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FOCUS-L'Iran utilise vidéosurveillance et ostracisme pour forcer les femmes à se voiler
information fournie par Reuters 02/05/2023 à 18:44

        * 
      Téhéran recourt à des méthodes plus discrètes
    

        * 
      Les mesures n'ont pas dissuadé les opposantes jusqu'à
présent
    

        * 
      Les véhicules de la police des moeurs ne sont plus
publiquement
visibles
    

        * 
      Certains parlementaires s'inquiètent qu'un regain de la
contestation en découle
    

  
    par Parisa Hafezi
       2 mai (Reuters) - Soucieux de ne pas redonner de souffle
aux plus importants troubles politiques ayant secoué l'Iran
depuis des années, les dirigeants iraniens ont opté pour de
nouvelles tactiques, plus discrètes, pour punir les femmes qui
refusent de respecter l'obligation du port du voile islamique.
    Ces méthodes, mises en place à la suite des vastes
manifestations anti-gouvernementales de l'an dernier, mélangent
recours aux caméras de sécurité, privation des services publics
pour les contrevenantes et remplacement de la police des moeurs,
dont les actions ont été au coeur de la révolte dans le pays
pendant des mois.
    Pour l'heure, la nouvelle stratégie de Téhéran ne semble pas
avoir dissuadé les opposantes au hijab, assurent des activistes,
ajoutant que les mesures pourraient avoir pour conséquence
d'aggraver la crise économique si elles venaient à provoquer la
fermeture accrue de commerces.
    "Marcher dans la rue sans voile est désormais ma façon de
maintenir la révolution en vie", a déclaré Roya, 31 ans,
préceptrice à Rasht dans le nord du pays. Elle a été détenue
pendant trois mois après son arrestation en novembre dernier
lors d'une manifestation.
    "Nous n'avons pas peur des menaces du régime", a dit Maryam,
lycéenne à Kermanshah, dans l'ouest de l'Iran. "Nous voulons la
liberté (...) Nous allons poursuivre sur cette voie jusqu'à ce
que nous reprenions notre pays" au pouvoir religieux, a-t-elle
poursuivi. "Quel est le pire scénario si je marche dans la rue
sans voile ? Une arrestation ? Je m'en fiche."
    Durant des décennies, les femmes refusant de porter le hijab
étaient approchées par des officiers de la police des moeurs
effectuant des patrouilles dans l'espace public à bord de
camionnettes. Ces équipes, composées d'hommes et femmes, étaient
chargées de repérer tout "comportement et tenue" anti-islamique.
    Ces véhicules ont désormais majoritairement disparu des rues
des villes qu'ils sillonnaient, ont rapporté à Reuters des
habitants, alors que les manifestations de l'an dernier ont
placé les ecclésiastiques iraniens face à leur pire crise de
légitimité depuis la révolution islamique de 1979.
    
