Le Point : La question de l'avortement revient dans le débat politique à l'occasion de la primaire de droite. Qu'est-ce que cela vous inspire, vous avez pris trois décennies pour livrer votre histoire dans L' Événement ?
Annie Ernaux : Lorsque j'ai écrit L'Événement , en 2000, j'avais l'impression de raviver une mémoire morte. On était passé à l'IVG, on pensait que tout cela était derrière nous depuis la loi Veil. Mais il y a eu autour de ce livre une sorte de silence tacite. Comme si la réalité d'un avortement sauvage, dans les années 60, était inconvenante. Comme s'il ne fallait pas parler de ça. Il y a eu un silence difficile à supporter pour moi. On préfère occulter ce qui concerne seulement les femmes. Mais, seize ans plus tard, en 2016, je ne pensais pas entendre en France un homme ? François Fillon, qui a été Premier ministre et qui se présente aux présidentielles ? faire état, « à titre personnel », du fait qu'il est « contre l'avortement »? Imaginerait-on un homme politique ne pas remettre en cause la suppression de la peine de mort, mais dire qu'il est pour, « à titre personnel » ? Pourrait-on imaginer cela ? D'autant qu'il n'a pas osé dire qu'il était contre la loi sur le mariage pour tous, « à titre personnel ». Parce que le droit qui concerne les femmes est toujours celui...
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