
Une affiche électorale de la candidate et co-dirigeante du parti d'extrême droite Alternative pour l'Allemagne (AfD), Alice Weidel (d), devant le siège du parti chrétien-démocrate CDU avec une photo géante de son dirigeant Friedrich Merz sur sa façade, le 24 février 2025 à Berlin ( AFP / Odd ANDERSEN )
Le parti Alternative pour l'Allemagne (AfD), en tête de récents sondages, a lancé lundi une action en justice contre son classement par les autorités comme mouvement " extrémiste de droite ", une affaire qui tend les relations entre Berlin et Washington à la veille de l'élection du chancelier Friedrich Merz.
L'annonce vendredi de cette classification par les services du Renseignement intérieur a fait l'effet d'une bombe, en pleine transition politique dans la première économie européenne.
L'idéologie de l'AfD "dévalorise des groupes entiers de la population en Allemagne et porte atteinte à leur dignité humaine", ce qui n'est "pas compatible avec l'ordre démocratique" : c'est ainsi que l'Office de protection de la Constitution, lié au ministère de l'Intérieur mais qui en la matière a agi de manière autonome comme la loi le lui permet selon le gouvernement, a justifié sa décision.
Les co-présidents du parti, Alice Weidel et Tino Chrupalla, ont engagé lundi un recours devant le tribunal administratif de Cologne, a indiqué un porte-parole de l'AfD.
Alice Weidel a ensuite dénoncé une "criminalisation de la liberté d'expression et d'une critique légitime de la politique d'immigration" de la part des services de renseignement, dont la décision est "politiquement instrumentalisée".
- Washington s'en mêle -
L'affaire a suscité des réactions vives y compris aux Etats-Unis, où l'administration Trump est prompte à dénoncer ce qu'elle perçoit comme des atteintes à la liberté d'expression en Europe visant les partis qui lui sont idéologiquement proches.

Le vice-président américain JD Vance à Huger, en Caroline du Sud, le 1er mai 2025 ( POOL / Kevin Lamarque )
Le vice-président américain JD Vance a accusé l'Allemagne de reconstruire un "mur de Berlin", tandis que le secrétaire d'Etat Marco Rubio a qualifié la décision de "tyrannie déguisée", estimant que "l'Allemagne devrait inverser sa décision".
Les insinuations de Marco Rubio sont "sans fondement", a réagi lundi le porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères, Sebastian Fischer.
La date de l'annonce de la décision du Renseignement intérieur, à quelques jours de l'intronisation de Friedrich Merz, a à elle seule alimenté le débat dans le pays.
Elle s'appuie sur un rapport interne du Renseignement, qui a vocation à rester confidentiel, réalisé sur plusieurs années, a fait valoir lundi un porte-parole du ministère de l'Intérieur.
Le document intègre des éléments recueillis notamment pendant la campagne des législatives anticipées de février, et d'autres glanés jusqu'à une semaine avant la publication vendredi dernier. C'est ce qui pourrait avoir précipité l'annonce.
Grâce à cette classification, les autorités sont désormais habilitées à intensifier leur surveillance policière du parti, y compris en interceptant, si nécessaire, les communications privées de ses dirigeants.

L'entrée d'un bâtiment abritant le siège du parti d'extrême droite allemand Alternative pour l'Allemagne (AfD) à Berlin, le 2 mai 2025 ( AFP / Tobias SCHWARZ )
Dans sa requête déposée lundi, le parti AfD rejette toute accusation liée à "l'incitation à la haine des étrangers ou à l'islamophobie" en son sein.
Son aile la plus radicale est régulièrement accusée de proximité avec la mouvance néo-nazie et de révisionnisme historique sur les crimes du IIIème Reich.
- Interdire l'AfD? -
Cette décision du Renseignement intérieur a aussi relancé le débat sur une éventuelle interdiction de l'AfD, régulièrement alimenté par des élus.

Le chef de la CDU et chancelier désigné Friedrich Merz arrive pour la signature d'un accord de coalition entre la CDU, l'Union chrétienne-sociale (CSU) et le Parti social-démocrate (SPD) pour former le nouveau gouvernement du pays, le 5 mai 2025 à Berlin ( AFP / Tobias SCHWARZ )
Cela fait un dossier chaud de plus à traiter pour Friedrich Merz, qui doit être élu chancelier par les députés mardi.
"Ce sera la tâche du prochain gouvernement fédéral d'évaluer soigneusement ce rapport", a-t-il souligné lundi, disant ne "vouloir donner personnellement aucune recommandation".
Il a cependant estimé qu'avec cette classification il lui était désormais "inconcevable" que des députés AfD soient élus à la présidence des commissions.
Les avis sur l'opportunité d'une procédure en interdiction divergent au moment où l'AfD est en plein essor. Juridiquement les obstacles pour faire valider une telle décision par la Cour constitutionnelle sont très élevés et, politiquement, elle pourrait accroître encore la popularité du mouvement qui se présente en victime.
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