    INTERDICTION DE SERVIR LES "CONTREVENANTES"
    Les autorités iraniennes ont annoncé aussi que les
patrouilles de la police des moeurs ne seraient plus le fer de
lance de la répression des contrevenantes au code vestimentaire.
    Au lieu de faire circuler des véhicules, les autorités
installent des caméras pour identifier les femmes non-voilées se
déplaçant dans la rue - une méthode plus discrète pour repérer
tout manquement aux obligations vestimentaires conservatrices.
    Parmi les nouvelles tactiques utilisées par le gouvernement
figure aussi une directive adressée aux secteurs privé et public
pour que ceux-ci ne fournissent plus de services aux
"contrevenantes", sous peine de risquer de se voir infliger de
lourdes amendes et même un placement en détention.
    Toutefois, un nombre croissant de femmes défient les
autorités en délaissant le voile depuis les manifestations
survenues en réaction à la mort de Mahsa Amini, âgée de 22 ans,
à la suite de son arrestation par la police des moeurs pour
n'avoir pas porté le voile.
    La contestation a été violemment réprimée par les forces de
sécurité, avec pour effet des manifestations moins récurrentes,
moins suivies, et quasiment à l'arrêt en février. 
    La mort en détention de Mahsa Amini en septembre dernier a
fait exploser une colère refoulée pendant des années par la
société iranienne, à l'égard d'un éventail de sujets, allant de
la misère économique au renforcement des contrôles politiques.
    Depuis, il est fréquent que les femmes se rendent sans voile
dans les centres commerciaux, aéroports et restaurants,
multipliant les exemples de désobéissance civile.
    Plusieurs élus et politiciens ont prévenu du risque que les
manifestations reprennent si les autorités continuent de se
focaliser sur la répression des femmes ne portant pas le voile.
    Le "speaker" du Parlement, Mohammed Baqer Qalibaf, a
provoqué les critiques d'économistes et politiciens en déclarant
mi-avril que faire respecter le port du voile n'entrait pas en
conflit avec le développement économique.
    Aux yeux de Saeid Golkar, professeur adjoint en science
politique à l'Université du Tennessee, la répression liée au
port du voile est destinée à satisfaire "la petite base sociale
conservatrice et religieuse du régime autoritaire".
    
    "COMBAT QUOTIDIEN POUR LA LIBERTÉ"
    Depuis sa remise en liberté sous caution, Roya a
interdiction de quitter le pays et a été convoquée à plusieurs
reprises pour un interrogatoire.
    "Il est possible que je sois de nouveau emprisonnée, mais ça
en vaut la peine. Je veux que mon pays soit libre et je suis
prête à payer le prix", a-t-elle dit.
    Comme une dizaine d'autres femmes interviewées pour ce
reportage, Roya a demandé à ne pas être précisément identifiée
pour des raisons de sécurité, craignant des conséquences pour
s'être exprimée auprès de la presse étrangère.
    "Je sors sans voile tous les jours pour montrer que
l'opposition au pouvoir est toujours en vie", a fait savoir
Minou, 33 ans, résidente de la ville sainte de Mashhad qui dit
avoir été battue par les forces de sécurité durant les
manifestations, tandis que son frère a été arrêté.
    Les nouvelles tactiques adoptées par Téhéran pour faire
respecter le port du voile pourraient aggraver les problèmes
économiques du pays, a estimé un initié iranien proche de hauts
dirigeants.
    D'après la presse officielle, des milliers de commerces ont
fermé pendant des jours, dont un centre commercial de Téhéran
regroupant quelque 450 magasins, après que des employés n'ont
pas respecté la loi sur le hijab et accueilli des femmes
non-voilées.
    Alors que l'économie est déjà plombée par des sanctions
américaines et une mauvaise gestion, l'Iran a dû faire face
pendant des mois au mécontentement de travailleurs et de
retraités à propos de l'inflation, dont le taux a bondi à plus
de 50%, du chômage et de salaires impayés.
    La presse officielle iranienne a relayé des images de femmes
non-voilées se voyant interdire l'usage de transports publics,
tandis que les ministères de la Santé et de l'Education ont
annoncé qu'ils n'offriraient pas leurs services aux
contrevenantes au code vestimentaire islamique.
    "Mon épicerie (à Isfahan dans le centre du pays) a été
fermée pendant plusieurs jours par les autorités pour avoir
servi des femmes non-voilées", a déclaré Asghar, 45 ans. "Je
dois travailler pour prendre soin de ma famille. J'arrive à
peine à joindre les deux bouts. Je m'en fiche si mes clientes
sont voilées ou non".
    Pour l'étudiante Shadi, 20 ans, se rendre dans son
université du nord de l'Iran est devenu un "combat quotidien
pour la liberté".
    "Les autorités universitaires ont menacé de me virer de
l'école (...) Mais je ne renoncerai pas tant que nous ne serons
pas libres", a-t-elle déclaré.

    
 (Reportage Parisa Hafezi à Dubaï; version française Jean
Terzian)

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