FRANCE: LA CONTRÔLEURE DES PRISONS DÉPLORE L'IMPRÉPARATION FACE À L'ÉPIDÉMIE
PARIS (Reuters) - La contrôleure générale des lieux de privation de libertés Adeline Hazan a dénoncé samedi l'impréparation des pouvoirs publics français face à l'épidémie de coronavirus et a appelé le gouvernement à aller plus loin en libérant 7.000 détenus supplémentaires en fin de peine.
"Ce que prouve cette crise en prison, c'est qu'aucun plan n'avait jamais été - par aucun gouvernement - envisagé pour faire face à l'éventualité d'une épidémie et de ses conséquences en prison", a-t-elle dit sur France Inter.
"On voit bien que les pouvoirs publics (...) ont été pris de court et ont bricolé un certain nombre de décisions mais tout à fait en urgence", a-t-elle ajouté.
"Compte tenu de cette surpopulation carcérale que nous connaissons depuis des décennies, il aurait été évident qu'il fallait prévoir ce qui pourrait se passer en cas d'épidémie et malheureusement on s'aperçoit que ça n'a pas été fait", a-t-elle déploré.
Depuis le début de l'épidémie en France, qui a fait à ce jour 13.000 morts selon le dernier bilan officiel, soixante détenus ont contracté le coronavirus et près de 900 agents pénitentiaires sont confinés à domicile, selon la chancellerie. Un surveillant et deux détenus sont par ailleurs décédés du COVID-19.
Pour tenter de freiner la propagation du virus, l'accès aux parloirs dans les prisons françaises est suspendu depuis le mois dernier et une ordonnance a été prise pour faciliter la libération anticipée de détenus se trouvant à deux mois de leur fin de peine.
"GESTES BARRIÈRES IMPOSSIBLES"
Au total, près de 8.000 détenus ont été libérés en un mois, a annoncé la ministre de la Justice Nicole Belloubet lors d'une audition devant la mission d'information portant sur l'épidémie de coronavirus mercredi. Un chiffre jugé "insuffisant" par Adeline Hazan.
"Au 1er mars il y avait 13.000 détenus en surnombre ce qui est énorme", a-t-elle dit. Il faut que "sortent les détenus en fin de peine, pas à deux mais à six mois de leur fin de peine avec un examen bien sûr et en excluant les infractions liées au terrorisme ou aux violences intrafamiliales".
Quant à la généralisation du port du masque à l'ensemble des détenus tout comme l'organisation de tests de dépistage, écartées par le Conseil d'Etat cette semaine, ce devrait pourtant être une priorité compte tenu de la promiscuité en milieu carcéral, a estimé Adeline Hazan.
"Il est évident que les gestes barrières sont absolument impossibles et qu'il faut en urgence procurer aux détenus au moins du gel, des masques et des gants, et pas uniquement aux surveillants", a-t-elle indiqué.
Faute de quoi, a-t-elle mis en garde, le risque d'un "scénario à l'italienne", avec des mutineries, n'est pas exclu, même si à l'heure actuelle les mouvements de protestation déclenchés par la décision de suspendre les parloirs "semblent s'être un petit peu tassés".
(Marine Pennetier)
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