 janvier 2025 ( AFP / BERTRAND GUAY )
Mais le Medef exige que ces aménagements se fassent à coût constant.
Et la question des 6,6 milliards d'euros à trouver pour rétablir l'équilibre financier en 2030 reste entière.
Des options permettant de faire contribuer les retraités sont sur la table, comme une sous-indexation des retraites, une hausse du taux de CSG pour les retraités les plus aisés. Politiquement inflammable. Pour l'instant, les entreprises n'ont proposé aucune contribution. Le gouvernement envisagerait lui une prime "seniors".
"Si on est cinq à signer, c'est un vrai engagement; si nous ne sommes que trois à signer (les syndicats), ça ne serait déjà pas du tout la même chose", prévient la CFTC.
Selon des propos rapportés par La Tribune Dimanche, François Bayrou laisse lui planer le doute sur une transposition législative: "tout dépendra si l’accord comporte ou non des dispositions législatives".
3 commentaires
Vous devez être membre pour ajouter un commentaire.
Vous êtes déjà membre ? Connectez-vous
Pas encore membre ? Devenez membre gratuitement
Signaler le commentaire
Fermer